Mal embarqués dans leurs tours préliminaires de qualification pour la Ligue des Champions et la Ligue Europa, Monaco (1-2, Fenerbahçe), Lille (1-1, Qabala) et Saint-Étienne (0-0, AEK Athènes) joueront gros lors des matches retour qui se dérouleront cette semaine. Mais si la situation semble déjà périlleuse pour ces clubs, c’est surtout l’ensemble du Championnat de France qui pourrait en pâtir.
Lorsque, ici et là, on évoque les cinq grands championnats, en voulant se référer à l’élite du football mondial – qui se recentre sur le strict cadre européen –, on continue d’évoquer, sans trop y prendre garde, les premières divisions espagnole, allemande, anglaise, italienne et … française. Pourtant, ce constat sur lequel beaucoup s’accordent relève d’un abus de langage issu d’une vieille habitude tirant de plus en plus vers la déraison. Surtout, cette distinction qui semble de prime abord purement honorifique est au contraire lourde de sens et source de nombreux enjeux pour les championnats concernés. Bien sûr, la Liga, la Bundesliga, la Premier League et la Série A échappent à cette digression. Mais il n’en va pas de même pour notre chère Ligue 1. Car aujourd’hui, et comme c’est le cas depuis 2012, le Championnat de France n’est plus l’un des cinq grands championnats européens. Le Portugal a hérité de cet honneur et des avantages qui y sont inhérents. C’est une triste réalité qui tarde à se rectifier.

Frédéric Antonetti dubitatif lors de Lille-Qabala (1-1). (Photo: Getty Images/Anthony Dibon)
Pour rappel, un tel classement est établi à l’aide du coefficient UEFA (ou indice UEFA) de chaque championnat. Le calcul de celui-ci s’opère directement en fonction des résultats de chaque club sur la scène continentale, au cours des cinq saisons précédentes (dont celle en cours). C’est d’ailleurs bien simple : plus une équipe gagne de matches européens et plus elle va loin dans la compétition, plus elle rapporte de points à son championnat. La valeur du coefficient UEFA pourra ensuite conférer un classement à chaque nation, et de ce classement découlera le nombre d’équipes que chaque championnat pourra qualifier pour la Ligue des Champions et la Ligue Europa. Entre la cinquième et la sixième place du classement UEFA, ce nombre de qualifiés ne varie pas. Mais il comporte cependant une nuance non négligeable. En effet, si la formation classée troisième de la Liga Portugaise ne doit franchir que les barrages pour accéder à la phase de groupes de la Ligue des Champions, le troisième de Ligue 1 doit quant à lui s’acquitter d’un tour préliminaire supplémentaire au préalable.
Une situation urgente et préoccupante
Naturellement, cette sixième place à l’indice UEFA n’est pas sans conséquence sur le football français. Les statistiques sont là pour le démontrer. Avant d’être rétrogradée au sixième rang, la France était parvenue à placer ses trois représentants en phase de groupes de la Ligue des Champions depuis la saison 2008-2009. Il faut en effet remonter à la confrontation entre le Toulouse Football Club et Liverpool (0-5 sur l’ensemble des deux matches) en août 2007 pour trouver trace d’une élimination tricolore avant les poules lors de la période où la France était encore cinquième à l’indice UEFA. Après être descendue d’un cran, la donne est toute autre. En 2013-2014, en 2014-2015 puis en 2015-2016, l’Olympique Lyonnais, le LOSC et l’AS Monaco ont certes atteint les barrages mais ont successivement échoué à rallier les poules de la C1. Avec la Ligue Europa comme maigre lot de consolation.

Monaco-Anderlecht en phase de groupes de Ligue Europa l’an passé. (Photo: Getty Images/William Van Hecke)
Cette situation s’apparente de plus en plus à un cercle vicieux. Les formations de l’Hexagone peinent sensiblement à tirer leur épingle du jeu lors des joutes continentales. Leur manque de compétitivité d’une part, et le faible attrait économique de la Ligue Europa d’autre part, ont considérablement accentué la difficulté d’entreprendre une véritable chasse au Portugal. Le formidable parcours réalisé par Monaco en 2014-2015 – aussi exaltant fut-il – n’excuse pas tout. La débâcle complète de Lyon lors de la précédente Ligue des Champions en est l’exemple le plus criant. Surtout, à force de tergiverser, la Russie a rapidement fait son apparition dans les rétroviseurs. A l’heure actuelle, le Portugal possède un indice UEFA égal à 53,082 ; tandis que la France pointe à 52,749 et la Russie à 51,082. Provisoirement remontée en cinquième position en ce début de saison, la France n’en demeure pas moins prise entre deux eaux et embarquée dans un jeu dangereux.
Il apparaît capital pour la France de récupérer une place qu’elle a si longtemps briguée, tout en ne se laissant pas déborder par une Russie ambitieuse. Chaque saison, les clubs français sont en quelque sorte investis de cette mission. Ils doivent rapporter un maximum de points à leur nation afin de rehausser cet indice UEFA aux enjeux si importants. Malheureusement, la Ligue 1 accorde souvent trop peu d’intérêt à l’Europa League, petite sœur de la prestigieuse Champion’s League. Seule la C1 est belle – et lucrative –, et il n’y a malheureusement pas d’En Avant Guingamp à tous les coins de rue. Par conséquent, l’aventure des barragistes reversés en Ligue Europa tourne souvent court, comme ce fut le cas pour le LOSC et l’ASM lors des deux précédentes saisons, tous deux éliminés lors des phases de poules. Monaco, Lille et Saint-Étienne sont aujourd’hui les héritiers d’une situation qu’ils ont parfois eux-mêmes contribué à enfanter. Et à l’issue des matches aller, leurs résultats n’engagent guère à l’optimisme.
Prendre ses responsabilités
A l’orée des matches retour qui se dérouleront mercredi (Monaco) et jeudi (Sainté, Lille), les trois clubs – et par extension l’ensemble de la Ligue 1 – se retrouvent ainsi pleinement exposés à un couperet à double tranchant. Car les 3ème, 5ème et 6ème du dernier Championnat de France sont actuellement en ballottage défavorable. Et dans pareilles circonstances, un zéro pointé lors des deux prochains jours est parfaitement envisageable. Les conséquences d’une sortie de piste aussi prématurée de chacun de ces acteurs – même si l’ASM serait encore en mesure d’atteindre les poules de la Ligue Europa – pourraient réellement s’avérer désastreuses pour la Ligue 1. Le déficit de points qui en découlerait à l’indice UEFA s’en ressentirait inévitablement. Une dégringolade au septième rang, derrière la Russie, ne garantirait plus la place que du Champion de France en phase de groupes de la C1, tandis que seul son dauphin tenterait sa chance à partir du 3ème tour préliminaire (comme c’est le cas du troisième actuel).

Stéphane Ruffier positionne son mur face à l’AEK Athènes (0-0). (Photo: Getty Images/Jean-Paul Thomas)
Il ne s’agit pas pour autant d’incriminer férocement nos représentants. Disputer une double confrontation d’une telle importance alors que nous ne sommes qu’en phase de reprise est loin d’être chose aisée. En ce sens, les sifflets tombés des travées de Geoffroy-Guichard à l’issue du nul (0-0) concédé par les Verts face à l’AEK Athènes sont purement grotesques et injustes. Monégasques, Lillois comme Stéphanois auront besoin d’être dans des conditions morales optimales face à des adversaires plus difficiles à vaincre qu’il n’y paraît. Si Monaco s’est déjà acquitté du chaud déplacement en terres stambouliotes, Saint-Étienne et Lille vont devoir résister à leurs difficiles voyages en Grèce et en Azerbaïdjan. Les organismes ne sont pas encore forcément prêts à 100 %, mais la sanction tombera irrémédiablement si vous ne répondez pas présent. C’est une dure réalité. Maintenant, charge à chacun de prendre ses responsabilités. Car si le Paris Saint-Germain porte souvent bien seul le dessein de toute la Ligue 1, en cas de débâcle massive ces deux prochains jours, cette fois, les ambitions européennes des Parisiens pourraient bien s’avérer insuffisantes.
Crédits photo à la une: AFP