À 72 ans, le champion du Monde 1974 Jupp Heynckes s’apprête à prendre les rennes du Bayern Munich pour la quatrième fois de sa carrière. Reconnu pour ses qualités de tacticien et de meneur d’hommes, il avait entre autres réalisé l’historique triplé C1-Bundesliga-Coupe d’Allemagne lors de la saison 2012-2013, exploit au bout duquel il avait mis un terme à sa brillante carrière d’entraîneur. Retour sur le parcours hors-norme de l’inénarrable Don Jupp.
Heynckes, l’éternel vagabond
Natif de Mönchengladbach, Jupp Heynckes connaît une brillante et méconnue carrière de joueur dans le club de sa ville; de 1973 à 1976 pas une saison ne se passe sans que Don Jupp ne finisse meilleur buteur de coupe d’Europe. Vainqueur du championnat national à quatre reprises avec Mönchengladbach, ainsi que d’un Euro et d’une coupe du monde avec la Mannschaft, il raccroche ses crampons en 1978 sur une éclatante victoire 12-0 face au Borussia Dortmund, signant par ailleurs un invraisemblable quintuplé. Il est encore aujourd’hui le troisième meilleur buteur de Bundesliga, championnat qu’il aura marqué de son empreinte, de par son humilité et sa classe. Nommé adjoint à Mönchengladbach la saison suivant sa retraite de joueur, il prend rapidement les rennes de l’équipe. Se forgeant une solide réputation à travers l’Allemagne, il ne tarde pas à s’engager chez son ancien rival, le Bayern Munich. Il y passe quatre ans au cours desquels il gagnera deux championnats nationaux. Mais le triste FC Hollywood subit de plein fouet la charge médiatique qui pèse sur lui et en fait payer les frais à son entraîneur qui quitte la Bavare pour l’Espagne et Bilbao en 1992.
De succès en succès, le réservé Jupp Heynckes mène le modeste club de Tenerife jusqu’en demi-finales de coupe de l’UEFA en 1996. Repéré et recruté par le Real Madrid, il y gagne la Ligue des xhampions en 1998 et sera limogé cette même année pour des résultats jugés insuffisants (4e du championnat). Vadrouilleur dans l’âme, il connaît une période difficile jusqu’à son retour en Allemagne à Leverkusen qu’il hisse au second rang de Bundesliga en 2011. A 66 ans, Heynckes remet brillamment et justement sa philosophie de jeu en question pour s’adapter à un football qui a bien changé depuis ses débuts sur le banc de Mönchengladbach. Un travail sur soi-même qui s’avère payant puisqu’en 2011 le Bayern le rappelle pour son troisième passage en Bavare.
Opérant un travail défensif efficace, il restructure profondément l’effectif et parvient à hisser le Bayern en finale de Ligue des champions. Néanmoins, le club bavarois finit deuxième du championnat et échoue dans ses deux finales de coupes (nationale et européenne); une performance froidement accueillie par le club qui lui promet un licenciement à la fin de la saison suivante. Mais l’homme n’est pas du genre à se laisser abattre: Neuer, Boateng, Dante et bien d’autres viennent pallier les lacunes défensives de la formation bavaroise. Résultat: un triplé historique et un titre de meilleur entraîneur FIFA 2013. Un trophée qui vient parapher une carrière brillante que l’on pensait désormais achevée. Et pourtant…
Bayern 2017-2018, opportunité ou piège ?
Il aurait pu refuser. Et ainsi garder l’image de ce héros, parti sur un exploit, au terme d’une partition sans fausse note. Mais le bonhomme a le goût du risque. À 72 ans et toutes ses dents, Don Jupp relève un énième défi, un pari risqué sur un terrain glissant. Et ceux qui se dresseront sur son chemin sont prévenus: « Quand [Jupp Heynckes] parie, il met sa vie en jeu », dixit son ex-coéquipier au Borussia Mönchengladbach, Berti Vogs. Il vient ainsi prendre la suite de Willy Sagnol qui avait assuré l’intermédiaire après la mise à pied d’Ancelotti. Plus conquérant que jamais le septuagénaire a ainsi déclaré suite à sa nomination qu’il ne s’agissait non pas là d’un « come-back » mais plutôt d’un « service d’ami« . L’homme qui dit devoir « beaucoup au Bayern Munich » va néanmoins devoir composer avec une équipe vieillissante dans laquelle l’influence de certains joueurs rappelle étrangement l’époque FC Holywood si familière au coach allemand. Pourtant, l’ancien international dit avoir un « bon pressentiment » quant à la saison à venir.
Seulement, le Bayern est parti sur des bases historiquement faibles cette saison: au bout de sept matchs le club compte déjà cinq points de retard sur Dortmund, leader invaincu. Surtout, l’absence de Neuer qui risque de se prolonger jusqu’à mars ne présage rien de bon pour le champion en titre. La prépondérance et l’importance des stars dans l’effectif bavarois a donc fait pencher la balance en faveur de Don Jupp, lui qui a montré à maintes reprises ses qualités de fédérateur et de meneur d’hommes. En 2013, il estimait que l’équipe qu’il confiait à son successeur Pep Guardiola était « la meilleure du monde« . Depuis l’équipe a été remodelée, certains sont partis (Kroos, Gomez), d’autres sont arrivés (Lewandoski). Mais l’ossature reste la même: Neuer, Alaba, Boateng, Muller sont restés fidèles au club. Ce qui permettra sans doute à Heynckes de repartir sur des bases solides et ainsi de mener son équipe ne serait-ce qu’au titre national, ce qui s’apparentait à une simple formalité ces dernières saisons. Et aux sceptiques qui pointeraient du doigt l’âge d’Heynckes, ce dernier n’aura qu’à replonger dans ses archives et remettre au goût du jour cette déclaration d’il y a quatre ans: « Si un nouveau pape peut être élu à 76 ans, pourquoi ne pourrais-je pas continuer à entraîner à 68 ans ? » A toi de jouer Jupp.
Crédits photo à la une: rayand