Le Britannique de 52 ans quittera son poste de président exécutif de l’ATP à la fin de la saison suite au vote cette semaine du board de l’ATP, qui a décidé de ne pas lui octroyer un troisième mandat.
Ce qui était annoncé en coulisse est désormais officiel: le mandat de Chris Kermode à la tête de l’ATP ne sera pas renouvelé à la fin de l’année 2019. Son départ a été acté par un vote lors d’une réunion du conseil d’administration, composé du président, de trois représentants des joueurs et de trois représentants des organisateurs de tournois. Mais il était en réalité attendu depuis janvier et une réunion du Conseil des joueurs qui lui avait été hautement défavorable. Les réactions de grands personnalités du tennis ne se sont pas fait attendre et la plupart regrette cette décision, comme par exemple Lleyton Hewitt ou Rafael Nadal. Roger Federer a même fait savoir que des tensions sont apparues avec Novak Djokovic, le président du Conseil des joueurs, accusé d’être à l’origine du départ du Britannique et surtout de n’avoir pas pris le temps de consulter certains de ses éminents homologues. Retour sur une décision qui divise le tennis.
Une décision des joueurs
L’officialisation de son départ était en tout cas attendue depuis le début de l’année et un vote du Conseil des joueurs, qui s’était réuni en marge de l’Open d’Australie. Ce vote avait été défavorable au Britannique et a grandement influencé la décision du board de l’ATP, où il comptait en plus quelques farouches opposants, comme l’ancien joueur Justin Gimelstob. Il lui était notamment reproché par certains joueurs (au premier rang desquels Vasek Pospisil) une répartition inégale de l’argent généré par le tennis, surtout envers les joueurs de bas classement. Mais un seul cristallise toutes les attentions cette semaine : Novak Djokovic, le numéro 1 mondial et aussi président des joueurs. En effet, si Kermode avait réussi à gagner la confiance de la majorité du circuit, le Serbe et lui ne sont jamais appréciés. Il a d’ailleurs été accusé à demi-mot par Roger Federer d’avoir comploté en coulisses pour faire tomber le président de l’ATP. Les deux se retrouvaient pourtant sur certaines idées. Le Djoker avait par exemple très fortement appuyé la création de l’ATP Cup, une compétition par équipe internationale qui verra le jour en 2019, apparaissant même au côté de Chris Kermode devant la presse pour soutenir le projet. Mais le Serbe a toujours défendu une augmentation des revenus des joueurs (ils ne touchent actuellement que 7% des revenus des tournois) et estimait que le Britannique préférait se ranger du côté des organisateurs sur ce point là.
Le numéro 1 mondial remet même en question le système actuel depuis un moment, notamment le fait que les joueurs comptent autant de représentants que les organisateurs de tournoi et que ce soit donc souvent au président de trancher entre les deux. C’est pour cela qu’il avait proposé de mettre en place un syndicat des joueurs en janvier, ce qui romprait définitivement avec le fonctionnement si particulier de l’ATP, qui représente en même temps les joueurs et les tournois. Nul doute que les discussions pour décider de l’avenir de l’instance dirigeante du tennis professionnel vont être particulièrement suivies et importante cette année. L’influence des joueurs est de plus en plus grande, comme cette histoire le montre, et leurs revendications devraient être écoutées. Le favori à la succession de Kermode est d’ailleurs Craig Tiley, l’actuel directeur de l’Open d’Australie. Celui-ci est très populaire auprès des joueurs (notamment ceux du Conseil) grâce au généreux prize-money accordé par le Grand-Chelem australien, qui va d’ailleurs continuer de grimper dans les prochaines années. Il est donc très favorable à l’augmentation des revenus des joueurs, ce qui va certainement peser très très lourd dans la balance.
Un futur ex-président regretté
C’est donc bien sur l’autel de l’argent que le Britannique, premier président de l’ATP européen de l’histoire, a été sacrifié, pour avoir refusé de se plier aux revendications élevées des joueurs. Il sera en tout cas regretté. De nombreuses voix se sont élevées pour exprimer leur tristesse de le voir quitter son poste en fin d’année, et des joueurs comme Rafael Nadal ou encore Stan Wawrinka avaient déjà publiquement exprimé leurs positions pro-Kermode. Si son leadership a été salué, c’est évidemment surtout sa vision du tennis qui aura marqué son mandat. Rarement un président de l’ATP, où même un dirigeant d’un sport, aura été aussi ouvert à la modernité et tourné vers le futur, d’autant plus dans un sport où la place donnée aux traditions est généralement assez grande. Toutes ses idées ne sont pas bonnes (il est par exemple assez favorable aux sets de quatre jeux), mais au moins a-t-il le mérite de bousculer un peu les codes pour tenter de redonner de l’attractivité à la balle jaune.
Conscient et lucide sur les difficultés et les enjeux du tennis sous sa forme actuel, il n’aura eu de cesse d’essayer de le faire évoluer. Le meilleur exemple de cela est le tournoi Next Gen, le “Masters” des moins de 21 ans, organisé en fin d’année, qui est un vrai succès. De nombreuses nouvelles règles, testées à cette occasion, devraient voir le jour sur le circuit professionnel dans les années à venir. Il a aussi grandement contribué à l’augmentation des prize-moneys des tournois, qui ont commencé à grimper à partir de son arrivée en 2014, et donc de manière générale des revenus du tennis. Cela a été possible notamment grâce aux très gros contrats de sponsoring qui ont été négociés sous sa coupe. Son influence devrait donc continuer à se faire sentir même après son départ. Le tennis va ainsi continuer à avancer dans la direction qu’il a essayé de lui donner, qu’on le veuille ou non.
Crédits photo à la Une: Tim Wang