Éliminée piteusement dès les phases de poule de la dernière Coupe du monde, l’équipe nationale d’Allemagne entame une profonde refondation footballistique. Joueurs, formation voire philosophie de jeu, Joachim Löw essaie de tout remettre à plat avant l’Euro. Dossier.
Un sélectionneur du temps long
À la tête de la National Mannschaft depuis 2006, Joachim Löw est un bâtisseur redoutable, sculpteur d’un des effectifs les plus féroces de la dernière décennie. Le jeu de l’Allemagne est reconnaissable parmi mille: possession de balle, attaques rapides autour d’un pivot (Miroslav Klose puis Mario Gomez), jeu sans ballon intelligent mené par une défense de fer (Hummels-Boateng). Caracolant longtemps en tête du classement FIFA, la Mannschaft reste une référence ultime du football total. Il était facile de distinguer un « jeu à l’allemande » à l’instar de la sélection espagnole. Deux effectifs plaisant à voir jouer en tant que passionné de football. La plus grande réussite de Löw réside dans sa faculté à construire sur le temps long. La Coupe du monde 2010 fut un galop d’essai, des joueurs se sont révélés comme Bastian Schweinsteiger ou Thomas Müller. 2014 a sonné comme la consécration ultime. L’apogée du football allemand est totale, Joachim Löw en est l’instigateur. Le 7 – 1 face à un Brésil grandissime favori dans sa coupe du monde est un chef-d’œuvre footballistique. L’équipe allemande était redoutée par tous, ses adversaires surclassés. Au-delà du jeu pratiqué, la personnalité de Löw fascine. Imperturbable, calme et froid, l’ancien milieu de terrain ne fait que très peu parler de lui. Le sélectionneur a su faire l’unanimité dans son pays, sans jamais connaître de quelconques turbulences. L’échec à la Coupe du monde 2018 est le premier faux-pas du sélectionneur, ses choix sont de plus en plus contestés. La fin de l’immunité ?
Absence de dynamique
La dernière Coupe du monde a laissé de sérieuses séquelles. La sélection allemande n’y arrive plus. Son jeu s’est déréglé, la nouvelle génération est moins prometteuse que prévue. Pourtant leur prestation lors de la Coupe des Confédérations fut plus qu’encourageante. Leur victoire était d’autant plus retentissante que Joachim Löw n’a sélectionné que de jeunes pousses en devenir. Leur destin était tout tracé. Adossée à une colonne vertébrale plus qu’enviable (Neuer, Hummels, Boateng, Kroos, Muller), la nouvelle génération devait apporter vitesse et percussion. Les possibilités de jeu étaient infinies. Pourtant, les prestations tournent au fiasco. Au-delà du jeu pratiqué, la force mentale allemande se perd, leur concentration balbutie. Les retraites internationales de Schweinsteiger et Lahm ont impacté le rendement de la Mannschaft. Pour la première « Nations League », l’Allemagne termine bonne dernière du groupe, derrière la France et les Pays-Bas. Encore plus alarmant, ses deux prestations contre les Oranje, ponctuées par un nul et une défaite largement méritée (3-0).
Les mauvais résultats contre les grandes sélections s’accumulent, il est difficile de trouver un match référence de l’Allemagne depuis l’été 2018. Plus que le score, la philosophie allemande s’évapore. Toujours aussi séduisante offensivement, l’équipe manque de cohérence à l’arrière. La nouvelle charnière centrale chancelle: derrière la révélation Niklas Süle, personne ne tire la couverture. Joachim Löw veut faire table rase du passé. Clap de fin pour trois champions du monde en 2014: Thomas Müller, Jérome Boateng et Mats Hummels. Dans les colonnes de Kicker, le sélectionneur admet provoquer un bouleversement « Jérôme Boateng, Mats Hummels et Thomas Müller ne feront plus partie de l’équipe nationale. Nous voulons donner à l’équipe un nouveau visage, et je suis convaincu que c’est la bonne décision à prendre ». Löw lutte contre l’absence de dynamique, chacune de ses retouches interroge. Le potentiel de la sélection ne s’est pas éteint, la crainte reste réelle pour l’adversaire. La catastrophe en Russie n’impacte pas l’aura allemande. Pour autant, la position du sélectionneur commence à être sérieusement remise en cause.
Tout se jouera en 2020
Co-leader de son groupe de qualifications pour l’Euro 2020, L’Allemagne de Löw a encore déçu ses supporters lors de la double confrontation avec les Pays-Bas. Le scénario devient prévisible: la Mannschaft mène au score puis se fait rattraper en seconde période. Même si la qualification pour la compétition européenne ne fait guère de doute, sa prestation au mois de juin prochain aura tout l’air du baroud d’honneur pour Joachim Löw. L’Espagne est aussi passée par cet essoufflement générationnel. À force de trop capitaliser sur les succès antérieurs, un confort s’installe et crée une routine malsaine qui empiète sur les prestations des joueurs. L’équipe nationale d’Allemagne vit actuellement ce phénomène. En cas de piètres prestations à l’Euro, l’éviction du sélectionneur allemand sera inéluctable. Néanmoins, la marge de manœuvre de Löw reste conséquente. La prestation de son équipe n’est pas alarmante.
Survivra-t-il à l’Euro 2020 ? Il y a de grandes chances. Le sélectionneur n’est absolument pas menacé par un autre entraîneur allemand. La rumeur Jurgen Klopp a tout pour séduire, mais reste, pour le moment, irréalisable. Coach de la meilleure formation européenne, Klopp songerait à faire une pause à l’expiration de son contrat avec le FC Liverpool. Quid de Thomas Tuchel ? Reconnu à Dortmund pour son jeu séduisant, le technicien souhaite s’inscrire dans un projet long avec le Paris Saint-Germain. L’après-Löw donne sûrement déjà des maux de tête à la fédération allemande, qui voit d’un bon œil le maintien de Joachim Low. Les positons sont figées à huit mois de l’Euro. L’équipe allemande devra hisser son niveau de jeu pour bien figurer, alors que les outsiders se dévoilent (Pays-Bas…). Tout se jouera en 2020: le maintien ou la sortie du sélectionneur allemand. Nul doute que Joachim Löw a profondément marqué le football allemand. Par le jeu, la philosophie prônée, le technicien est un modèle de réussite dans le football. La dernière coupe du monde a rebattu les cartes. L’avenir de Löw s’écrit en pointillé, au moins jusque l’Euro.
Crédits photo à la Une: Steindy