Il a été le rayon de soleil de ce début de ce Wimbledon cuvée 2016 alors que le Royaume-Uni a voté pour le Brexit et que l’équipe nationale d’Angleterre est sortie éliminée de l’Euro 2016 après une défaite contre l’Islande qualifiée de « plus humiliante de l’histoire des Three Lions ». Il, c’est le britannique Marcus Willis, quasiment à la retraite en début d’année car ne gagnant pas un match même en Challenger, gaucher de 25 ans, 772ème mondial et passé par les pré-qualifs puis les qualifications pour atteindre le tableau final de Wimbledon ! Hier, il a affronté Roger Federer sur le Centre Court – le Temple du Tennis – et toute une Nation a eu les yeux braqués sur lui. Success story à l’anglaise.
Quel destin pour ce joueur qui fût un junior d’un excellent niveau mais qui, au gré des blessures et des aléas de la vie, s’était complètement éloigné du très haut niveau. Dans la vie de tous les jours, Marcus Willis ne vivait pas – jusqu’à ce compte de fée Wimbly 2016 – de sa carrière de tennisman, et pour payer les factures, il exerçait plusieurs fois par semaine le job de professeur de… tennis au Warwick Boat Club dans les Midlands, où il gagnait 30 livres sterling de l’heure. Mais alors, comment en est-il arrivé là, à jouer un deuxième tour de Grand Chelem face à LA légende de son sport ?
En tant que bon anglais qui se respecte, Marcus a longtemps été un très bon vivant – trop pour la pratique du sport de haut niveau – aussi bien qu’il flirta pendant de long mois avec la barre des… 110 kilos, certes pour 1m91. Sans résultat, ce gaucher talentueux de 26 ans avait quasiment décidé de prendre sa retraite. Freiné par une énième blessure, cette fois aux ischio-jambiers après une tournée aux États-Unis, il se renseigne pour obtenir un visa et devenir coach à Philadelphie de l’autre côté de l’Atlantique.
Depuis 2010, il est aussi licencié dans un club allemand ainsi qu’en France au Tennis-Club Capdenac, à Capdenac-Gare, une commune de 4500 habitants située dans l’Aveyron. Il y disputait encore les interclubs, il y a trois semaines, en Nationale 3, comme l’expliquait à nos confrères de La Dépêche le président du club Mathieu Desroches : « Marcus a rejoint le club en 2010. à l’époque, nous étions en Nationale 3 et on cherchait un joueur au moins négatif pour nous apporter plus de confort. Au début, on est tombé sur des mercenaires. Avec Marcus, on a échangé par mail puis par téléphone. On n’a pas cherché à lui mentir : à Capdenac, il n’y a pas d’aéroport ni rien. C’est la pleine campagne, il y a juste le train, lui a-t-on expliqué. Pas conservé par sa fédération, il n’était pas au mieux quand il est arrivé dans l’Aveyron. Pour son premier match à Bayonne, il avait six raquettes dans son sac et seulement deux cordées et même pas de serviette. à notre retour, on a discuté et on lui a expliqué qu’au club, quel que soit le niveau, tout le monde avait une serviette, des raquettes cordées et une bouteille d’eau dans son sac. Cela lui a fait un petit choc. Il a réfléchi là-dessus et derrière il a gagné tous ses matchs. Une complicité est née et depuis il revient chaque année avec plaisir pour nous prêter main-forte. Alors, aujourd’hui, nous sommes très heureux qu’il réalise son rêve, car nous savons que la route a été longue pour lui.»

L’instant de gloire de Marcus Willis. (Photo: Getty Images)
Le premier déclic dans sa tête, Marcus Willis raconte qu’il va se produire lors d’un Challenger aux États-Unis, les habitants l’avaient surnommé Willis «Cartman», du nom d’un des personnages de South Park, dont l’obésité est source de moqueries. «J’étais en surpoids énorme, et j’avais fait quarts de finale alors que j’arrivais à peine à courir, j’ai pris alors conscience qu’en perdant du poids il était possible d’avoir de bons résultats, car du talent j’en avais toujours eu”. Et l’amour va faire le reste : quelques semaines et un coup de foudre avec une dentiste plus tard, Jenny la “girlfriend” de Marcus est suffisamment persuasive pour lui faire comprendre qu’il n’est pas fini et qu’il a encore de l’avenir.
Ce dernier bosse -enfin- dur pour perdre du poids – il en fait aujourd’hui 90, soit 25 de moins qu’à l’époque South Park. Ne lui manque plus alors que l’étincelle, le petit coup de pouce du destin qui change une destinée. Et ce fameux coup de bol va arriver puisque ironie du sort, Marcus Willis doit son incroyable parcours à Wimbledon à un forfait de dernière minute de son compatriote Scott Clayton, engagé sur un Futures en Turquie alors que débutaient les… pré-qualifications de Wimbledon : «Je crois en Dieu et je pense qu’il a décidé de cet évènement. Ce truc ne se réalise pas sans quelque chose de bizarre comme ça». Depuis ce coup de pouce du destin, le gaucher britannique a gagné sept matches (trois en préqualifs, trois en qualifs et son premier tour dans le grand tableau, lundi) et joue, à 25 ans, le tennis de sa vie.
Qualifié pour le tableau final du Championships. L’histoire était déjà belle pour le 772e mondial. Mais elle a pris une tout autre tournure avec un succès épatant face au Lituanien Ricardas Berankis – encore un ex-numéro 1 mondial junior en perdition chez les grands – , terrassé en trois manches (6-3, 6-3, 6-4) au premier tour du tableau principal, gavé par les slices d’un Willisbom’s euphorique, galvanisé par l’atmosphère délirante du court 17. 23ème joueur britannique au classement (!!), Marcus Willis est 772e à l’ATP cette semaine, ce qui en fait le deuxième joueur le moins bien classé du tableau, derrière le Français Albano Olivetti (791e). Pour trouver trace d’un joueur aussi mal classé au deuxième tour d’un Grand Chelem, il faut remonter à 1988, lorsque l’Américain Jared Palmer, alors 923e, avait rejoint le deuxième tour de l’US Open.
“Tout ça est complètement surréaliste, mais c’est aussi le travail qui paie”, note-t-il. A tous les sens du terme. Ses gains sur la saison vont sensiblement augmenter. Après les 350 dollars cumulés à Hammamet, sa seule victoire en Challenger de la saison, son parcours à Wimbledon va lui rapporter au moins… 50 000 livres (environ 60 000 euros), le total réservé aux joueurs atteignant le deuxième tour, de quoi envisager la suite avec optimisme. Une rencontre que le Suisse a accueilli avec une vraie joie : “c’est l’une des plus belles histoires de notre sport depuis bien longtemps » a-t-il indiqué. Bien que Willisbomb’s ait quitté la scène en 3 sets face à Federer, l’essentiel est ailleurs. Cette histoire, digne d’un scénario Hollywoodien, nous réconcilie avec le sport, et p….. que ça fait du bien.
Photo à la une: Getty Images