Présenté mercredi à l’Assemblée Nationale, un rapport parlementaire produit par les députés Sacha Houlié (LREM) et Marie-George Buffet (PC) pourrait être à l’origine de grands changements pour les supporters de foot en France. En effet, le traitement répressif mis en place au début des années 2000, et qui s’est intensifié au fil des années, est grandement remis en cause par ce rapport. De plus, si les recommandations figurant dans ce rapport sont assez favorables aux supporters, elles n’ont pour le moment qu’une valeur consultative.
Supporters de foot: des « citoyens de seconde zone »
Dans leur rapport de 111 pages présentés à l’Assemblée Nationale, les 2 députés chargés de la rédaction de ce rapport constatent l’inefficacité de la politique française actuelle à l’encontre des supporters français. Selon ces deux derniers, cette politique basée sur le tout-répressif confère aux supporters « le statut de citoyens de seconde zone confrontés à des lois d’exception« . Si le rapport n’est pas non plus une ode aux tribunes qu’il définit comme « le miroir de la société« , les rapporteurs s’étonnent du traitement dérogatoire réservé aux supporters. Traitement dérogatoire qui avec ses restrictions graves portent une atteinte aux libertés fondamentales des supporters.
Ce rapport n’a pas seulement vocation à porter un constat, il a également pour but de fournir une boîte à outils aux différentes acteurs pour une meilleure gestion des tribunes. Les recommandations figurant dans le rapport se distinguent ainsi en 3 axes: un meilleur encadrement des interdictions administratives de stade, une réduction des interdictions de déplacement et une autorisation sous certaines conditions de l’utilisation des fumigènes.
Des interdictions de stade mieux encadrées et raccourcies
Le premier axe d’amélioration évoqué concerne les interdictions administratives de stade aussi appelées IAS. Les rapporteurs constatent que ces interdictions sont trop souvent utilisées, et ce, dans un cadre trop flou. Cela a pour conséquence de les désacraliser, les rendant ainsi moins efficaces. En effet, une sur trois concerne l’utilisation de fumigènes et 75% d’entre elles sont annulées par le juge administratif.
Parmi les réformes évoquées, la suppression de la notion de « comportement d’ensemble » en raison de son caractère flou et peu objectif. La durée de ces interdictions est également remise en question. Actuellement de 2 ans maximum, les 2 députés préconisent une durée de 6 mois maximum et de 12 mois en cas de récidive. Si elles sont adoptées, ces mesures devraient ainsi permettre de donner plus de légitimité à ces interdictions grâce à leur meilleur encadrement mais aussi de réduire le taux d’annulation de ces décisions actuellement contestées et contestables.
Supporters de foot: vers une diminution des interdictions de déplacement ?
C’est l’un des symboles de la politique répressive du gouvernement et des instances du football: ces interdictions de déplacement qui interdisent à des milliers de personnes de se déplacer portent une grave atteinte à la liberté de mouvement des supporters. Ces dernières se sont par ailleurs multipliées ces dernières années au point d’en dénombrer plusieurs centaines aujourd’hui. Conscients de l’utilisation démesurée de ces interdictions et devant le changement d’attitude du juge administratif qui a récemment annulé une décision de ce type, les rapporteurs préconisent une meilleure gestion des déplacements axée sur une meilleure consultation des différents acteurs et un rôle plus important donné à la Division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH).
Concrètement, les 2 députés préconisent de réduire « la liberté d’appréciation » des préfets qui est aujourd’hui quasiment absolue et discrétionnaire en renforçant la place de la DNHL auprès des préfectures. Logiquement, et si elles sont appliquées, ces mesures devraient réduire le nombre d’interdictions de déplacement des supporters. Cependant, les 2 rapporteurs ne s’arrêtent pas là en évoquant ensuite la question sensible des fumigènes dans les stades.
Supporters de foot: une utilisation possible des fumigènes sous certaines conditions
En effet, le rapport pointe également l’échec de la politique française concernant l’utilisation des fumigènes. Les rapporteurs notent que l’interdiction des fumigènes a pour conséquence d’augmenter les risques de blessure en raison de son non-encadrement. Le rapport pointe également du doigt l’impossibilité pour les clubs d’empêcher totalement l’entrée des fumigènes et l’inefficacité des sanctions collectives comme le huis-clos total ou partiel face à des actes individuels.
Ainsi, le rapport préconise la mise en place d’un usage encadré des fumigènes permettant ainsi de réduire le danger en plus de responsabiliser les supporters. Cet usage limité se verrait réservé aux groupes de supporters et dans des zones réservées. Les 2 députés recommandent également la poursuite des études sur les fumigènes dits froids. Ce prototype de fumigène pourrait ainsi être utilisé plus largement par les supporters. Toutefois, le rapport oublie que cette interdiction est également soutenue par les diffuseurs qui se plaignent régulièrement du gêne occasionné par la fumée pour les téléspectateurs.
Un rapport sans force obligatoire
Si les supporters pourraient être tentés de se frotter les mains, ceux-ci devraient également faire preuve d’une grande prudence. En effet, ce rapport préconise seulement des mesures et c’est au gouvernement qu’il reviendra de décider ou non de les faire figurer dans son prochain projet de loi sur le sport. Or, cette responsabilisation des supporters semblent aller contre la politique répressive mise en place depuis le début des années 2000 et qui s’est intensifiée ces dernières années. De plus, ce projet de loi doit être présenté par la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, qui a longtemps été en conflit avec de nombreux supporters pour des chants qu’elle jugeait discriminant.
Finalement, si ce rapport n’a pas de force juridique, il démontre néanmoins une prise de conscience de l’échec de la politique actuelle et donne également avec ce que les députés appellent une boîte à outils, des pistes de possibles futures améliorations.
Crédits photo à la Une: Piqsels.com