Près d’un an et demi après sa formalisation, le mariage entre l’OGC Nice et le groupe congloméral britannique Ineos s’apparente comme une union en demi-teinte, au prisme de résultats sportifs décevants et d’une gestion chaotique. Analyse chronologie des tenants et aboutissants de cet échec.
Le rachat de l’OGC Nice par Ineos, synonyme d’ambitions à la hausse
Le 26 août 2019, le club azuréen passait sous pavillon anglais après son rachat par la première fortune du Royaume-Uni, Sir Jim Ratcliffe. Le milliardaire, propriétaire du groupe Ineos, véritable mastodonte dans le domaine pétrochimique, affichait de grandes ambitions pour le club. Ce dernier a ainsi déclaré lors de son arrivée qu’il avait pour projet de faire de l’OGC Nice “un concurrent régulier à la Coupe d’Europe”. Pour y parvenir, un projet sur le long/moyen terme a été mis en place par son frère, Bob Ratcliffe (à la tếte d’Ineos Sport), ainsi que par le duo Rivère-Fournier qui avait quitté le club suite à des désaccords internes avec les investisseurs de l’époque (Chien Lee en tête).
Ainsi, pour les amoureux du club rouge et noir, l’arrivée de Ratcliffe et le retour surprise de Jean Pierre Rivère et Julien Fournier furent accueillis avec beaucoup d’enthousiasme. L’OGC Nice avait désormais la puissance financière qui lui manquait pour s’inscrire comme un prétendant régulier à l’Europe et venir titiller les plus prestigieuses écuries de Ligue 1. De plus, malgré cette arrivée au crépuscule du mercato estival (le 26 août), les aiglons ont quand même réussi à frapper fort en enrôlant Alexis Claude Maurice (révélation en Ligue 2 lors de la saison précédente), Adam Ounas (venant du Napoli sous forme de prêt avec option d’achat) et surtout, Kasper Dolberg (recruté pour 20 millions d’euros en provenance de l’Ajax d’Amsterdam). Un mercato réalisé en urgence certes, mais très intéressant. Du moins sur le papier.
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Le champion du monde Patrick Vieira était annoncé comme la tête de gondole du projet Ineos, qui consistait à s’intéresser principalement au développement de jeunes joueurs à fort potentiel, sans pour autant tomber dans une stratégie de trading. Malgré des moyens financiers très élevés, les actionnaires avaient également annoncé qu’ils ne souhaitaient en aucun cas adopter un modèle similaire au PSG en recrutant en masse des joueurs aux noms prestigieux. Un projet somme toute intelligent et enthousiasmant.
L’OGC Nice, un club ambitieux malgré des moyens finalement modestes octroyés par Ineos
Avant le rachat d’Ineos, l’OGC Nice s’apparentait comme un club capable de se démarquer sur le marché des transferts avec des mercatos rusés et astucieux, et ce, malgré une puissance financière plus que modeste. Ce fut le cas avec Hatem Ben Arfa et Mario Balotelli, qui avaient tous deux réussi à se relancer sur la Riviera en procédant aux meilleures saisons de leurs carrières sur le plan comptable (respectivement 17 buts et 6 passes décisives pour l’ancien lyonnais et 18 buts et une passe décisive pour l’ancien interiste). Parmi ces profils, il convient également de citer Dante (toujours présent au club aujourd’hui) ou encore Younès Belhanda, qui furent tous deux de grands artisans de la prestigieuse troisième place décrochée par les aiglons lors de l’exercice 2016-2017.
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A côté de cela, le club niçois a réussi à faire émerger des joueurs inconnus et recrutés pour une faible somme, à l’image de Jean-Michaël Seri, acheté seulement 1 million d’euros par l’OGC Nice à une D2 portugaise et revendu aux alentours de 30 millions à Fulham. Le milieu ivoirien avait su s’imposer comme un élément incontournable de l’entre-jeu niçois et était passé à deux doigts de poser ses valises au FC Barcelone. Une autre preuve de l’habileté niçoise à faire émerger des joueurs peut se voir à travers l’évolution d’Alassane Pléa. Après des débuts poussifs, l’ancien lyonnais avait réussi à s’imposer sur le front de l’attaque aux côtés de Mario Balotelli avant d’être enrôlé par Monchengladbach – et de poursuivre sa formidable montée en puissance outre-Rhin, qui le conduit aujourd’hui en huitième de finale de Ligue des champions.
En Bref, l’annonce du rachat de l’OGC Nice par Ineos, et le retour du duo Rivère-Fournier qui avait su faire des miracles avec peu de moyens, offraient un ciel d’azur aux ambitions niçoises. Cependant, où en est le projet à l’heure actuelle ?
Une première saison d’Ineos à l’OGC Nice en demi-teinte
La première saison d’Ineos à l’OGC Nice ne fut pas un échec. Du moins, si on regarde le classement final: le club était parvenu à accrocher une cinquième place synonyme de qualification en Europa League lorsque le championnat avait été arrêté suite au Covid-19. Toutefois, les supporters niçois ne manquèrent pas de reconnaître que cette cinquième place relevait (presque) du miracle. En effet, le contenu affiché par les hommes de Patrick Vieira était faible, voire même inquiétant sur certains matchs. Et malgré les bonnes performances de Kasper Dolberg, Youcef Atal ou Pierre Lees-Melou, le jeu proposé par les aiglons n’était pas à la hauteur des ambitions affichées.
Néanmoins, il est vrai que l’arrivée tardive du groupe Ineos n’avait pas permis aux dirigeants niçois de faire un mercato complet, ce qui a obligé Patrick Vieira à aligner de jeunes joueurs peu confirmés et à bricoler un effectif rongé par de multiples blessures. Le technicien français semblait privilégier un 4-3-3, s’appuyant sur une forte possession de balle. Hélas, le contenu des matchs n’était pas très emballant et la conservation trop stérile des aiglons ne semblait pas fonctionner, notamment face à des équipes bien regroupées derrières. Ainsi, c’est principalement grâce à des éclairs individuels que l’OGC Nice a engrangé le plus de points (à l’image de Dolberg et Atal notamment).
Cette cinquième place fut donc synonyme d’un certain soulagement pour les supporters niçois. Les dirigeants allaient pouvoir préparer sérieusement le mercato à venir avec le coach Vieira, ce qui donnait de solides espoirs de voir le contenu dans le jeu rehaussé. La qualification en coupe d’Europe et la puissance financière d’Ineos étaient deux raisons supplémentaires pour espérer une saison 2020-2021 à la hauteur des ambitions affichées. De nombreuses sources (plus ou moins fiables) laissaient d’ailleurs entendre que l’OGC Nice disposait d’une généreuse enveloppe de 80 millions d’euros pour le mercato estival, ce qui a contribué un peu plus à augmenter l’engouement autour de la saison à venir.
Un mercato estival intéressant, sur le papier
Quoi qu’il en soit, les dirigeants niçois ont été très actifs lors du début du mercato estival 2020. Plusieurs jeunes “pépites” sont venues étoffer l’effectif à l’image d’Amine Gouiri (recruté pour 7 millions d’euros à l’Olympique Lyonnais), Robson Bambu (un jeune brésilien prometteur enrôlé pour 8 millions d’euros) et Flavius Daniliuc (arrivé librement, issu centre de formation du Bayern Munich et qui était passé par le Real Madrid).
En parallèle, Nice a aussi tenté le pari de relancer Rony Lopes, en manque de confiance depuis son arrivée au FC Séville et qui avait fait le bonheur de Lille et Monaco lors de son passage en Ligue 1. L’arrivée de Morgan Schneiderlin pour apporter de l’expérience au milieu de terrain était aussi vu par les supporters comme un évènement résolument positif. De plus, les Aiglons ont aussi réussi un joli coup avec le recrutement d’Hassane Kamara, qui avait réalisé une saison exceptionnelle l’année précédente à Reims, le propulsant dans l’équipe type de la saison au poste de latéral gauche. Enfin, Nice a bouclé son recrutement avec l’arrivée (sous forme de prêt) de Jeff Reine Adelaide.
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Sur le papier, ce recrutement était considéré par beaucoup d’observateurs comme l’un des plus intéressants de Ligue 1. Du côté des départs, Nice avait prêté Wylan Cyprien à Parme, qui n’a jamais réussi à retrouver son niveau après sa grave blessure au genoux deux ans auparavant. L’OGC Nice s’est également séparé de Ganago, Burner, Tameze, ou Herelle, qui ne figuraient pas dans les plans de Patrick Vieira. Les Niçois ont aussi laissé partir librement le très prometteur Malang Sarr, qui s’est engagé chez les Blues de Chelsea (et qui a depuis été prêté au FC Porto).
Ainsi, le club azuréen a déboursé 28 millions d’euros lors de ce mercato et a vendu pour 16,5 millions. Bilan: l’OGC Nice a dépensé sec 11,5 millions d’euros, ce qui peut sembler bien peu pour un club visant le haut du tableau. A titre de comparaison, le promu lensois a déboursé sec 23 millions d’euros lors de la trêve estivale. Le mercato niçois, même s’il était prometteur sur le papier, a surtout été prudent. Et bien loin des 80 millions annoncés par les différents échos (fondés ou pas).
Une première moitié de saison 2020-2021 (très) inquiétante pour l’OGC Nice
Néanmoins, c’est sur le terrain qu’on le peut juger de la rentabilité de ces investissements. Et malheureusement pour les aiglons, les retours sont mitigés. Certains profils se sont parfaitement intégrés, à l’image de l’explosivité et de la combativité d’Hassane Kamara qui a fait beaucoup de bien à l’aile gauche niçoise. Peut être également cité Amine Gouiri, qui est pour le moment la véritable révélation du mercato niçois avec ses 10 buts et 4 passes décisives toutes compétitions confondues. L’ancien lyonnais, de par sa grande qualité technique, est pour le moment le pilier de l’attaque niçoise.
Toutefois, Robson Bambu n’a pas encore su convaincre en défense et accumule un certain nombre de lacunes techniques, aussi bien dans la relance que dans sa vision globale du jeu. Schneiderlin, malgré des qualités indéniables, n’a pas l’apport escompté au milieu de terrain. Et Rony Lopes n’arrive pas à être suffisamment décisif et à prendre ses marques dans ce jeune effectif.
La saison n’avait pourtant pas si mal commencée, avec deux victoires d’affilée (contre Lens et Strasbourg). Malgré cela, les lacunes dans le jeu se faisaient fortement ressentir et les Niçois avaient de grandes difficultés à se projeter vers l’avant et à exploiter leur forte possession de balle. La jeunesse de l’effectif et le manque d’expérience ont ainsi coûté de nombreux points à l’OGC Nice. Plusieurs de ces jeunes joueurs, pourtant présentés comme très prometteurs, n’ont jamais explosé, à l’image d’Alexis Claude Maurice (seulement 3 buts pour 2 passes décisives), Myziane Maolida (2 buts pour aucune passe décisive) ou encore Stanley N’Soki (très friable défensivement).
L’OGC Nice à la peine en championnat comme en Coupe d’Europe
Hélas, Patrick Vieira n’a jamais trouvé la solution pour rehausser le niveau de jeu, persistant avec un 4-3-3 fébrile et une possession stérile. Pour beaucoup, ce dernier manquait de profondeur dans sa vision du jeu et ne semblait pas capable de tirer cette équipe vers le haut. Les résultats et le contenu dans le jeu sont devenus de plus en plus inquiétants au fil des semaines, ce qui a conduit les aiglons à se prendre une lourde valise (6-2) par le Bayer Leverkusen lors de son entrée en Europa League. Ce match a été un tournant dans cette première partie de saison car il a fortement affecté le moral de certains joueurs, conduisant de nombreux supporters à souhaiter l’éviction de Vieira.
Malgré trois matchs suivants plus encourageants (deux victoires pour un nul), la blessure du capitaine Dante à Angers (rupture des ligaments croisés du genoux) a conduit Nice dans une spirale profondément négative. Résultat: 28 buts encaissés en 15 matchs depuis la blessure du CommanDante, ce qui met en lumière la fébrilité de la jeune arrière garde niçoise. Patrick Vieira a été obligé de bricoler une défense peu performante et surtout très (ou trop) jeune (Pelmard 20 ans, Daniliuc 19 ans, Bambu 20 ans, N’Soki 21 ans). Cela l’a conduit à descendre Danilo Barbosa, pourtant milieu de terrain, au poste de défenseur central ce qui s’est soldé par plusieurs offrandes de sa part, notamment contre Dijon ou Monaco. Côté offrandes, l’ancien parisien N’Soki et Robson Bambu ne sont pas en reste, accumulant des erreurs de défense très inquiétantes. Même Walter Benitez, pourtant si propre dans ses relances au pied, a distribué quelques caviars aux attaquants adverses.
Ainsi, la jeunesse de l’effectif semble être un problème, d’autant plus quand des joueurs plus expérimentés, à l’image de Dante ou Lees-Melou, sont blessés pendant un long moment. C’est donc logiquement que Nice se place en première position en terme de jeunesse d’effectif en Ligue 1 (23,2 ans d’âge moyen depuis le début de la saison).
L’éviction de Patrick Vieira au profit d’Adrian Ursea
En parallèle, Patrick Vieira a très vite été lâché par la majorité des supporters et son départ devenait de plus en plus inévitable à mesure que les semaines (et les défaites) s’enchainaient. Finalement, au soir du 4 décembre, après une nouvelle défaite face au Bayer Leverkusen (3-2), le club communique qu’il se sépare de l’ancien joueur d’Arsenal pour donner la casquette d’entraîneur à Adrian Ursea, qui était jusqu’alors adjoint. Les supporters furent soulagés de cette annonce, même si pour le moment, le technicien roumain n’a pas fait beaucoup mieux. Certains ont observé un jeu peut-être un peu plus direct et plus porté vers l’avant, mais les lacunes, aussi bien offensives que défensives, se font toujours ressentir.
Les supporters espéraient donc que la trêve hivernale soit l’occasion pour le gym de se doter d’un nouveau coach, voyant Ursea comme un intérimaire. Ce dernier avouait d’ailleurs aux micros de Téléfoot à la mi décembre: “Je n’étais pas habitué à cela [prendre la tête d’un groupe professionnel]. C’est la première fois que je me retrouve à ce niveau là”. Un discours sincère, mais pas forcément rassurant. D’autant plus lorsqu’il déclare: “On ne peut pas encore parler de projet de jeu, ça viendra après”. Pour de nombreux observateurs, Ursea était donc considéré comme un dépannage, le temps qu’un entraîneur plus expérimenté rejoigne les rangs niçois et remette à flot le projet. Et ce, malgré les déclarations de Jean-Pierre Rivère lors de la présentation d’Ursea à la presse, où ce dernier expliquait: “Pas la peine de chercher des noms [d’entraîneurs], Ursea sera le coach de l’OGC Nice et de notre projet”. Néanmoins, Rivère est coutumier des double-discours devant les caméras et ses déclarations à la presse sont rarement révélatrices de ce qu’il pense réellement.
Quoi qu’il en soit, on apprenait fin décembre que Nice avait refusé plusieurs entraîneurs ayant manifesté leur intérêt pour le club. Parmi ces noms figurent notamment celui de Gabriel Heinze (aujourd’hui entraîneur de l’Atalanta) et celui de Louis Van Gaal, l’ancien entraîneur de la sélection hollandaise et de Manchester United. Ces refus auraient d’ailleurs créé des tensions entre le duo Rivère-Fournier et le groupe Ineos, qui n’aurait pas été tenu au courant de l’intérêt de ces entraîneurs par les dirigeants niçois. Certaines sources affirment d’ailleurs que la patience des frères Radcliffe s’effrite au fil des semaines et plusieurs observateurs anticipent déjà un départ de Jean-Pierre Rivère et Julien Fournier à la fin de la saison. Il est donc presque sûr qu’Ursea reste sur le banc de l’OGC Nice pendant encore un certain temps.
De plus, certains joueurs ne semblent plus capables de retrouver leur niveau de jeu, à l’image de Kasper Dolberg qui est depuis de longues semaines complètement fantomatique et en proie à des blessures récurrentes. Même constat pour Youcef Atal, qui a passé un long moment à l’infirmerie, l’empêchant d’enchaîner les matchs pour retrouver son meilleur niveau. Benitez, qui n’est pas le cas le plus préoccupant, n’est pas non plus dans un état de forme flamboyant. Enfin, le mercato hivernal n’a pas beaucoup rassuré les amoureux du Gym, même si l’arrivée sous forme de prêt du prometteur William Saliba ne peut pas faire de mal à une défense en perte de confiance.
Un projet en pleine construction
Ainsi, tous ces éléments font qu’aujourd’hui, l’OGC Nice pointe à une triste douzième place. Le bilan sur les 16 derniers matchs est accablant: 10 défaites, pour 4 nuls et 2 victoires. D’autant plus que ces deux succès ont été acquis dans la douleur et avec un niveau de jeu qui ne laisse pas entrevoir de progression notable. Les supporters semblent penser que cette saison est d’ores et déjà à oublier, qu’il n’y a plus rien à espérer avec un effectif aussi jeune et avec un entraîneur qui découvre le haut niveau. Néanmoins, sur le papier, cette équipe a des qualités indéniables. Et Nice est une équipe particulièrement imprévisible, capable du pire, certes, mais qui peut parfois avoir quelques fulgurances.
Bien malin sera celui qui pourra prédire à quelle place se situera le Gym à la fin de la saison. Une chose est sûre, c’est que le projet Ineos avance doucement. Mais un tel projet et de telles ambitions ne peuvent se construire sans rencontrer d’obstacles. Le club doit apprendre de ses mauvaises expériences et en tirer les leçons nécessaires pour la pérennité de ce projet. Après un an et demi, le mariage entre Ineos et l’OGC Nice affiche un bilan partagé, qui tend néanmoins davantage vers le négatif que vers le positif. Heureusement, il reste encore du temps au projet pour se structurer et prendre forme, et seule la patience dira à quoi aboutira le futur de l’OGC Nice.