Gigantesque, fabuleux, monstrueux, époustouflant. Il faut être un peu tout ça à la fois pour battre Novak Djokovic en grand chelem. Cette nuit, le Suisse a confirmé toute sa puissance, sa splendeur, mais aussi son mental d’acier en battant, une deuxième fois, en finale d’un majeur, le Serbe pour remporter sa troisième couronne en grand chelem. Victoire 6-7 (1), 6-4, 7-5, 6-3. Wawrinka complète ainsi dans ses 3/4 le career slam: Après l’Open d’Australie 2014 et Roland Garros 2015, le voilà qu’il s’adjuge l’US Open 2016. Chapeau.
Stan Wawrinka remporte avec brio l’édition 2016 de l’US Open. En finale, le Vaudois s’est offert le scalp du tenant du titre et numéro un mondial, le Serbe Novak Djokovic, à l’issue d’une bataille qui a duré près de quatre heures. Le Suisse remporte sa onzième finale consécutive, et surtout le troisième Grand Chelem de sa carrière sur autant de finales jouées. Ce succès permet également de faire de ‘’Stanimal ‘’ l’égal d’Andy Murray en nombre de majeurs remportés, bien que l’Écossais ne puisse se vanter d’avoir la variété de surfaces, ayant remporté Wimbledon par deux fois. A 31 ans et 5 mois, le natif de Lausanne entre dans la liste des cinq joueurs capables de remporter deux titres majeurs a plus de 30 ans. Tout en étant le plus vieux joueur titré à Flashing Meadows depuis Ken Rosewall en 1970. Pour le Serbe, l’occasion de confirmer le titre obtenu l’année dernière s’est envolée en fumée, de même que la possibilité d’égaler les 14 majeurs de Rafael Nadal et Pete Sampras. Le numéro un mondial a probablement payé une condition physique particulièrement défaillante notamment dans la durée, étant donné que lors des tours précédents, il était resté trop peu sur le court pour tester son physique. Le natif de Belgrade a également eu recours au fameux medical time out dans le quatrième set pour soigner une gêne dans son pied gauche, un traitement qui a suscité l’indignation de Stan Wawrinka, justifié par le moment délicat du match. Impitoyables et parlantes, auront été les statistiques pour Nole, avec 46 fautes directes et un ratio catastrophique de 3/17 sur les balles de break, un pourcentage presque digne de Federer l’an dernier, qui avait malheureusement couté au maestro Bâlois la victoire face à ce même Djoko, ici-même à New York. Aujourd’hui, cependant, en ce 11 septembre 2016, une date symbolique, c’était le jour de Monsieur Stanislas Wawrinka, capable de prouver, une fois n’est pas coutume, que quand il est en forme, peu de joueurs peuvent lui résister. Parce que battre Djokovic dans deux finales si importantes, en ajoutant celle de Roland Garros l’an dernier, ce n’est pas donné à tout le monde. Et dire que lors du troisième tour, il avait dû écarter une balle match contre Evans.
Les deux prétendants rentraient sur le court, forts de leurs demi-finales respectives remportées avec autorité. Le Serbe avait bénéficié d’une performance embarrassante, voir indigne de Monfils tandis que la Suisse n’a pas eu trop de mal pour se défaire de la faible résistance de Nishikori. A la veille de cette empoignade, beaucoup se demandaient quel était l’état réel du champion des Balkans et les sensations qui accompagnaient le Suisse au réveil, condition sinequanone pour que Stan puisse exprimer son meilleur tennis. À ce jour, en dépit d’un face à face impitoyable de 19-4 en faveur du numéro un mondial, les confrontations entre les deux hommes en grand chelem ont toujours vu Wawrinka tenir la dragée haute au Serbe, sauf la première fois, ici à Flashing Meadows en 2012. Nole en fait, menait seulement 4-2 dans les majeurs, où, souvent, nous avons été témoins de duels mémorables. Ne pas oublier aussi que le joueur de Lausanne a infligé à son adversaire du jour une des défaites les plus douloureuses de sa carrière, à Roland-Garros en 2015, sans laquelle le grand Chelem parfait de Rod Laver (dernier joueur à l’avoir réalisé) sur une année civile aurait été réactualisé. Le début de partie est immédiatement problématique pour le champion en titre, forcé de remonter de 15-30, prélude d’un second jeu dans lequel, les retours très profonds de Novak génèrent autant de fautes chez Stan, incapable de suivre le rythme et forcé de céder son service après avoir gâché deux occasions de recoller à un jeu partout.
Mené au score, Wawrinka a su réagir
Alors que le score affichait 3-0 pour son rival, le Suisse va commencer enfin à se libérer, mais son adversaire continue de remporter ses tours de service, bien aidé, il est vrai, par les nombreuses fautes directes et le niveau insuffisant en retour du Lausannois. Wawrinka se retrouve en difficulté à 0-30 sauvant même une balle de double break dans le sixième jeu d’un match qui ne décolle toujours pas. Cependant, l’enfant de Belgrade se montre implacable et après une demi-heure, il franchit une nouvelle étape vers la conquête du premier set en menant 5-2. Le huitième jeu est le parfait exemple de la tendance du match, qui peu à peu, s’équilibre au fil des minutes. Le double lauréat en Grand Chelem concède deux balles de break (et donc de set) sur lesquelles, Nole se montre étrangement bienveillant, s’obligeant ainsi à devoir servir pour le gain de cette première manche. L’erreur coûte cher au patron du circuit, qui se retrouve rapidement mené 0-40, avant de commettre une double faute sur la balle de break. Djokovic confirme son passage à vide et relance totalement l’Helvète. Le Suisse, pourtant au bord de la rupture, égalise à cinq jeux partout. Dès lors, le tie-break semble inéluctable. Novak démontre sa force et toute son autorité, en réalisant d’entrée le minibreak au début du jeu décisif. Stan répond avec un magnifique point qu’il lui permet de revenir à 2-1, et sur la lancée du moment, le Serbe place un passing de revers monumental. Au moment de changer de côté, le score affiche 5 points à 1 pour Nole face à un adversaire un peu trop discontinu, et après une heure de jeu, sur une énième faute en revers de Stan, le jeu décisif s’achève sur la marque 7-1. Neuvième tie-break perdu sur les dix joués par Stanimal contre Novak.
A l’ouverture de la deuxième manche, Wawrinka connait une légère frayeur à 30-A, contrairement à Djokovic, qui déroule et qui est à 90% de réussite derrière sa première. Dans le quatrième jeu, Nole va toutefois et sans véritables explications, commettre deux doubles fautes, alors qu’il menait 40-15. Stan sent la bonne occasion et d’un superbe revers, s’engouffre dans la brèche et s’empare du service adverse pour mener 3-1. La joie du Suisse va rapidement se transformer en grosses frustrations, car sur le jeu suivant, il se retrouve contraint de défendre trois balles de débreak. Toutefois, le Serbe n’en profite pas. La réaction du tenant du titre est seulement reportée. À 4-2, en fait, sur un magnifique revers croisé ; le joueur des Balkans parvient à rétablir l’équilibre, profitant d’un partiel de 12 points à 2. Menant 5-4, le Suisse obtient à son tour deux balles de break, synonymes de set à 15-40, sur la seconde, il bénéficie d’un coup droit erroné de son adversaire pour rétablir définitivement l’équilibre en égalisant à une manche partout.
Le dernier set, une formalité
Le troisième set commence tout de suite, avec trois balles de break (non consécutives) toutes galvaudées par Djokovic (à signaler une double faute évitée de quelques millimètres sur la première), la nervosité grandit chez Novak en proportion des occasions manquées, son passif de 2/11 sur les opportunités de break en dit long. Le coup de grâce, c’est la tête de série numéro trois qui va le porter. Wawrinka réalise le break dans un jeu où il était pourtant en retard de deux points, il réussit même à confirmer sur son service pour s’envoler à 3-0 avec un revers dont lui seul à le secret, probablement, le meilleur du circuit dans ce coup. Nole est maintenant dans la confusion totale, comme en témoignent ses trois smashes ratés, qui lui coutent le point dans le quatrième jeu, mais Stan le remet dans la partie, la faute à deux mauvais choix tactiques, alors qu’il était tout proche de mener 4-1. L’impression, c’est que ce set constitue un tournant important. Les deux joueurs s’accrochent à leurs services, y compris un jeu de 12 points, dans lequel le Suisse réussit à ne concéder aucune opportunité pour recoller à cinq partout. En fait, le serbe a mené 15-30 face à un adversaire, qui maintenant, dans les moments clés, se montre glacial, et oblige Djokovic à servir pour rester le set. Ayant l’avantage 40-30, le tie-break semble très proche, mais le protégé de Marián Vajda et Borris Becker subit les retours de son adversaire qui obtient une balle de set, exploitée à merveille grâce à un énième coup droit longue ligne sur lequel Novak ne peut que constater les dégâts. Après trois heures de jeu, Stan est devant au score, deux sets à un.
L’inertie ne change pas d’un iota dans les premiers stades de la quatrième manche, d’autant que le Suisse poursuit son entreprise de démolition en breakant dans le deuxième jeu, avant de confirmer derrière, avec autorité, sur un jeu blanc, pour mener trois jeux zéro. Novak semble souffrir, peut-être au pied gauche. La mobilité du Serbe est de plus en plus aléatoire, même son box ne semble plus trop y croire. Mais le vainqueur de treize épreuves en Grand Chelem, s’offre un sursis en sauvant une balle de 4-0, avant de demander le Medical Time Out pour soigner un orteil endolori (résultant une plainte de Stan relative au moment de l’appel du MTO). Wawrinka essaie, pendant ce temps là, de ne pas perdre sa concentration. Le Suisse efface trois balles de contre break et accroit son avance à 4-1, complice également, un certain nombre d’erreurs très inhabituelles commises par Djokovic, à un moment crucial de la partie. Le numéro un mondial est physiquement carbo, bien que parfois, son attitude laisserait penser qu’il en rajoute un peu dans le but, peut-être, de déconcentrer son rival. Le vainqueur de Roland Garros 2015 reste dans sa bulle. Gagne à nouveau son service blanc dans le septième jeu, ce qui lui donne, une chance d’aller servir au moins une fois pour remporter le titre. Au cours de la deuxième intervention médicale, la souffrance (réelle ou pas) se lit en tout cas sur le visage du Serbe, à tel point que le dénouement viendra bientôt. Devant deux sets à un et 5-3, le Vaudois au moment de servir pour le sacre, connait une grosse frayeur. Il se retrouve mené 0-30, avant de recoller à 30-A, risquant à deux reprises, de commettre une double faute, avant de se procurer une balle de match. La première s’envole en fumée, cependant, la seconde sera la bonne. Le suisse réalise un point tout simplement parfait qui lui ouvre la voie d’un premier triomphe du côté de la grosse pomme.
La réaction du vainqueur:
Stanislas Wawrinka (Suisse): « C’est incroyable bien sûr. Je savais que ce serait une bataille très dure contre Novak. Je m’étais préparé à souffrir. Et physiquement comme mentalement, c’était vraiment très dur. J’ai tout donné sur le court. Aujourd’hui, j’ai essayé de rester accroché à lui, d’être dur avec moi-même mais sans jamais rien lui montrer. Je suis fier de ce que j’ai réussi. Il n’y a pas de secret, si on veut battre le numéro 1 mondial, il faut tout donner, accepter de souffrir. Ce Grand Chelem a été le plus demandeur physiquement et mentalement que je n’ai jamais connu. Vous pensez que l’an prochain, je ne vais me concentrer que sur Wimbledon ? Non, je vais juste me pousser au maximum pour devenir le meilleur joueur possible. Je m’entraîne dur pour essayer de gagner tous les matches. Les résultats viennent parce que je fais ça, que je me bats contre moi-même tous les jours, que mon équipe me pousse jour après jour. Cette année, je joue bien mieux que l’an dernier. Mais vous savez, je n’avais jamais rêvé de gagner en Grand Chelem avant l’Australian Open (en 2014), parce que ça me paraissait trop loin ».
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