En utilisant « légalement » depuis dix ans un médicament nommé « meldonium », Maria Sharapova a été contrôlée positive à un contrôle antidopage réalisé lors de l’Open d’Australie 2016, en janvier dernier. Chronique d’une malversation médicale.
Victime ou coupable ? Là toute est la question. Depuis le 7 mars et sa sulfureuse conférence de presse, la presse à scandale et autres tabloïds outre-Manche relatent quotidiennement l’affaire du dopage de la tenniswoman russe, Maria Sharapova (7ème au classement WTA). Parallèlement, les retraits des principaux sponsors de la Femme la plus riche du monde (Nike, Porshe ou encore l’horloger suisse Tag Heuer) ne font qu’amplifier cette médiatisation. L’occasion pour Au Stade de faire un point complet de cette affaire.
Maria Sharapova a-t-elle sciemment fermé les yeux ?
«J’ai pris ce médicament pour la première fois en 2006, a-t-elle déclaré. J’avais eu plusieurs problèmes de santé à l’époque. Je tombais malade très souvent, je souffrais d’une carence en magnésium et il y avait du diabète dans ma famille. J’avais des signes de diabète. Ce médicament est l’un de ceux, parmi d’autres, que j’ai pris. Il n’était pas sur la liste des produits prohibés par l’Agence mondiale antidopage, mais le règlement a changé le 1er janvier dernier et ce médicament est devenu un produit prohibé, ce que je ne savais pas». Ces déclarations aussi courageuses soient-elles, sont très dures à accepter étant donné qu’une sportive du calibre de Sharapova s’entoure quotidiennement d’une batterie de médecins pour veiller sur ses arrières, comme l’indique le règlement de l’ITF; «il est de la responsabilité de chaque joueur ou joueuse de savoir quels produits sont interdits.»
De plus, comme le raconte le très sérieux quotidien britannique The Telegraph, Maria Sharapova aurait reçu à plusieurs reprises des relances de la part de l’AMA (Agence Mondiale Antidopage) afin de la prévenir de la prohibition du meldonium à partir de janvier 2016 (voir par ailleurs). La Tsarine a-t-elle fermé les yeux sur ses relances ? L’enquête nous le dira.
Le meldonium, qu’est-ce que c’est ?
Pour bien comprendre et analyser au mieux cette affaire, il faut tout d’abord comprendre le fonctionnement et l’utilité globale de ce médicament. Créé en 1975 à Riga (capitale de la Lettonie, ndlr) par un scientifique et inventeur dénommé Ivars Kalvins, le meldonium -ou « Cardioprotecteur Mildronate »- est un médicament anti-ischémique, en d’autres termes visant à contrôler (et surtout à ne pas diminuer) l’afflux de sang artériel à un organe. En gros, lutter contre les Accidents Vasculaires Cérébraux (AVC). Ce médicament doit, en théorie, être utilisé cliniquement sur « une période de quatre à six semaines » selon son propre créateur. Dans le cas de Sharapova, son traitement a duré plus de dix ans.
Le meldonium, un médicament devenu dopage
Le meldonium est devenu petit à petit un produit mondialement controversé au vu des récents cas de dopage avérés (voir par ailleurs). Mais pourquoi ce médicament créé pour combattre les AVC s’est-il transformé en substance illicite chez les sportifs ? Comme indiqué par son créateur, « le meldonium n’est pas un produit dopant ». Dans les années 1970 peut-être, désormais il l’est devenu. A tel point que l’AMA a même dû placer le meldonium sur sa liste de médicaments prohibés pour 2016. Par ailleurs, plusieurs pays avaient déjà devancé l’AMA en interdisant la commercialisation du meldonium sur leurs territoires, comme aux États-Unis, certains pays d’Europe Occidentale, et dans d’innombrables autres pays.
De nos jours, il est devenu difficile de se procurer du meldonium, et bon nombre de sportifs se le procurent notamment grâce au marché noir provenant des Balkans. Selon une très sérieuse enquête du laboratoire de Cologne, près de 2.2% des échantillons urinaires de sportifs professionnels contenaient du meldonium en 2015. Il est donc tout à fait logique de découvrir que Maria Sharapova est loin d’être la première victime en date de ce médicament, qui se retourne souvent envers ses propres consommateurs. En effet plusieurs sportifs de haut niveau se sont déjà fait rattraper par la patrouille, comme par exemple la Russe Ekaterina Bobrova (championne olympique par équipe de danse sur glace en 2014), son compatriote Eduard Vorganov (ancien membre de l’équipe cycliste russe Katusha), la Suédoise Abeba Aregawi (championne du monde 2013 du 1500m) ou encore les Ukrainiens Olga Abramova et Artem Tychtchenko (biathlon). Des sportifs, en majorité, tout droit débarqués des pays d’Europe de l’Est…
Maria Sharapova suspendue, mais pour combien de temps ?
Plusieurs cas de dopage dans le monde du tennis ont été recensés récemment. Au tableau de chasse des contrôleurs antidopage se retrouvent notamment des joueurs comme le Serbe Viktor Troicki (23ème à l’ATP), ou encore le Croate Marin Cilic (12ème à l’ATP). Tous deux avaient été suspendus pour des cas de dopage avérés fin 2013. Le premier ne s’était pas rendu , « par mégarde » selon sa version des faits, à un prélèvement urinaire, ce qui lui avait valu près de dix-huit mois de suspension. Une suspension baissée à douze mois par la suite. Quant au second, il avait utilisé un stimulant nommé « nikethamide », ce qu’il a toujours nié plaidant une « erreur d’analyses ». Cette « erreur » lui avait alors coûté une peine de neuf mois de suspension. Après qu’il est saisi le TAS (Tribunal Arbitral du Sport), sa sanction avait été rabaissée à seulement quatre mois.
Ces différents cas de doping (dopage en anglais, ndlr) démontent la thèse que Maria Sharapova pourrait être suspendue durant quatre années du circuit, comme le prévoit de règlement de la ITF (International Tennis Federation). Selon John Haggerty, son avocat, « sa suspension pourrait varier de quatre ans à quelques mois », décision dépendant de la crédibilité que la commission antidopage de l’ITF prêtera aux explications de la joueuse. Les fans de la native de Sibérie pourront donc peut-être revoir leur idole reprendre la compétition internationale avant la fin de la saison 2016. Affaire à suivre…