Alors qu’aucun accord de diffusion n’a été signé pour la saison prochaine, la question de la valeur de la Ligue 1 est revenue sur le devant de la scène. En cause, un championnat au ralenti, en perte totale d’attractivité. Analyse.
Crise sanitaire et Mediapro, la double gifle
La chute du football français a commencé dès 2020 avec l’arrêt du championnat en raison de la crise sanitaire. Les pertes ont été conséquentes pour l’ensemble des clubs principalement en raison de l’absence de billetterie pour cette période. Alors que les autres grands championnats reprenaient, la Ligue de Football Professionnel (LFP) a choisi de stopper la saison et de geler le classement.
Peu de présidents s’en étaient offusqués à l’exception de Jean-Michel Aulas. En effet, le nouvel accord de diffusion signé avec Mediapro devait permettre d’augmenter le budget des clubs de 20 millions d’euros. Cette somme a d’ailleurs figuré sur le budget prévisionnel des clubs qui ont pris comme un coup de massue la décision du groupe sino-espagnol de se désister. Aujourd’hui, les pertes cumulées des clubs atteignent 1,1 milliard d’euros selon Noël Le Graët, président de la FFF.
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De plus, le modèle économique du football français est loin d’être viable. En effet, si les clubs français parviennent à l’équilibre financier, c’est uniquement grâce à une balance de transferts positive. Les résultats d’exploitation sont tous déficitaires. Concrètement, les clubs perdraient de l’argent s’ils ne vendaient pas leurs meilleurs joueurs chaque saison. Ce système de fonctionnement est complétement incompatible avec des résultats sportifs sur le plan européen. Ce modèle économique explique en partie les piètres performances des clubs français en coupe d’Europe et donc le peu d’intérêt pour le foot français.
Des déficits impossibles à combler pour les clubs de Ligue 1
La crise sanitaire ayant entraîné un ralentissement sur le marché des transferts et les sommes dépensées, on peut imaginer que les pertes vont être colossales pour de nombreux clubs car la vente de joueurs risque de ne pas être suffisante pour couvrir les pertes. Il semble que cette prévision ait d’ailleurs été prise en compte par certains investisseurs qui souhaitent se désister comme à Bordeaux ou Nîmes. Les perspectives semblent donc assez noires pour la majorité des clubs français. La DNCG devrait prochainement soumettre un rapport sur la santé financière du football. Ce rapport très attendu devrait permettre d’y voir plus claire sur la situation réelle de nos clubs.
Par ailleurs, la Ligue 1 s’exporte très mal. 80 millions d’euros par an seulement pour la diffusion à l’étranger. Au sujet de notre championnat, André Villas-Boas a même parlé du championnat « le plus déséquilibré du monde ». Il est difficile de lui donner tort même si Lille a réussi à détrôner le PSG au terme d’une saison particulière. Mais, sur les dernières années, force est de constater que la domination sans partage du PSG rend le championnat de Ligue 1 peu attractif aux yeux du monde.
Même au niveau national, les anciens matchs du lot 3 détenus par Canal Plus (celui du samedi 21h et du dimanche 17h) faisaient moins d’audience que la Moto GP ou la Formule 1… On peut également ajouter le faible taux de remplissage des stades, même en dehors des périodes de pandémie, comme à Bordeaux. Cette faible attractivité du championnat rend les diffuseurs frileux et seul Canal Plus accepte aujourd’hui de négocier l’achat des droits de la Ligue 1.
Une absence de concurrence entre les diffuseurs
L’absence de concurrence entre les diffuseurs confère un pouvoir de négociation énorme à Canal. Ils ont déjà obtenu le passage de la Ligue 1 à 18 clubs dès la saison 2023-2024. Cette volonté de réduire le nombre de clubs est officiellement destinée à améliorer l’attractivité du championnat en réduisant le nombre de matchs sans enjeu. En réalité, cela vise surtout à compenser en partie la perte des droits TV avec 2 parts du gâteau en plus à se partager. Mais quelle sera la taille du gâteau ? Maxime Saada évalue aujourd’hui la Ligue 1 à 500 millions d’euros alors que son groupe payait 330 millions d’euros pour seulement 20% des matchs avant le retrait de Mediapro.
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Par ailleurs, preuve du manque d’intérêt suscité par la Ligue 1, Canal Plus ne souhaite diffuser que 2 matchs par journée et confier la diffusion des autres matchs à un autre diffuseur. La solution la plus probable consiste en un partage des droits avec BeIN SPORTS. La solidité de ces 2 acteurs aurait le mérite d’assurer des garanties de paiement aux clubs. Mais aujourd’hui, les positions semblent très éloignées alors que la plupart des clubs espèrent au moins 600 millions et des bonus selon les audiences. Les leviers de pression de la LFP sont presque inexistants et Canal Plus le sait. Finalement, le seul espoir semble résider dans un changement de stratégie de Canal Plus avec une augmentation de son offre afin de sauver les clubs français. Et, dans le même temps, améliorer à la marge l’attractivité de la Ligue 1…