La Ligue 1 ne se disputera plus qu’à 18 clubs à compter de la saison 2023-2024. Motivée notamment par la crise économique que traversent les clubs de L1, cette décision pourrait néanmoins causer beaucoup de torts au foot français. Dossier.
Évoqué depuis plusieurs années au sein du microcosme du football français, ce resserrement de l’élite a pu se concrétiser en grande partie en raison du contexte actuel. Le football français connaît une grave crise économique, assommé par les différents bouleversements vécus depuis maintenant plus d’un an: arrêt définitif de la L1 en fin de saison 2019-2020 alors que les autres grands pays européens du football reprenaient le chemin des terrains, huis clos empêchant les clubs de générer des recettes de billetterie…
Mais également: l’effondrement du projet Mediapro qui prive les clubs de leur principale source de revenus, incertitude concernant ces mêmes droits TV pour les prochaines saisons… Autant d’éléments qui ont abouti à cette décision forte de resserrement de l’élite. Seulement, si cette réforme pourrait permettre aux clubs français de limiter la casse financièrement, elle n’en reste pas moins critiquable et critiquée sur beaucoup d’autres points.
Un intérêt sportif contestable
D’un point de vue sportif tout d’abord: lorsque l’on regarde ce qu’il se passe chez nos voisins européens, on se rend compte qu’une élite à 20 clubs n’est pas un obstacle à la compétitivité du championnat. L’Angleterre et l’Espagne, dont les clubs trustent chaque année ou presque les sommets européens, sont sans doute les meilleurs exemples de cette réalité.
Certes, l’Allemagne, qui a adopté ce modèle à 18 clubs, obtient aussi régulièrement des résultats probants sur la scène européenne, comme le sacre du Bayern Munich en Ligue des champions l’an passé. Mais il faut souligner que ce pays a su construire un modèle qui lui est propre, avec une répartition équilibrée des sources de revenus qui permet aux clubs d’être moins dépendants d’une seule ressource économique. Dès lors, mécaniquement, plus de moyens sont octroyés au sportif. Tout cela, la France n’est pas encore capable de faire.
D’ailleurs, l’élite française a déjà tenté de passer à 18 clubs dans le but d’améliorer sa compétitivité, notamment sur le plan européen. C’était entre 1997 et 2002, et contrairement aux attentes, cela ne s’est pas soldé par de grandes performances des clubs français sur la scène continentale. L’intérêt sportif d’un passage à une Ligue 1 à 18 est donc à nuancer.
Une nouvelle atteinte aux valeurs fondamentales du football
Le business a maintenant pris le pas sur le football populaire. Le passage de la Ligue 1 à 18 clubs constitue une nouvelle preuve de cela car elle met à mal les valeurs fondamentales du football. Alors que ce sport a toujours été mis en avant pour sa dimension universelle, il semble se fermer de plus en plus. Sur les 10 dernières années, des clubs comme le Gazélec Ajaccio, Amiens, Dijon ou encore Clermont sont parvenus à se hisser dans l’élite pour la première fois et parfois même à s’y maintenir plusieurs saisons. Des clubs qui ont pu disputer de grands matchs, faire vibrer leurs supporters, créer une émulation dans leurs villes respectives. Ces histoires n’auraient sans doute pas été possibles dans une élite resserrée, et nous sommes en quelque sorte en train d’y renoncer.
De plus, on peut se poser la question de la solidarité, autre valeur importante du sport et du football, en ces temps de crise. Oui, la réduction de l’élite peut permettre aux clubs qui vont se maintenir de limiter la casse. Mais elle met aussi en péril un plus grand nombre de clubs, déjà en difficulté et qui pourraient ne pas se remettre d’une descente en Ligue 2 toujours difficile, mais particulièrement en ces temps troublés. Le football français dans son ensemble aurait peut être gagné à se montrer solidaire, plutôt qu’à mettre en avant les intérêts économiques de quelques uns.
L’obligation de réformer la structure globale du football français
Enfin, les difficultés inhérentes à la Ligue 1 à 18 seront aussi structurelles. Pour passer de 20 à 18 clubs sans sacrifier des montées de L1 à L2, il faudra donc organiser une saison 2022-2023 avec 4 descentes. Cela pose la question du format de la Ligue 2 2023-2024. Un championnat à 22 clubs ? L’hypothèse est peu probable. Pour rester à 20, il faudra donc là aussi programmer 4 descentes vers le National 1.
Des rétrogradations qui pourraient remettre en cause le statut professionnel des clubs concernés, les fragilisant d’autant plus. A terme, la création d’une Ligue 3 professionnelle semble être la seule alternative viable pour ne pas mettre en péril trop de clubs. Mais là encore, les perspectives sont incertaines. Entre la nécessité économique de se réformer, la préservation des valeurs sportives et les difficultés organisationnelles, les défis du football français sont nombreux. Or, la mise en place d’une Ligue 1 à 18 clubs n’est pas la panacée. Pis, elle ne semble donc pas aller dans le bon sens, au détriment de l’intérêt général.