Ce lundi, Novak Djokovic détrônera Roger Federer et détiendra le record historique de semaines passées en tant que numéro 1 mondial sur le circuit (310). Pourtant, le Serbe ne fait pas toujours l’unanimité, humainement plus que tennistiquement. Mal aimé du public, il l’est aussi de plus en plus de ses compères sur le circuit. Analyse.
4 mai 2009: après une finale au Masters 1000 de Rome largement maitrisée par Rafael Nadal contre Novak Djokovic, la remise des prix n’a rien de classique. Sur demande du public et des officiels du tournoi, et devant un Nadal hilare, Novak Djokovic se met à imiter son adversaire du jour, sur un ton évidemment humoristique et jovial. L’accolade entre les deux joueurs est sincère, presque amicale.
Cette image-là contraste aujourd’hui avec un duo qui se lance des pics, indirects certes, d’une conférence de presse à l’autre. La dernière en date concernait la blessure de Novak Djokovic aux abdominaux, contractée lors de son troisième tour à l’Open d’Australie contre Taylor Fritz. L’Américain, comme Nadal et d’autres joueurs dans les jours qui ont suivi, n’ont pas manqué de réagir aux déclarations de Djokovic. Une semaine plus tard, le Serbe remportait sa neuvième couronne australienne et son 19e Majeur. Alors, quel est le problème sur le circuit avec Djokovic ? Pourquoi certains de ses compères ne semblent guère l’apprécier, alors que Federer et Nadal ont eux toujours fait l’unanimité ? Plusieurs éléments semblent concorder.
Un départ du Conseil de l’ATP et une volonté de dénaturer le tennis
En août 2020, le N.1 mondial avait démissionné de son poste de président du Conseil des joueurs de l’ATP. Il avait expliqué vouloir insuffler une approche différente du tennis professionnel et avait annoncé la création de la PTPA (Professional Tennis Players Association). Certains l’avaient suivi dans cette nouvelle démarche, d’autres, Nadal et Federer en première ligne, n’avaient pas apprécié. En décembre, le Serbe avait refusé de se présenter aux réélections du Conseil de l’ATP pour éviter des conflits d’intérêts. Cette dualité de syndicats de joueurs au sein du circuit n’aide pas à l’unicité des prises de décision et des concertations.
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De plus, Novak Djokovic a pris l’habitude ces derniers mois de proposer des bouleversements de règles du tennis. Si sa volonté de vouloir supprimer les juges de ligne – exprimée après sa disqualification à New York en septembre – lui a partiellement donné raison (il n’y en avait pas à Melbourne), son désir d’instaurer des matchs au meilleur des trois sets en Grand Chelem a fait réagir beaucoup de joueurs sur le circuit. Ses envies de révolution des règles en agacent plus d’un, surtout lorsqu’on s’attaque à l’essence même du tennis professionnel, les tournois du Grand Chelem.
Goran Ivanisevic, un mentor qui n’aide pas forcément à promouvoir la bonne image de Djokovic
Un deuxième élément pourrait expliquer cette perte de popularité chez Djokovic depuis plusieurs mois. En 2019, peu avant Wimbledon, Novak Djokovic avait fait appel à Goran Ivanisevic pour le conseiller au All England Club. La collaboration s’est poursuivie et l’apport de l’ancien joueur croate semble réel. Pourtant, ses déclarations fréquentes ne jouent pas toujours en faveur du N.1 mondial. Avant la finale de Roland-Garros l’an dernier, Ivanisevic avait affirmé:
A mon avis, Nadal n’a aucune chance dans de telles conditions et avec Novak qui est déjà entré dans sa tête. Je suis allé un peu trop loin, mais à mon avis, Novak est le favori numéro un de Roland-Garros. »
Exemple typique d’une déclaration d’Ivanisevic, entraîneur de Djokovic, mal-maîtrisée et aux conséquences problématiques
Une déclaration étonnante avant la finale, ridicule après celle-ci au vu du scénario à sens unique et de la victoire de Nadal en trois manches. Plus récemment, le Croate s’est distingué en remettant la « NextGen » à sa place, de manière plutôt virulente: « Les jeunes pensent tout savoir, mais ils ne savent rien. » Oui, la NextGen est encore loin du Big 3 légendaire, la finale de Melbourne l’a encore montré avec un Djokovic qui a marché sur un Medvedev qui paraissait intouchable. Mais les propos d’Ivanisevic n’ont pas forcément lieu d’être.
Loin d’être découragé, Novak Djokovic semble faire de sa détestation son moteur
Quelques jours après la victoire de son poulain en Australie, Ivanisevic avait affirmé dans un entretien au média serbe Sportklub: « Il est juste plus fort que tout le monde, et c’est dur à admettre pour les gens. » Ivanisevic est dans son rôle lorsqu’il dit ça. Son joueur est souvent attaqué pour son comportement sur et en dehors du terrain. Mais la manière de dire les choses amplifie certainement le fait que Djokovic se met de plus en plus de joueurs à dos.
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Est-ce un problème en soi ? Plus maintenant… Novak Djokovic semble au contraire s’en servir comme une force pour continuer à briller. Son franc-parler et la manière dont il assume vouloir devenir le meilleur de tous les temps a de quoi agacer certains, mais qu’importe. Alors que Nadal et Federer forcent l’admiration de beaucoup de leurs compères, par leur charisme notamment, Djokovic ne jouit pas, ou plus, d’une telle cote. Son ambition est ailleurs: devenir le N.1 partout. Et il n’y a pas de mal à ça.