C’est officiel ! Un nouveau tournoi ATP 250 aura lieu sur gazon en 2020. En effet, l’ATP a annoncé le remplacement du tournoi d’Antalya par un tournoi à Majorque, l’île de Rafael Nadal. Cependant, ce changement ne va pas révolutionner le calendrier ATP. Soixante-dix tournois seront disputés la saison prochaine, mais uniquement huit d’entre eux seront organisés sur gazon. Pourquoi la surface historique du tennis ne représente-t-elle que 11 % des compétitions du circuit ATP ? Éléments de réponse.
Aucun tournoi majeur sur gazon en dehors de Wimbledon
Au début de l’ère Open, trois tournois du Grand Chelem se disputaient sur gazon : Wimbledon, l’US Open et l’Open d’Australie. Aujourd’hui, Wimbledon reste le dernier prestigieux tournoi de tennis joué sur cette surface. Par ailleurs, aucun des neuf ATP Masters 1000 actuels n’est disputé sur gazon. Six d’entre eux sont joués sur surface dure, tandis que les trois autres sont joués sur terre battue. En dehors de Wimbledon, la saison de tennis sur gazon est donc uniquement composée de cinq tournois ATP 250 et deux tournois ATP 500. Le gazon étant la surface la plus ancienne du tennis, il s’agit presque d’une anomalie.
La création d’un tournoi ATP Masters 1000 sur gazon ferait certainement progresser les choses, mais de nombreux obstacles existent encore. D’une part, les tournois de tennis disputés actuellement sur gazon ne disposent pas du budget et des infrastructures nécessaires pour prétendre au statut d’ATP Masters 1000. D’autre part, les Masters 1000 actuels n’ont aucune vocation à changer leur surface de jeu. Malgré tout, les tournois de Halle et du Queens ont été promus ATP 500 en 2015. Cette avancée s’est montrée positive, mais elle reste encore insuffisante pour rééquilibrer la balance.
Trop peu de temps entre Roland-Garros et Wimbledon
D’avril à septembre, les conditions climatiques sont généralement idéales pour jouer au tennis sur herbe. Le printemps étant réservé à la saison sur terre battue, les tournois sur gazon se déroulent essentiellement l’été, entre Roland-Garros et Wimbledon. Cependant, il n’y a que trois semaines entre les deux tournois du Grand Chelem. En raison de ce délai très court, la plupart des joueurs ne disputent qu’un tournoi sur gazon avant Wimbledon. Certains joueurs font même l’impasse sur cette surface avant le troisième tournoi du Grand Chelem de l’année. En 2019, Novak Djokovic a notamment remporté Wimbledon sans jouer d’autres tournois sur gazon dans la saison.
On pourrait envisager de prolonger la saison de tennis sur gazon après Wimbledon, mais les joueurs n’y voient pas beaucoup d’intérêt. À cette période, ils privilégient les tournois sur surface dure afin de préparer l’US Open qui débute fin août. Après l’US Open, l’été se termine et la période est moins propice au jeu sur herbe. Aujourd’hui, le tournoi de Newport fait donc figure d’exception, en étant le seul tournoi ATP disputé sur gazon après Wimbledon.
Un jeu sur gazon devenu de plus en plus lent
Au tennis, le gazon est normalement la surface de jeu la plus rapide. Sensible à l’effet des coups slicés, cette surface favorise le jeu d’attaque. Les échanges sont courts et les joueurs montent généralement au filet pour terminer le point avec une volée. Cependant, au début des années 2000, les organisateurs de Wimbledon ont décidé de modifier la composition de leur gazon pour le rendre plus résistant. Ce changement a eu pour effet collatéral de ralentir la vitesse de jeu. Dans la classification effectuée par la Fédération internationale de tennis, la vitesse du gazon de Wimbledon est ainsi passée de la catégorie « rapide » à la catégorie « intermédiaire ».
Depuis ce changement, Wimbledon est régulièrement le théâtre de longs échanges de fond de court. En 2019, Roberto Bautista Agut et Novak Djokovic ont échangé quarante-cinq coups lors d’un point en demi-finale. Il s’agit tout simplement d’un record dans l’histoire du tournoi. Aujourd’hui, les zones de fond de court sont les plus usées en fin de compétition. Avant les années 2000, les zones près du filet étaient les plus abîmées. Par conséquent, le tennis sur gazon devient de moins en moins une affaire de spécialistes. Les joueurs n’ont plus besoin de disputer énormément de matchs sur cette surface pour se préparer à jouer Wimbledon.
How about this for tension 😱
A 45-shot rally of the highest order, courtesy of @DjokerNole and @BautistaAgut, is the deserved @HSBC_Sport Play of the Day… pic.twitter.com/0QiLIpc1qj
— Wimbledon (@Wimbledon) July 12, 2019
Une surface de jeu coûteuse et difficile à entretenir
Pour faire construire un court de tennis en gazon, les organisateurs d’un tournoi doivent débourser environ 60 000 €. Financièrement, ce n’est clairement pas la meilleure option pour eux. Ils préfèrent investir dans des surfaces beaucoup moins chères comme la terre battue ou les surfaces dures. En effet, un court en terre battue ou en béton coûte entre 30 000 et 40 000 €, tandis qu’un court en résine synthétique revient aux alentours de 50 000 €.
De plus, même si les joueurs utilisent des chaussures à picots pour éviter de l’abîmer, le gazon est une surface qui s’use très rapidement. Les courts nécessitent donc un entretien parfait tout au long de l’année. Les jardiniers doivent replanter l’herbe tous les ans, l’arroser régulièrement et la tondre entre six et huit millimètres maximum. On peut également poser du gazon en plaques pour gagner du temps, mais ce n’est pas la meilleure solution. Finalement, pour être maintenu en bon état, un court de tennis en gazon demande beaucoup d’efforts alors qu’il n’est utilisé qu’une partie de l’année.
Actuellement, la saison de tennis sur gazon est tellement courte, qu’elle donne l’impression de se résumer uniquement à Wimbledon. Cependant, bien qu’il soit considéré comme le tournoi de tennis le plus prestigieux du monde, Wimbledon a perdu une partie de son identité en ralentissant ses courts. Ainsi, Roger Federer semble être, à 38 ans, l’un des derniers spécialistes du jeu sur gazon. Même si les contraintes sont nombreuses, il faudrait envisager de redonner son lustre d’antan à la mythique surface verte.
Crédits photo à la Une: Nick Webb