Il faut remonter à l’année 2004 pour trouver trace d’un club français en finale de la Ligue Europa. Cette année-là, l’Olympique de Marseille s’était inclinée 2-0 face au Valence FC. Un résultat évidemment positif pour l’image du football français à l’international, qui n’a pas su être reproduit depuis. Une question se pose alors: la Ligue Europa représente-t-elle un trop grand défi pour les clubs de Ligue 1 ?
Une histoire récente dure à ignorer
L’histoire ne plaide pas en la faveur d’une ambition européenne pour les clubs français. Hormis la belle épopée lyonnaise en 2016/17 (demi-finale perdue face à l’Ajax Amsterdam) qui n’a pas empêché le club de terminer la saison de Ligue 1 à la 4e place qualifiant les Gones en C3 pour l’exercice 2017/18, les récentes aventures en Ligue Europa des clubs de l’Hexagone provoquent des déconvenues sur le plan national. Les exemples sont multiples: l’En Avant Guingamp, 16e de finaliste de l’édition 2015, terminera à la 10e place de L1 et ne sera pas européen la saison suivante. Plus récemment, l’AS Saint-Étienne s’inclinera également en 16e de finale de la Ligue Europa en 2016/2017 face à Manchester United et décevra en championnat en se positionnant à une 8e place finale frustrante. Depuis les années 2000 et au fur et à mesure des saisons, certains clubs français affichent l’objectif de finir la saison dans les places européennes. Or, la plupart d’entre eux déçoit en Ligue Europa la saison suivante.
À quoi bon devenir européen ?
La question est claire. Si l’objectif est de devenir européen, la moindre des choses serait de jouer le coup à fond la saison suivante pour représenter le football français en Ligue Europa. Or, pour la quasi totalité des clubs français, la C3 est loin d’être la priorité. En effet, la philosophie française veut que l’on se concentre sur l’essentiel: le championnat. Et cela, quitte à laisser de côté la compétition pour laquelle on a travaillé toute une saison. Tout le monde se souvient des déclarations marquantes, voire choquantes, de Francis Gillot lorsqu’il occupait le poste d’entraîneur des Girondins de Bordeaux: « J’ai rassuré mes joueurs, ce match de C3, je l’ai zappé« . Pourtant, chaque match continental est important pour soigner l’indice UEFA de la France. Pour rappel, l’indice UEFA est un coefficient national calculé selon les résultats des équipes en compétition européennes (Ligue des champions et Ligue Europa) sur les cinq dernière saisons.
Un temps mis en danger par le Portugal et la Russie, proches de rétrograder la France en 7e place européenne, l’Hexagone a depuis vu le Qatar devenir actionnaire principal du PSG qui a, avec l’aide de l’AS Monaco et de l’OL en 2016/2017, permis aux clubs français de récupérer la 5e place au classement de l’indice UEFA et ainsi maintenir son quota de billets qualificatifs pour les compétitions européennes. Cependant, difficile de reprocher aux dirigeants et managers des clubs français de se remémorer la difficulté de jouer sur tous les tableaux tout en jouant les premiers rôles en championnat en fin de saison. A qui la faute ? Les clubs de Ligue 1 manquent-ils de profondeur d’effectifs ? Le calendrier est-il trop chargé pour les organismes ? Chacun se fera son opinion. Toujours est-il que les performances des clubs français en championnat varient en fonction de leur implication en Ligue Europa.
Un exemple d’actualité nous vient à l’esprit. Celui de la victoire marseillaise en terre niçoise pour le compte de la 8e journée de Ligue 1, dimanche dernier (2-4). Les deux écuries disputaient une rencontre de Ligue Europa trois jours plus tôt, et le moins que l’on puisse dire, c’est que les deux entraîneurs ont opté pour deux mises en place totalement différentes. D’un côté, l’OGC Nice de Lucien Favre a aligné son onze type contre Vitesse, tandis que l’OM de Rudi Garcia s’est déplacé sur le terrain de Salzbourg sans Dimitri Payet, Steve Mandanda, ou encore Sakai remplacé par Bouna Sarr, qui évoluait à un poste qui lui était inconnu, celui d’arrière latéral droit. Cette bataille été remportée par le technicien marseillais, mais au détriment d’une défaite en Autriche qui ne fait pas les affaires du club phocéen sur la scène européenne. Par contre, cette stratégie paie au niveau français puisque l’OM pointe à la 3e place en Ligue. A contrario, l’OGC Nice ne brille pas en Ligue 1 mais caracole en tête de son groupe sur la scène européenne.
Et si on changeait de priorité ?
La culture française est claire: le championnat prime sur les autres compétitions. Ce manque d’ambition est probablement la cause des échecs français en coupes d’Europe, ce qui expliquerait le faible palmarès continental des clubs français. Pour rappel, seuls l’Olympique de Marseille (Ligue des champions 1993) et le Paris Saint-Germain (Coupe des Coupes 1996) peuvent se vanter d’avoir remporté une coupe d’Europe. Cette culture de la peur est un frein considérable à des performances de haut niveau face à des équipes étrangères préparées à ce type de rendez-vous. Et, vous devinez, cela donne des contre-performances surprenantes au premier abord mais qui paraissent finalement habituelles. Pour reprendre l’exemple lyonnais, de quoi se souviendra-t-on ? De la belle épopée de l’OL jusqu’en demi-finale de la Ligue Europa en éliminant l’AS Roma et le Besiktas Istanbul au bout de la séance des tirs aux buts, ou de la 4e place en Ligue 1 ? Les clubs français en aurait certainement plus à gagner en terme de notoriété en affichant la Ligue Europa comme une priorité. Cela serait également bénéfique pour l’image du football français et pour son indice UEFA. Une situation gagnant-gagnant que les clubs français sont prêts à abandonner pour leurs objectifs nationaux. En Angleterre, Leicester City a dégringolé au classement de la Premier League la saison suivant son improbable titre en 2015/2016. Néanmoins, les Foxes n’ont pas oublié de briller en Ligue des champions, en atteignant les quarts de finale et en mettant en difficulté les grands d’Europe. Le Portugal, quant à lui, affiche une statistique qui parle d’elle-même: 6 clubs finalistes de la Ligue Europa depuis l’année 2000 étaient portugais.
Il est évident que les mentalités sont au cœur des mauvaises prestations françaises en Ligue Europa. Sans un remaniement de cette idéologie qui voudrait que nous ne pouvons être performants sur la scène européenne sans l’être sur le plan national, il sera difficile de voir des épopées comme celle de l’Olympique de Marseille en 2004 être rééditées.
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