HOMMAGE – Il était l’âme d’un club dont il a contribué grandement à la légende. Ce lundi soir, l’ancien joueur et entraîneur de l’AS Saint-Etienne Robert Herbin est décédé à l’âge de 81 ans. Depuis, les réactions se sont multipliées pour saluer non seulement un grand personnage du club stéphanois mais également du foot français, dont il possède le plus beau palmarès sur le territoire national.
Robert Herbin, une carrière indissociable de l’histoire des Verts
Les mots viennent difficilement. Par où commencer ? L’avantage des grands hommes, c’est qu’il y a beaucoup de choses à dire sur eux. L’inconvénient, c’est que l’on ne sait ainsi pas par où débuter. Robert Herbin est né à Paris en 1939. On l’oublierait presque tant on l’associe à Saint-Etienne. Il y arrive à 18 ans, en 1957, après avoir grandi à Nice, démarrant alors une carrière de joueur. Avant l’entraîneur, il y a donc le joueur, le milieu défensif, le libéro juste avant l’époque des grands libéros comme Beckenbauer. En tant que joueur, il remporte cinq championnats de France et trois Coupes de France.
Il compte également 23 sélections avec l’équipe de France mais il a la malchance de tomber dans le creux des années 1960 où les Bleus peinent à retrouver une nouvelle génération performante comme dans les années 1950 et sont encore loin des prouesses de l’équipe de Michel Hidalgo, décédé récemment lui aussi. Participant activement au quadruplé de 1967 à 1970, Herbin s’est imposé déjà comme un joueur emblématique du club avant de prendre la tête de l’équipe en 1972 après la démission d’Albert Batteux.
Robert Herbin, un entraîneur hors-pair
A 33 ans, il commence une carrière d’entraîneur qui finit d’asseoir sa légende. Très attaché à la formation, il lance des jeunes joueurs issus de la génération Gambardella 1970: Lopez, Bathenay, Sarramagna… mais aussi Larqué, Revelli, Rocheteau et d’autres encore. Tous sont adoubés par Herbin qui construit alors sans aucun doute la meilleure équipe de l’histoire de l’ASSE et l’une des meilleures de l’histoire du championnat de France.
Trois championnats en 1974, 1975 et 1976, trois Coupes de France en 1974, 1975 et 1977 et un point d’orgue, la finale de la Coupe des clubs champions en 1976, une finale rentrée dans la légende pour ses poteaux carrés et ses regrets éternels qui hantent aujourd’hui encore toute une génération. Peu importe pour toute la France acquise à la cause des Verts, le pays célèbre une équipe à la popularité jamais égalée, défilant un lendemain de défaite sur des Champs-Elysées qui débordent. L’épopée fut mythique, elle l’est encore. Le match retour contre Kiev est désormais gravé dans la légende.
Robert Herbin remportera encore un championnat de France avec Michel Platini ou encore Johnny Rep en 1981 avant d’être limogé en 1983. Il reviendra entre 1987 et 1990 sans pour autant retrouver le même succès. Robert Herbin n’a jamais quitté Saint-Etienne depuis la fin de sa carrière même s’il se faisait de plus en plus discret. Le Parisien de naissance continuait néanmoins à suivre l’actualité des Verts et à la commenter dans une chronique pour le quotidien local Le Progrès. Suite à des problèmes cardiaques et pulmonaires, il avait été admis au CHU de Saint-Etienne le mardi 21 avril. Il y est décédé dans la soirée de lundi.
L’âme d’un club
1957-1983. 26 ans consécutifs au sein du même club, 26 ans au cours desquels il a participé grandement à construire la légende de l’AS Saint-Etienne. La légende d’un club ne se construit jamais autour d’un seul homme mais Robert Herbin en est peut-être le meilleur contre-exemple. Il est un peu l’AS Saint-Etienne à lui tout seul et avec lui, c’est une grande partie du club qui s’en va. Pour une génération entière, celle de nos parents, celle de nos grands-parents, c’est un monde qui s’éteint, celui d’un club qui a porté la France en Europe dans les années 1970. Si sur la scène européenne et mondiale, Herbin n’a pas le palmarès qu’il aurait mérité, sur le scène nationale, il a un palmarès unique.
L’AS Saint-Etienne a remporté six Coupes de France. Il a été des six aventures. Elle a remporté dix championnats de France. Il a été de neuf de ces dix, arrivant au club juste après le premier titre. A lui tout seul, il a remporté autant de titres de champion que l’Olympique de Marseille, deuxième club en France en nombre de championnats. Le palmarès évoque presque à lui seul l’image de l’homme qui s’est en allé lundi mais pas totalement.
Robert Herbin, un héritage inégalable
Les titres ne peuvent à eux seuls retransmettre ce que Robert Herbin représentait pour ce club, cette ville, le pays même. La France du football a rendu un hommage unanime. Je n’ai pas connu cette épopée, ces années magiques et pourtant, le nom de Robert Herbin m’est très familier, il m’a accompagné au fur et à mesure que je me passionnais pour ce club. Ce n’est pas nous qui commençons à supporter l’ASSE, c’est l’ASSE qui rentre dans nos vies. Elle est rentrée dans ma vie en juillet 2005 et à partir du moment où ce club rentre dans nos vies, il est impossible d’éviter son histoire. Cela fait partie d’un devoir dont le musée des Verts en est un formidable outil et un témoin d’un passé glorieux qui continue à s’écrire au présent.
Dans ce devoir, dans l’apprentissage d’une histoire, d’une légende, il y a un palmarès mais surtout des noms. Les noms de Rocheteau, Larqué, Janvion, Curkovic… mais surtout un nom, celui de Robert Herbin qui, quarante ans après ses exploits, résonne toujours dans les rues de la ville. « Robby » pour certains, le « Sphinx » pour d’autres, Robert Herbin tout simplement pour d’autres encore. Ce nom continuera de résonner même pour le futur supporter stéphanois qui naîtra demain, dans un an ou dans cinq ans parce que c’est ça une légende, c’est un nom dont la mort ne peut empêcher sa propagation. Et finalement, pour comprendre ce qu’est le mythe Robert Herbin, il faut écouter ceux qui l’ont connu le mieux: ses joueurs.
La perte d’un père
Jean-François Larios dit avoir perdu son « père » dans un hommage émouvant, Laurent Paganelli parle de son « entraîneur à vie« , son « guide« , celui qui l’a lancé à l’âge de seize ans, « nous, les Verts de 76, on sait tous ce qu’on lui doit » déclare Jean-Michel Larqué, et ainsi se succèdent les hommages au « Sphinx« , surnom dû à son caractère énigmatique, taiseux et discret mais qui renfermait une envie de la gagne, une envie qu’il savait transmettre ensuite à ses joueurs.
Ce lundi 27 avril 2020, Robert Herbin a lâché son dernier souffle mais son âme continuera de planer au-dessus de la ville, au-dessus du stade Geoffroy-Guichard où il a bâti ses plus grands succès. En 81 années de vie, il aura laissé une empreinte indélébile sur l’AS Saint-Etienne mais aussi sur le football français. C’est un grand morceau de l’histoire du foot français qui s’en est allé et qui laisse aujourd’hui un grand vide. C’est une histoire qui s’est achevée ce lundi soir, celle de la légende, elle, se poursuit, intacte, à tout jamais.
Merci pour tout le Sphinx, merci pour tout Monsieur Herbin.
Crédits photo à la Une: Rob Mieremet / Anefo