Plus de deux ans après leur rachat par le fond d’investissement américain King Street, les Girondins de Bordeaux sont enlisés dans une crise aux multiples facettes. Une crise financière, sportive et surtout d’identité. Dossier.
King Street et les Girondins de Bordeaux, le mauvais mariage
Le constat est là, implacable. Arrivé en novembre 2018, le propriétaire américain des Girondins de Bordeaux se trouve dans une impasse. De mauvaises décisions, une gestion erratique, une méconnaissance totale du contexte local… La liste des erreurs de King Street est longue et interminable. On retiendra pêle-mêle: un président (Frédéric Longuépée) honni par les supporters du club, quatre entraineurs en deux ans, la sortie médiatique des « Girondins Leaks », un stade Matmut Atlantique qui sonne creux, sans parler de la crise due au Covid-19 qui exacerbe et multiplie les facteurs négatifs.
Ce club historique à l’ambiance plutôt « familiale » sous l’ère M6 (le précédent propriétaire) s’est peu à peu transformé en un bateau impersonnel à la dérive. Concernant le volet sportif, lors de la première année du conglomérat américain King Street, l’équipe finit le championnat à la 14e place, pire résultat depuis 15 ans. Les Girondins de Bordeaux ne feront guère mieux lors de la deuxième année en terminant 12e de Ligue 1. En cette saison 2020/2021, le club végète dans le ventre mou à la 11e place. Un rang indigne au vu du statut et des ambitions du club au scapulaire.
Le syndrome « américain »
À l’instar d’autres clubs historiques de Ligue 1 comme Nantes ou l’Olympique de Marseille, les Girondins souffrent du syndrome « américain » de la gestion de club. Ces nouveaux investisseurs, en l’occurrence ceux de King Street, ne voient plus des supporters mais des « consommateurs », ne parlent plus de club, mais « d’entreprise », pas de joueurs mais de « produits »… Un langage propre au business international, mais surement pas à des clubs de football hexagonaux dont l’ancrage reste malgré tout très local. Le résultat de cette politique est sans appel après deux années de gouvernance. Le club annonçait début janvier qu’il allait licencier 26 salariés, le déficit de cette année sera compris entre 75 et 85M€. Lamentable.
Flou et incertitude impalpable pour un club centenaire
Il semblerait néanmoins que les dirigeants de King Street aient pris conscience de certaines erreurs passées. La nomination au début de cette saison d’Alain Roche, ancienne gloire du club au poste de directeur sportif et de Jean-Louis Gasset à celui d’entraîneur aura eu pour effet de rassurer les suiveurs bordelais. En outre, il semblerait que le président tant décrié Frédéric Longuépée ait été mis « en retrait » pour le moment. Il faut également noter l’engagement du nouveau maire de la ville de Bordeaux, Pierre Hurmic à s’investir pour résoudre le conflit opposant le club à ses propres supporters.
Il y a un malaise dans le club, mais aussi un malaise sportif […] Il faut un apaisement et surtout de nouvelles modalités de gouvernance au sein du club. »
Pierre Hurmic, maire (EELV) de Bordeaux, au sujet des décideurs américains de King Street
Mais au vu de l’énorme déficit, le club devra se résoudre à se délester de plusieurs gros salaires (Costil, Koscielny…) ainsi que de joueurs à valeur marchande élevée (Adli, Basic, Otavio…). Comment dès lors tenter de construire une équipe compétitive ? L’actuel coach Aquitain Jean-Louis Gasset ne s’y ait pas trompé et a déclaré il y a quelques jours: « On m’avait annoncé un challenge difficile, mais en fin de compte, on m’a menti. C’est encore plus dur que ce que je croyais. » À ses interlocuteurs et agents qui lui proposent des joueurs pour l’an prochain, le directeur sportif Alain Roche, répète à l’envie: « Il n’y a pas d’argent. »
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Pourtant, certaines offres de reprise et rachat des Girondins de Bordeaux sont arrivées sur le bureau des dirigeants de King Street. Les homme d’affaires locaux Bruno Fievet et Pascal Rigo ont affirmé leur désir d’investir et de miser sur les Girondins. Il semblerait que le propriétaire actuel soit assez exigeant sur le prix à débourser. Preuve que malgré ses déboires et son instabilité, le club, à défaut d’avoir une valeur sportive, a encore une valeur financière. Un moindre mal à l’heure actuelle.