Novak Djokovic a remporté son deuxième Roland-Garros dimanche dernier en renversant un Stefanos Tsitsipas vaillant mais malheureux en finale (6-7, 2-6, 6-3, 6-2, 6-4 en 4h11). Si le Djoker continue de renverser des records tel un bulldozer, le Grec gardera une immense déception de cette occasion manquée. Analyse.
À seulement 22 ans, Stefanos Tsitsipas a tutoyé de très près les sommets sur le court Philippe-Chatrier en finale de Roland-Garros. Bien mieux rentré dans le match que le numéro 1 mondial, le Grec dictait le jeu et profitait de la litanie d’erreurs de Novak Djokovic pour se détacher deux manches à zéro. Mais comme bien souvent avec le Djoker, l’adage populaire « il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué » s’est exaucé. Un retour au vestiaire salvateur, un Tsitsipas qui gamberge forcément alors qu’il n’est plus qu’à six jeux de la gloire, un public qui demande du rab. Tous ses facteurs ont joué un rôle fondamental dans la folle « remontada » du Djoker, coutumier du fait en Grand Chelem, mais qui n’avait encore jamais renversé de cette manière une finale de Grand-Chelem.
Novak Djokovic renverse les montagnes à mains nues
Même si la fin d’une époque se profile, le « Big 3 » du tennis mondial – Novak Djokovic, Rafael Nadal, Roger Federer – a encore fait la pluie et le beau temps tout au long de la quinzaine. Alors que les trois maestros étaient placés dans la même partie de tableau, leurs moindres faits et gestes ont défrayé la chronique, du forfait de Roger Federer avant son huitième de finale, à la demi-finale annoncée d’anthologie remportée par Novak Djokovic contre Rafael Nadal. Cette dernière demi-finale restera le match de la quinzaine, tout autant qu’un marqueur de l’immense performance réalisée par Novak Djokovic.
Tombeur de Nadal en quarts de finale en 2015, « Nole » avait buté sur Stan Wawrinka en finale. Cette année, alors qu’un tel scénario se profilait de nouveau en finale, Novak Djokovic a su faire table rase pour transformer l’essai. Et quel essai ! Avant son bras de fer face à Tsitsipas, le numéro 1 mondial avait dû livrer un autre gros combat de 4h11 face à un taureau de Manacor tenant du titre, et lancé à pleine vitesse vers un 14e titre Porte d’Auteuil. Il aura fallu un Novak Djokovic au plus que parfait pour éliminer un Rafael Nadal, qui aura lui aussi livré un match d’anthologie, mais qui devait in fine reconnaître la supériorité du Serbe.
Une recherche de légitimité
Le plafond de verre avait sauté en 2016, lorsque Djokovic remportait enfin son premier Roland-Garros. Mais le Djoker avait besoin de cette dose de légitimité, de terrasser le maître des lieux avant de s’emparer de la Coupe des Mousquetaires. Un autre plafond de verre vient donc de sauter, et Novak Djokovic se rapproche de plus en plus du statut de plus grand joueur de l’histoire du tennis mondial. Même si son aura n’atteindra jamais celle d’un Rafael Nadal Porte d’Auteuil, ou d’un Roger Federer dès que ce dernier met le pied sur le court, Novak Djokovic vient de renverser des montagnes à mains nues pour se frayer un chemin de plus en plus dégagé vers les plus hauts sommets.
Il compte désormais 19 titres du Grand Chelem dans son escarcelle, soit un de moins que Roger Federer et Rafael Nadal. Il est d’ailleurs désormais le seul joueur à avoir remporté au moins deux fois chaque tournoi du Grand-Chelem. Une performance unique, qui pourrait prendre encore plus d’ampleur si Novak Djokovic remportait Wimbledon et l’US Open. Effacer des tablettes Federer et Nadal en réalisant un « Grand Chelem » sur l’année civile (remporter les 4 tournois majeurs sur une même année) ça aurait de la gueule, avouons-le.
Tsitsipas, de l’amertume et des promesses
Tout était quasi parfait. Un début de match serein, un sang-froid impressionnant dans les moments importants des deux premiers sets et un Novak Djokovic tout près du précipice. Lui-même devait se demander ce qu’il pouvait bien arriver au Djoker. Puis tout a tourné. Le numéro un mondial est rentré aux vestiaires et en est sorti transfiguré. Le Grec, lui, ne baissait pas vraiment pavillon, mais assurait désormais le spectacle par intermittence. Surtout, après un moment de latence qui a failli lui être fatal, Novak Djokovic est revenu à son meilleur niveau, avant de plier l’affaire dans les trois derniers sets.
Plus jeune finaliste d’un tournoi du Grand Chelem depuis Andy Murray à l’US Open 2010, Stafanos Tsitsipas ressassera sûrement longtemps cette occasion manquée. L’amertume laissera progressivement la place à une ambivalence des sentiments, qu’il faudra vite dépasser, pour ne pas ressasser trop longtemps et obérer l’avenir. Malgré tout, il est aisé de comprendre pourquoi le Grec est resté de longues minutes prostré dans sa serviette. Une finale de Grand-Chelem ne s’atteint pas tous les quatre matins. Surtout, Tsitsipas a dû se couper en quatre pour se défaire d’un tableau dégagé des trois monstres que sont Djokovic, Nadal et Federer, mais qui n’en restait pas moins piégeux. Sa demi-finale remportée en cinq manches contre Alexander Zverev avait d’ailleurs donné le ton au match d’anthologie entre Djokovic et Nadal.
Mais patatras… Une finale perdue de Grand-Chelem constitue aussi bien une immense déception qu’une promesse. Stefanos Tsitsipas fait pleinement partie de la « Next Gen » appelée à suppléer les trois monstres, une fois que ces derniers auront quitté les courts. Il a encore l’avenir devant lui, mais les occasions perdues ne se rattrapent pas. Dominic Thiem avait su se relever pour remporter l’US Open l’année dernière après trois finales perdues contre Nadal et Djokovic. Reste à savoir comment le Grec appréhendera la suite des opérations. La tête pleine de nœuds, ou la rage au ventre ?