Depuis 2007 et son rachat par l’homme d’affaires franco-polonais Waldemar Kita, le FC Nantes semble nouer une relation épineuse avec ses entraîneurs. Et la tendance ne semble pas prête de s’inverser. Dossier.
José Arribas et les prémices du jeu à la FC Nantes
Lorsque José Arribas quitte le FC Nantes en 1976, il peut se retourner et être fier de son œuvre. En seize années sur le banc nantais, il a obtenu deux montées depuis la seconde division et trois titres de champion de France. Mais le plus important n’est pas là, il laisse un héritage considérable en terme de tactique et de manière de jouer au football. Le fameux « jeu à la Nantaise ».
Un jeu basé sur le mouvement perpétuel, la mobilité et la disponibilité des joueurs pour leurs partenaires. Et surtout un pari sur l’intelligence et la vivacité technique plutôt que sur l’aspect purement physique. Si son départ pour l’Olympique de Marseille laisse un vide immense, il lègue à son club de cœur, le FC Nantes, deux générations de joueurs et donc de potentiels entraîneurs pour perpétuer son oeuvre.
Jean Vincent et les années Suaudeau: continuité et stabilité au FC Nantes
Transmettre et poursuivre le travail originel de José Arribas, telle est la mission confiée à Jean Vincent lors de ses débuts au FC Nantes. Mission accomplie quelques mois plus tard, le club termine champion de France. En 1978, le centre d’entrainement agrémenté d’un centre de formation dernier cri voit le jour. La Jonelière est née. Ce sera la future pépinière des talents du club.
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Jean-Claude Suaudeau, ancien adjoint de Jean Vincent va l’utiliser à profit durant ses deux mandats à la tête du club qui dureront douze années. Deux titres de Champions de France viendront clôturer son parcours. Le fameux jeu à la Nantaise est à son apogée avec le fils spirituel de Suaudeau, Raynald Denoueix, ancien directeur du centre de formation du FC Nantes. Celui-ci glanera deux Coupes de France en 1999 et 2000, puis le championnat en 2001. Ce seront les derniers titres du club encore aujourd’hui.
Départ de Denoueix et début de la fin
Racheté par la SOCPRESSE en 2000, le FC Nantes tourne peu à peu le dos à sa tradition de club formateur. Raynald Denoueix, dernier survivant historique des années glorieuses est limogé quelques mois après le titre de champion 2001 malgré une campagne brillante en Ligue des champions. Il passera les Pyrénées afin d’exercer son talent et sera élu meilleur entraîneur de la Liga espagnole en 2003.
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Le FC Nantes commence à sombrer lentement, mais sûrement. Entre 2001 et 2007, cinq techniciens se succèdent à la tête de l’équipe première. La valse des entraîneurs peut commencer. Le centre de formation se délite petit à petit tout comme le jeu qui n’est plus qu’un ersatz des principes prônés par José Arribas. Si le club se sauve de justesse en 2005, il n’évitera pas la relégation deux ans plus tard. Après 44 ans dans l’élite, le club descend en Ligue 2 et est revendu la même année. L’heureux nouveau propriétaire se nomme Waldemar Kita.
Les années Kita au FC Nantes, ou la valse des entraîneurs
Cinq entraîneurs entre 1960 et 2000. 20 (work in progress…) pour le seul Waldemar Kita depuis 2007. Tout est dit. Pourtant de très bons coachs ayant eu des résultats satisfaisants ailleurs sont passés à la tête du FC Nantes sous Kita. Citons Michel Der Zakarian (passé deux fois à l’essoreuse), Jean-Marc Furlan, Sergio Conceiçao, Claudio Ranieri ou encore Christian Gourcuff dernièrement.
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Alors, c’est quoi le problème ? L’empressement et la précipitation du président nantais sont évidemment les premiers maux du club. Aucun manager n’a vraiment eu le temps de mettre en place ses préceptes de jeu ou sa vision à moyen terme pour l’équipe. De plus, le recrutement du FC Nantes ne se fait pas en adéquation avec l’entraîneur en place, ce qui nuit grandement à la stabilité nécessaire au bon fonctionnement de l’équipe. La direction du club au quotidien est assurée par Franck Kita, fils de Waldemar, ce qui donne l’impression d’une sorte d’oligarchie familiale à la tête du club.
Mon président voulait que certains joueurs jouent et pas d’autres. Et ça ce n’est pas possible. Si le président vient et me dit cela, moi, je me casse. »
Jean-Marc Furlan, ancien coach du FC Nantes (2009, resté seulement 10 matchs sur le banc des Canaris)
Un désamour plus conjoncturel que structurel
Le fiasco Raymond Domenech – seulement 7 matchs à la tête du club – restera sûrement comme le symbole des lacunes et de l’imprévisibilité de la direction actuelle. Son éviction prématurée sonne comme un aveu d’échec et d’impuissance de la famille Kita. Après l’ancien sélectionneur des Bleus, le président Kita a décidé de miser sur un ancien de la maison FC Nantes: Antoine Kombouaré. Afin de ramener un peu de sérénité ? Celui-ci a déjà annoncé qu’il partirait en cas de descente en Ligue 2 en fin de saison…
L’entraîneur n’a aucune influence. (…) Ce qui ressort, c’est de l’improvisation et de l’incompétence à tous les niveaux. »
Vahid Halilhodzic, ancienne gloire du FC Nantes passée à la moulinette Waldemar Kita.
Il apparait donc de manière évidente que c’est plus la gestion du club qui est en cause que la capacité réelle des entraîneurs successifs au moment de tirer des bilans. Avec la famille Kita aux manettes du FC Nantes, il semblerait que le changement de coach soit une forme de gouvernance comme une autre. Mais pour combien de temps ?