Novak Djokovic remportera-t-il son huitième Open d’Australie ? Roger Federer va-t-il rattraper Novak Djokovic au nombre de victoires à Melbourne ? Rafael Nadal égalera-t-il le record de titres du Grand Chelem de Roger Federer ? Serena Williams va-t-elle enfin rejoindre Margaret Court dans l’histoire ? Ashleigh Barty triomphera-t-elle à domicile ? Stéfanos Tsitsipás et Daniil Medvedev vont-ils renverser la hiérarchie mondiale ? Aucun doute, le premier tournoi du Grand Chelem des années 2020 s’annonce excitant. Pourtant, ce n’est pas le plus important. L’Australie est actuellement frappée par de violents incendies. Les scènes sont apocalyptiques, la qualité de l’air est inquiétante et surtout le bilan des pertes est effrayant. Face à ce contexte, il est donc nécessaire de se poser une question épineuse: faut-il reporter l’Open d’Australie ?
Maintenir l’Open d’Australie : quels risques pour la santé des joueurs ?
Novak Djokovic a récemment fait part de son inquiétude à l’approche de l’Open d’Australie 2020. Le numéro 2 mondial s’est déclaré en faveur d’un report du tournoi si les conditions climatiques représentaient un danger pour la santé des joueurs. Bien entendu, il est pleinement conscient que cette option est la dernière envisagée par les organisateurs. Pourtant, même si l’idée paraît folle voir complètement impensable, le Serbe a le mérite d’avoir ouvert débat. En effet, la situation commence à devenir très préoccupante à Melbourne.
Les images de la Rod Laver Arena n’ont rien de bien rassurant. Le stade est complètement recouvert par un énorme brouillard de fumée. Le 14 janvier 2020, pour le début des qualifications à l’Open d’Australie, la quantité de particules fines a dépassé les 400 microgrammes par mètre cube d’air. Ce taux doit être inférieur à 20 microgrammes pour avoir une bonne qualité d’air. Autant dire que la limite acceptable a largement été franchie. Sans réelle surprise, cette journée a été marquée par plusieurs malaises ainsi que l’abandon de la Slovène Dalila Jakupović. Dans ces conditions, la pratique du sport n’est pas juste difficile, elle est tout simplement dangereuse !
Awful scenes in Melbourne.
Dalila Jakupovic has abandoned her #AusOpen qualifying match after suffering a coughing fit while playing in thick smoke caused by the #AustralianFires. pic.twitter.com/WAJv6TzTjW
— ESPN Australia & NZ (@ESPNAusNZ) January 14, 2020
Jouer l’ensemble du tournoi en indoor: une solution réaliste ?
Selon Craig Tiley, directeur de Tennis Australia, il n’y a aucune inquiétude à avoir : toutes les mesures ont été prises pour que l’Open d’Australie se déroule comme prévu. Si le patron du tennis australien est aussi sûr de lui, c’est parce qu’il possède un atout majeur : la Rod laver Arena, la Melbourne Arena et la Margaret Court Arena sont toutes équipées d’un toit rétractable. Normalement prévus pour affronter la pluie ou les fortes chaleurs, ces toits pourront être déployés pour se protéger de la fumée toxique. Des experts en météo et en qualité de l’air ont même été recrutés pour analyser la situation en direct. En cas de force majeure, les arbitres pourront donc interrompre les parties afin de passer en mode indoor.
Cependant, l’ensemble du tournoi ne pourra pas se jouer uniquement sur trois terrains. Entre les qualifications, le simple messieurs, le simple dames, le double messieurs, le double dames, le double mixte, sans oublier les juniors et le tennis-fauteuil, il y a trop de matchs. Les huit courts intérieurs du Centre National du Tennis à Melbourne Park pourront éventuellement être utilisés lors des qualifications, mais pour le reste de la compétition ça risque d’être compliqué. Jusqu’aux quarts de finale, certains devront inévitablement disputer leur rencontre sur des courts extérieurs. Il y aura donc une iniquité entre les joueurs protégés par le toit et ceux exposés aux particules fines.
Reporter l’Open d’Australie : quelles en seraient les conséquences ?
Comme Novak Djokovic, Ashleigh Barty estime que reporter l’Open d’Australie doit être envisagé si la situation devient trop critique. Pour la numéro 1 mondiale, décaler le tournoi de quelques jours, n’a aucune importance : le tennis doit passer au second plan face aux catastrophes qui touchent actuellement son pays. Pourtant, même si l’Australienne a raison sur le fond, les marges de manœuvre sont limitées pour reporter l’événement sans impacter directement d’autres tournois. En effet, avec les Jeux olympiques au programme cette année, le calendrier 2020 est plus que jamais réglé comme du papier à musique.
Ainsi, repousser légèrement le début de l’Open d’Australie ne devrait pas poser de problèmes, mais au-delà de quelques jours les choses pourraient devenir sérieusement compliquées. Il faudrait alors peut-être même envisager l’annulation pure et simple de la compétition. Seulement voilà, les organisateurs ont déjà fait comprendre que le report de l’épreuve n’est pas une option. Dans ces conditions, l’annulation paraît juste totalement impossible. Entre billetterie, droits TV et contrat de sponsoring, les enjeux économiques sont bien trop importants pour ce tournoi qui a investi énormément d’argent ces dernières années.
ATP Cup, Canberra, Brisbane : que retenir des premiers tournois australiens en 2020 ?
Sydney, Brisbane, Perth, Canberra, Adélaïde, Hobart et bien évidemment Melbourne : le début de saison est traditionnellement marqué par la fameuse tournée australienne. Cette année, la toute nouvelle ATP Cup a notamment été organisée à Sydney, Brisbane et Perth. Malgré une qualité d’air dangereuse à Sydney, toutes les rencontres ont pu être disputées en intégralité. La situation a cependant été différente au tournoi de Canberra. À cause des incendies, la compétition a dû être délocalisée pour la première fois de son histoire à Bendigo, ville située à plus de 600 kilomètres de la capitale australienne. En revanche, au WTA Premier de Brisbane, tout s’est déroulé parfaitement.
Pour savoir si le premier tournoi du Grand Chelem de l’année sera maintenu ou pas, il faut désormais suivre avec attention les événements tennistiques qui se tiennent en Australie du 13 au 19 janvier 2020. Disputé en Tasmanie, le tournoi d’Hobart semble trop éloigné géographiquement pour fournir de réelles informations sur l’évolution de la situation. Par contre, le tournoi d’Adélaïde et surtout les qualifications de l’Open d’Australie donneront des indications fiables. Au regard de la situation actuelle à Melbourne, la tendance n’est toutefois pas à l’optimisme.
Jouer au tennis : un moyen de récolter des fonds pour aider les victimes des incendies
Depuis le début de saison, le monde du tennis a eu l’occasion de démontrer sa solidarité envers les victimes des incendies. Nick Kyrgios a été le premier à se mobiliser en initiant le mouvement Aces for Bushfire Relief. Le natif de Canberra s’est engagé à donner 200 A$ (environ 125 €) par ace effectué durant la tournée australienne. Il a été suivi par ses compatriotes Alex de Minaur, John Millman, Dylan Alcott et Samantha Stosur, mais également par plusieurs joueurs et joueuses du monde entier. Même Tom Larner, le directeur de l’ATP Cup, a promis d’offrir 100 A$ pour chaque ace réalisé dans son tournoi.
De son côté, Ashleigh Barty a décidé de reverser à la Croix-Rouge australienne l’intégralité des gains qu’elle a remportés au tournoi de Brisbane. Enfin, Tennis Australia s’est engagé à mener des actions durant toute la tournée australienne pour récolter des fonds. Dans cette optique, une exhibition a été organisée le 15 janvier 2020. Serena Williams, Roger Federer, Rafael Nadal, Caroline Wozniacki, Novak Djokovic, Naomi Osaka, Petra Kvitová, Alexander Zverev, Dominic Thiem, Stéfanos Tsitsipás, Nick Kyrgios et Cori Gauff ont assuré le spectacle lors de cet événement. Si ces initiatives continuent durant la quinzaine à Melbourne, jouer au tennis servira alors à la bonne cause.
Team Williams takes on Team Wozniacki tonight at Rod Laver Arena for #Rally4Relief, raising funds for bushfire relief and recovery.
Thank you to everyone who's already donated to the #Aces4BushfireRelief campaign.
To contribute: https://t.co/vFbJBklQqq pic.twitter.com/hdSFza3S7A
— #AusOpen (@AustralianOpen) January 15, 2020
Selon toute vraisemblance, l’Open d’Australie 2020 devrait bien être maintenu. Malgré les violents incendies qui ravagent le pays et la qualité de l’air désastreuse à Melbourne, les organisateurs assurent avoir pris les mesures nécessaires pour garantir le bon déroulement du tournoi. Face à ce constat, rien ne justifie donc le fait d’empêcher les joueurs et les joueuses d’exercer leur métier si ces derniers ne s’y opposent pas. Pourtant, en regardant la situation d’un point de vue purement éthique, une autre question se pose : jouer au tennis est-il réellement une priorité alors que les Australiens se battent chaque jour sauver leur pays ? Le débat reste ouvert.
Crédits photo à la Une: Phil Whitehouse