A 39 ans, Alexis Gramblat, avocat parisien accompli, s’est lancé dans le défi d’une vie: celui de se présenter à la présidence de la Fédération Française de Tennis. S’il a tout de l’outsider prêt à révolutionner le tennis français et lui rendre son lustre d’antan, il ne se considère pas pour autant comme « anti-système ». Alors que l’élection finale prévue le 18 février prochain approche à grands pas, Alexis Gramblat a accepté de répondre à nos questions. Entretien exclusif.
Au Stade: Pouvez-vous vous présenter brièvement à nos lecteurs ?
Alexis Gramblat: Je m’appelle Alexis Gramblat, j’ai 39 ans, père de 3 enfants. Je suis avocat de profession spécialisé dans le droit des affaires, mais aussi le droit du sport où je représente à la fois des sportifs, des sponsors, des fédérations, que cela soit dans le monde du foot, du tennis bien sûr, du rugby, mais aussi du rallye automobile. Je connais pas mal le milieu sportif sous son aspect professionnel. Je pratique le tennis en compétition: j’ai joué à un honnête niveau de joueur de club, je joue toujours autour de 3/6, 4/6. Depuis une dizaine d’années, je suis dirigeant du Tennis Club de Paris, où je suis vice-président. J’étais aussi membre du comité directeur de la Ligue de Paris, avant que je démissionne récemment pour me consacrer pleinement à ma candidature à la présidence de la FFT.
D’où vous est venu l’idée de cette candidature ?
J’ai décidé de me présenter à la vue de deux constats: premièrement, je constatais que notre fédération, la FFT, vivait une sorte d’entre-soi: ce sont, actuellement, toujours les mêmes qui dirigent la FFT depuis 25-30 ans, sans idées nouvelles, alors que la fédération part à la dérive. En tout, elle a perdu 30 % de ses licenciés en 30 ans, tout en perdant 20 % de ses clubs. Parallèlement, on s’en aperçoit de plus en plus maintenant, que ces mêmes dirigeants ont permis l’instauration de dérives: parce que l’un est un ami, ou parce l’autre va être à notre merci grâce à des dossiers… Avec ma candidature « FFT irréprochable », je veux mettre les valeurs du sport au premier plan, et faire que cette fédération soit irréprochable.
EN BREF, LES DEUX AUTRES CANDIDATS:
Bernard Giudicelli – 58 ans : président de la ligue de Corse
Jean-Pierre Dartevelle – 66 ans : président de la ligue de Franche-Comté
Vous n’avez jamais occupé un poste au sein d’une quelconque fédération. Ce costume de candidat « anti-système » vous convient-il ?
Pas du tout. Je pense que je fais partie du système: je suis un joueur de tennis, dirigeant de club et de ligue. Simplement, je pense que je fais partie du système qui marche. Ce sont certains médias qui ont essayé de faire passer le message que je suis « anti-système ».
Votre programme se base avant tout sur une « fédération irréprochable ». Gramblat président, il faut s’attendre à quels changements au sein de la gouvernance ?
Pour moi, mon programme ne se base pas « avant tout » sur une fédération irréprochable. Si on doit dégager deux grands axes, c’est effectivement: de un, une fédération irréprochable, et de deux, « objectifs clubs » (voir par ailleurs, ndlr). Mais pour en revenir à votre question, on changerait le mode de gouvernance par le biais de deux grandes réformes: on donne le vote direct aux dirigeants de clubs pour élire leurs dirigeants à la fédération, par un vote électronique et décentralisé. Et pour moi ça change tout. Et on pourrait même envisager de donner le vote aux licenciés, ce qui engendrerait encore plus de démocratie et de clarté dans l’élection. Pour le deuxième point, je pense que les dirigeants de clubs doivent faire partie du comité directeur de la fédération, même si désormais on ne va plus l’appeler comme ça. Ils doivent être impliqués, au même titre que les enseignants: les personnes qui vivent le tennis au quotidien doivent être représentées au sein de la fédé, alors que, à l’heure d’aujourd’hui, ce sont des présidents d’appareils, qui n’ont jamais mis les pieds dans un club de tennis depuis 25-30 ans, à part pour des inaugurations, qui dirigent le tennis français.
Votre programme s’appuie aussi sur une « meilleure réaffectation des moyens » pour mieux financer les clubs. Par quels moyens souhaitez-vous initier cette répartition ?
La meilleure réaffectation des moyens financiers passe d’abord par une réforme concernant les priorités. L’argent, la plupart des ligues, l’ont. Chaque année, il faut savoir que les ligues régionales reçoivent une subvention globale d’environ trente millions d’euros de la fédération. Sur ces trente millions, il y a à peu près 10 % qui redescendent au sein des clubs. L’argent est donc bloqué. Évidemment, il faudra faire des économies sur le train de vie fédéral, car on se rend compte qu’il y a des dérives importantes. Ça passera aussi par la rationalisation des centres de ligues, car certains d’entre eux sont inoccupés, et coûtent chers à l’entretien, alors qu’ils ont coûté très cher à la construction. Donc toutes ces mesures vont générer des économies, qu’il faudra réaffecter aux clubs. Et puis, évidemment, la FFT, de par la décision du ministère de la jeunesse et des sports, va vivre une grande réforme territoriale dans les prochains mois. La fusion des ligues va générer des économies d’échelle, et ces économies il faudra bien sûr les affecter aux clubs.
Alexis Gramblat: « Ce sont des présidents d’appareils […] qui dirigent le tennis français «
Face à vos deux rivaux, l’ambiance a été quelque peu délétère depuis le début de la campagne, surtout avec Bernard Giudicelli, favori de l’élection…
Non, je ne dirai pas ça. Personnellement, je n’en fais pas une question de personnes depuis le début de la campagne. Je dénonce simplement des faits, et donc leur gouvernance depuis près de 25 ans. Je dénonce ce que dénonce le rapport général du ministère de la jeunesse et des sports en fait. A titre personnel, je dirai que, au début de la campagne, je n’avais rien contre l’un ou contre l’autre. Désormais, je constate que la campagne s’est faite différemment pour l’un et pour l’autre: je dirai que Jean-Pierre Dartevelle a toujours été respectueux, et est resté dans son couloir, en faisant sa campagne de son côté, sans se préoccuper des autres. En revanche, Bernard Giudicelli, mais on le connaît maintenant comme ça, s’est montré agressif, parfois violent. Donc oui mes rapports avec lui ne sont pas bons, mais c’est un peu anecdotique.
Comment pourriez-vous qualifier très brièvement vos opposants ?
C’est très compliqué de les qualifier… (il réfléchit longuement, ndlr) Je dirai « dépassé » pour Jean-Pierre Dartevelle, et « autoritaire, dangereux, et brutal » pour Bernard Giudicelli.
Le 1er décembre dernier se tenait, pour la première fois de l’histoire, un débat télévisé entre les prétendants à la présidence de la FFT. Avec le recul, qu’avez-vous pensé de ce format inédit ?
J’ai trouvé cela intéressant de pouvoir confronter nos idées en direct à la télévision: on a pu s’apercevoir que certains ont des idées fortes et bien ancrées en eux et capables de les développer de manière spontanée, et puis d’autres qui étaient un peu plus collés à leurs notes, et qui avaient l’air de dérouler quelque chose d’écrit par des directeurs de communication et de campagne. Donc c’était aussi intéressant pour les téléspectateurs de voir cette émission, une belle émission.
Certains téléspectateurs l’ont tout de même trouvé « pathétique » à cause notamment « d’un certain amateurisme »…
Je ne sais pas quoi répondre à cela. Chacun a son opinion. Vous me parlez de quelques commentaires que vous avez lus, personnellement j’ai été voir sur la page Facebook de BeIN SPORTS (qui organisait le débat, ndlr) et les internautes avaient trouvé que le débat était bien et intéressant. Mais en tout cas j’avais l’impression que ça avait suscité de l’intérêt chez les téléspectateurs. Si certains nous reprochent de ne pas être au niveau des candidats d’une primaire, car c’est un peu l’image de la primaire de droite que ça renvoyait, et bien oui, c’est vrai, aucun de nous trois a l’expérience des plateaux télévisés comme peuvent l’avoir les candidats dans des élections politiques.
Alexis Gramblat: « La fédération part à la dérive «
Pour revenir à votre programme, vous souhaitez réorganiser la rénovation de Roland-Garros, contrairement à vos deux rivaux qui, eux, souhaitent conserver le projet actuel. Quel est votre projet, pour quelle ambition ?
Mon projet et mon ambition, c’est d’avoir en 2021, car la fédération a reconnu que Roland-Garros ne s’achèvera pas avant cette date, un stade qui ne soit pas obsolète au moment où on l’achève. Or, aujourd’hui, avec toutes les difficultés qu’on connaît, d’ailleurs on ne sait toujours pas si le projet actuel va aller au bout, le stade qui sera livré sera obsolète lors de sa livraison. On sera le seul tournoi du Grand Chelem à posséder un seul court couvert, alors que tous les autres en auront deux ou trois, voire même plus. Partant du fait que l’objectif initial était de se remettre en concurrence avec les trois autres tournois du Grand Chelem, on sait que l’objectif ne sera pas atteint en 2021, et ce malgré le coût et la difficulté des travaux. Donc mon objectif est bien évidemment d’achever les travaux, et puis d’avoir un stade, qui, le jour où on l’achève, soit réellement un stade concurrentiel par rapport aux autres tournois. En conclusion, si l’on ne fait rien, même rénové, Roland-Garros sera obsolète…
Sur le papier, votre projet avec Roland-Garros semble séduisant, mais comment faire étant donné que le chantier a déjà débuté depuis plusieurs mois ?
Dans notre programme, il est inscrit que l’on conserve 85 % des aménagements prévus dans le projet initial. Donc tous les travaux qui ont commencé, à l’exception de ceux dans les serres (qui posent le plus de problèmes, ndlr) mais il n’y a franchement pas grand-chose, on les conserve. Donc pour l’instant il n’y a rien d’irrémédiable. Bien sûr, dans six mois ou un an, ce ne sera sans doute plus la même chose. De plus, on s’est mis autour de la table avec de multiples associations de riverains, de conservation du patrimoine et de l’environnement, on a négocié, et aujourd’hui on est fiers de dire que tous les leaders de ces associations ont pris la parole pour dire haut et fort qu’ils étaient tous dernière notre projet.
Après plusieurs mois de campagne, le verdict final est attendu le 18 février prochain. A un mois quasi jour pour jour de la date fatidique, êtes-vous confiant ?
A l’heure actuelle, 130 délégués sur 196 ont été élus. Donc le gros du scrutin a déjà été fait. Mais ces délégués, même s’ils ont affiché leurs préférences pour tel ou tel candidat lors de leurs campagnes, seront libres de voter pour n’importe quel des trois candidats lors de l’élection. Et je pense notamment que les délégués qui ne se sont pas présentés sous mes couleurs, mais qui après la sortie du rapport de l’inspection générale des services par Médiapart, sont susceptibles d’avoir changé d’avis. Je crois beaucoup au sursaut d’éthique de ces délégués, qui finalement ont été trompés par les deux autres candidats. En ce qui concerne la tendance, celle-ci est plutôt en faveur de Bernard Giudicelli, talonné de près par Jean-Pierre Dartevelle. Pour le moment, je suis assez loin derrière. Mais encore une fois, le 18 février, (jour de l’élection, ndlr) les délégués feront ce que bon leur semblera.
Crédits photo à la une: Alexis Gramblat