Romain Molina vient de sortir son troisième livre, la biographie autorisée d’Unai Emery. Quelques jours après la sortie de son ouvrage, le jeune auteur a accepté de répondre aux questions d’Au Stade.
Pourquoi avoir choisi Unai Emery ?
À la base c’est une idée de mon éditeur. J’avais quelques réticences parce que j’avais peur de la biographie, peur de me répéter. Je voulais également être indépendant et pouvoir écrire ce que je voulais. C’est ce que le frère d’Emery (qui est gère les relations presse d’Unai, ndlr) m’a confirmé. À partir de là j’ai vu que je pouvais avoir de la matière et je me suis lancé. J’ai pu parler avec un total de 50 témoins de l’évolution d’Unai Emery que ce soit en tant que joueur mais également comme coach. C’est eux qui racontent l’histoire, pas moi.
Parmi toutes les personnes que tu as interrogées, lequel a été la plus marquée par Unai Emery ?
Je dirai Ever Banega. Lorsque j’ai demandé à Ever la première chose à laquelle il pensait quand on parlait d’Unai Emery, il m’a dit « c’est comme mon père ». Emery a fait de Banega non seulement un meilleur joueur, mais également une meilleure personne. C’est d’ailleurs lui qui a su mieux gérer le caractère du meneur argentin. Sinon je dirai également Francisco Rodriguez, le meilleur buteur de l’histoire d’Almeria. Alors qu’Almeria vient de monter en Liga, Unai lui dit qu’il ne veut pas le conserver. Mais au lieu de le mettre à la porte, il l’a laissé s’entraîner avec le groupe et lui a laissé constaté lui même qu’il n’avait pas le niveau. Aujourd’hui Francisco Rodriguez est entraîneur et s’inspire beaucoup d’Unai Emery.
Dans quel club a-t-il laissé la plus grande empreinte ?
Lorca et Almeria. Il a fait la meilleure saison de ses deux clubs. Ils n’ont jamais connu mieux qu’Emery. Aujourd’hui lorsque l’on va à Lorca, qui est une ville avec beaucoup de pauvreté, on se rend compte comment il les a marqué. Les gens s’illuminent lorsqu’on leur parle d’Emery. Avec un budget de 600 000 euros, il a failli monter en Liga. Avec Almeria, il monte en Liga, et il fini 8e pour sa première saison. C’est un promu qui va au Bernabeu avec l’envie de gagner. Aujourd’hui le coach d’Almeria (Sergi Barjuan, ndlr) est un ancien joueur d’Emery.
Comment Unai Emery est perçu en Espagne ?
En Espagne, il est considéré comme un gagnant. Un génie de travail, qui peut passer pour quelqu’un d’arrogant. S’il n’avait pas signé au PSG cet été, il aurait sûrement pu être le sélectionneur de l’équipe d’Espagne car il plaît beaucoup et il a une très bonne image.
Quel est le trait principal de caractère d’Unai Emery ?
Il essaie toujours de se mettre à la place des joueurs. Il ne cherche pas le conflit comme peut le faire José Mourinho. Il utilise beaucoup la psychologie, notamment envers les nouvelles recrues. Il y a également la passion qu’il a pour le foot. Il ne vit que pour ça. Il lui arrive souvent de terminer à 2-3h du matin après avoir regardé un ancien match de Paris, du futur adversaire ou autre. Il a un véritable amour pour ce qu’il fait.
Est ce que le fait qu’Unai Emery soit un vrai passionné de foot peut le gêner en France, qui a une passion plus relative, comme ça a pu être le cas au Spartak Moscou?
Au Spartak ce n’avait pas été une catastrophe absolue. C’est un échec certes, mais il est cinquième au moment où il se fait virer ce qui correspond globalement au classement moyen du club. Après cela ne pouvait pas marcher. Unai Emery est un entraîneur qui fonctionne à la méritocratie. En Russie, le nombre de joueurs russes sur la feuille de match est imposé. Si Unai Emery est coincé avec un règlement externe cela ne peut pas marcher, de plus il a voulu arriver et imposer ses méthodes un peu trop vite. Cela lui a servi d’expérience pour Paris. En France la passion est différente, mais dans le groupe du PSG plusieurs joueurs sont autant passionnés qu’Emery. La culture latine et méditerranéenne qui rapproche l’Espagne et la France sera plus profitable à Emery que la culture Russe.
Avec ses méthodes et son parcours, est-ce qu’on peut considérer Unai Emery comme un entraîneur hors-pairs ?
Hors-pairs je ne sais pas, mais ce qui est sûr c’est qu’il a fait des choses que personne n’a réussi. En 5 ans et demi, il est passé du milieu de tableau de la troisième division espagnole à la Ligue des champions. Il a fait une carrière de joueur correcte en D2 espagnole, mais ça l’a obligé à démarrer en bas avec un petit club. Il a réussi à monter en D2 espagnole alors que c’est le cirque pinder (sic) pour monter. Il y a 80 équipes pour seulement 4 places. Lui, première saison, il monte. Il a fait les plus grosses saisons de l’histoire de Lorca et d’Almeria. De plus il est le seul à avoir gagner 3 Europa League d’affilées, seul Trapattoni en a gagné autant, mais pas à la suite. Quoi qu’il arrive il laissera une trace dans le foot. Il va léguer quelque chose.
Unai Emery admet s’inspirer de plusieurs coachs, de qui est-il le plus fan ?
J’en citerai 3, Guardiola, Simeone et Bielsa. Mais il prend un peu de tout le monde. Mais la première personne dont il s’est inspiré c’est Mikel Etxarri, l’actuel sélectionneur du Pays Basque. Il a écrit un livre, que Raynald Denoueix estime être le meilleur bouquin pour un jeune entraîneur. Etxarri est un passionné de football, que je comparerai avec Bielsa pour son côté inventeur du football. On reconnaît beaucoup de Etxarri dans la façon d’être et la philosophie d’Unai Emery.
Qu’est ce qui le différencie des plus grands comme Guardiola, Ancelotti ou Sampaoli ?
Sa plus grande différence avec d’autres entraîneurs c’est sa volonté et son obsession à vouloir trouver les points faibles de son adversaire. Il cherche constamment le détail pour améliorer ses joueurs, dont il est très proche. Il montre beaucoup d’intérêts pour eux et n’hésite pas à leur poser des questions. Après il n’hésitera pas à leur rentrer dans le lard (sic) mais jamais de façon publique comme a pu le faire Mourinho par le passé. Il est très respecté dans le milieu notamment par Ancelotti et Guardiola. Il ne faut pas oublier qu’il est encore jeune (46 ans) et qu’il a encore du temps pour gagner. Je pense qu’il laissera une trace dans le football mondial.
Unai Emery a pour habitude de conseiller des lectures à ses joueurs, est-ce que tu penses qu’il va suggérer ton ouvrage maintenant ?
Non je ne pense pas (rires), il n’a pas cette volonté de se mettre en avant. Il aime la discrétion, et n’exhibera jamais sa vie privée. Après peut-être que d’autres entraîneurs le conseilleront à leurs joueurs ou à des nouveaux entraîneurs pour apprendre à gérer un groupe. Cela serait vraiment flatteur pour moi.
Quels sont tes projets maintenant ?
J’ai pas trop envie de faire du travail journalistique pour l’instant. Je me vois plus écrire des livres. Il y a plusieurs sujets que je suis entrain de travailler dont notamment un sur le football chinois. On verra bien comment cela évolue.
ROMAIN MOLINA, EN BREF
Âgé de 25 ans, journaliste freelance depuis 5 ans, Romain a fondé le site Hat-Trick, véritable référence du foot britannique. Après ses collaborations avec L’Equipe ou encore France Football, celui qui s’est exilé en Écosse, avant de partir vivre en Andalousie, a choisi de se concentrer quasi-exclusivement à l’écriture d’ouvrages axés « culture-foot ».
Crédits photo à la une: Вячеслав Евдокимов FC-ZENIT.RU