On a tout dit, tout écrit ou presque sur le phénomène Lionel Messi. Quadruple ballon d’or – 2009, 2010, 2011, 2012 en attendant un cinquième dans quelques jours ? – l’argentin est pour beaucoup le meilleur joueur de football de tous les temps. Mais qui connait aussi bien que ses statistiques stratosphériques – 234 buts en 176 matchs chez les jeunes aux Newell’s Old Boys, 425 buts en 501 matchs pros sous le maillot du Barça et 49 buts en 105 sélections avec l’Argentine – l’enfance de la pulga?
Lionel Andrés Messi Cuccitini de son patronyme complet a vu le jour à Rosario le 24 juin 1987, cité ouvrière du nord-est de l’Argentine, connue pour ses clubs de foot et rivaux historiques : Rosario Central vs Newell’s Old Boys. Troisième enfant de Jorge Horacio Messi, ouvrier d’une usine de fabrication, et de Célia Maria Cuccitini, femme de ménage Léo est dans la hiérarchie des Messi(es) le troisième rejetons : il a deux grands frères, Rodrigo et Matias ainsi qu’ une petite sœur, María Sol. S’il est de nationalité argentine, Messi possède également des origines catalanes (tiens, tiens…) et italiennes, comme bon nombre de ses compatriotes. Si vous cherchez des détails en ce qui concerne son arbre généalogique, Ramon Pérez Llobera, un de ses ancêtres, vient de la ciudad d’El Poal dans la province de Lleida en Catalogne. Un de ses arrières grands-pères a lui vécu dans la ville italienne d’Ancône d’où il émigre pour trouver refuge en Argentine au XIXème siècle. Quant à son parrain et oncle Claudio Biancucchi, il n’est autre que le père de trois footballeurs professionnels qui sont les cousins de Léo, à savoir les trois frères Biancucchi : Maxi (attaquant de Bahia au Brésil), Emanuel (milieu de terrain de Vasco de Gama) et Bruno (16 ans à peine, considéré à Rosario comme le clone de la pulga). On peut aussi vous dire que Bojan Krkic, l’attaquant de Stoke City – coéquipier de Messi au Barça de 2007 à 2011 – est aussi un cousin à la quatrième génération. Voilà pour la présentation de la famille.
À sa naissance en 1987, la famille de Léo réside à Las Haras, banlieue pauvre de Rosario, au cœur de la province de Mendoza, dans une petite maison en bordure d’une route étroite qui autorise à peine le croisement de deux voitures. Celia, la maman, se souvient : « nous avons acheté ce lopin de terre que nous avons construit par la suite pour la naissance de nos quatre enfants. Aujourd’hui encore, nous revenons régulièrement dans le quartier car nous y connaissons encore du monde. Les véritables racines de la famille sont ici à Las Haras ». Cette maisonnée, c’est le poumon de la famille Messi, au numéro 525, à la croisée des rues Ayacucho et de celle du 1er Mai, dans le quartier d’Israël. Mais alors Messi enfant, qui était-il ?Il apparaît que c’est un enfant particulièrement timide et peu bavard, introverti et peu intéressé par ses études, mais qui se transformait lorsqu’il jouait au football. Dans la vie de tous les jours, le cas du petit Messi inquiète même beaucoup son entourage. Léo ne parle pas ou très peu – chose encore d’actualité aujourd’hui alors qu’il est la plus grande star sportive au monde – et se réfugie dans le monde du silence. A ce sujet, Monica Domina son institutrice à l’école primaire de son quartier de Las Heras, est la première à s’alerter du mutisme maladif de la pulga. Elle raconte : « j’avais des graves problèmes de communication avec lui. Au point qu’il avait une amie, une voisine, qui lui servait d’interprète. Quand il voulait dire quelque chose, c’est par elle qu’il passait. Il était tellement timide que j’avais conseillé à ses parents de l’emmener voir un pédo-psychiatre ». Même son de cloche en Catalogne du côté del’école Léon XIII, un établissement partenaire du Barça où le jeune Messi est vite devenu un casse-tête pour Maribel Pascual, sa professeur principale : « il avait un bon fond mais il était très timide. Surtout, les études ne l’intéressaient pas. J’essayais beaucoup de parler avec lui, mais il n’y avait rien à faire : ce n’était pas son truc”. Ruben Bonastre, ancien professeur d’informatique à La Masia – le centre d’entrainement du FC Barcelone – n’aura pas davantage de succès dans ses tentatives : « en classe il était là sans être là. C’était d’autant plus frustrant que ses entraîneurs me disaient des merveilles à son sujet. Ça m’interpellait. Comment était-il possible qu’il prenne autant d’initiatives sur le terrain et si peu en dehors? ». Car sur un terrain de football, ce n’est plus la même histoire, comme le confirme son père : « dès qu’il jouait sur un terrain ou dans la rue, il n’était plus le même. À la maison, il ne parlait pas mais ballon au pied, on aurait dit qu’il chantait ».
1995, le petit Léo a 8 ans et haut comme 3 pommes est approché par l’un des deux grands clubs de la ville, le Newell’s Old Boy – qui attire le jeune prodige dans ses filets. Il va notamment s’y lier d’amitié avec Lucas Scaglia, aujourd’hui encore l’un de ses seuls amis issus du monde du football – né comme lui en 1987 à Rosario, également devenu footballeur professionnel, aujourd’hui en deuxième division américaine à l’Armada de Jacksonville – et accessoirement son « beau cousin », la cousine de ce dernier, Antonella Roccuzzo, étant devenu entre temps la compagne de Lionel Messi. À la mi-temps des matchs de l’équipe première, Léo, qui est ramasseur de balles sur la pelouse del Estadio Marcelo Bielsa – non non, pas l’homme à la glacière -, se fait remarquer en réalisant des séries de jongles interminables sans que la balle ne touche terre. Le public prend alors conscience du génie du gamin et n’hésite pas à scander des « Maradooooo, Maradoooo » qui descendent des travées, en référence à Diego Armando Maradona, idole et icône nationale. Il y est également surnommé El Enano (« Le nain », surnom officiel d’un autre argentin de petite taille, le miraculé Diego Buonanotte, aujourd’hui à l’AEK Athènes), du fait de sa petite taille. À 9 ans, Lionel Messi ne mesure que 1,11 mètre et à 11 ans, sa taille est celle d’un enfant de 9 ans ce qui ne l’empêche pas de poursuivre sa progression sur le terrain. Il est même considéré comme le meilleur joueur de « La Maquina 87 », la sélection de jeunes des Newell’s Old Boys nés en 1987 et qui remportent quatre championnats nationaux en six ans, un record.
Décembre 1996, le docteur Diego Schwartzstein, endocrinologue – médecin spécialiste de la prise en charge des maladies liées aux hormones – est mandaté par les dirigeants du club pour examiner l’ensemble de la promo 87 vont déceler une anomalie chez le petit Lionel. Les parents et Léo sont convoqués dans les bureaux des dirigeants en présence du médecin qui leur apprend la nouvelle : leur fils souffre d’un déficit hormonal qui nécessite des analyses plus poussées. Un an plus tard, l’endocrinologue rend son verdict définitif : l’enfant souffre d’un déficit partiel d’hormones de croissance. Il propose alors en guise de traitement l’injection intramusculaire d’hormones synthétiques, un traitement lourd et couteux sans lequel Léo ne dépassera pas 1,50 mètre à l’âge adulte d’après le médecin. Lionel commence son traitement dès le début de l’année 1997. Les premières années de traitement sont financées par la fondation Acindar – l’usine métallurgique dans laquelle travaillait Jorge, son père – mais la crise économique qui secoue la société argentine aurait remis en question cette prise en charge. A partir de cette époque, les versions divergent quant à la prise en charge financière d’un traitement, qui consiste à injecter 75 microgrammes de Lévothyroxine pendant près de 3 ans, au tarif de 1 000 dollars/mois. Sur son site officiel, Lionel Messi raconte que personne n’a voulu mettre la main à la poche et, qu’au final, étranglée financièrement, la famille se résigna à quitter l’Argentine pour trouver refuge en Europe au chevet d’un club acceptant de prendre en charge le traitement de leur fils. Si cette histoire est reprise dans les médias elle serait en réalité complètement fausse : Messi ne serait pas parti à Barcelone pour des raisons de santé mais uniquement par intérêt sportif. Le père du joueur, Jorge Messi, et leur agent de l’époque, Rodolfo Schinocca, auraient inventé cette histoire en s’inspirant du storytelling (ou sucess-story) comme l’avaient fait avant eux les publicitaires américains de la société Nike avec Michael Jordan, criant sur tous les toits le plus grand joueur de basketball de tous les temps aurait un jour été recalé par une équipe de collège après avoir été jugé trop petit-. Cette version est aujourd’hui confirmée par le Docteur Schwartzstein, selon lequel Léo a reçu la grande majorité de son traitement en Argentine : « Leo a commencé le traitement quand il avait déjà 10 ans. Il prenait des hormones de croissance, une fois par jour, par application cutanée. Il a dû faire entre 8 et 12 mois de traitement à Barcelone, pas plus, et trois ans et demi ici ». Arrivé à Barcelone, Messi a-t-il changé de traitement ? Il aurait grandi de 29 cm en trente mois. “Le Barça a fait évoluer son traitement mais je ne pourrais pas vous dire comment affirme Fabian Soldini (l’homme qui s’est longtemps auto-proclamé « agent » du joueur, celui qui aurait apporté le crack « sur un plateau » au FC Barcelone par le biais de vidéos dans lesquelles le gamins jongle avec une orange avec…le genou – Moi, je me souviens qu’il devait avaler jusqu’à 5 pastilles par jour. De quoi ? Je ne sais pas.” Si ce mystère reste entier, celui qui entoure sa signature au Barça ne l’est plus. Le livre montre les étapes de ce contrat, signé en décembre 2000 sur une serviette en papier du bar du club de Pompeya à Barcelone, jusqu’à sa finalisation, dont une clause promettait au gamin de 13 ans une somme de 600 000 euros. L’accord entre toutes les parties aurait pu ne jamais être trouvé à cause de luttes internes au sein du club catalan. Une fois débarqué à la Masia, le petit Messi intrigue toujours autant par son comportement. D’une timidité quasi maladive, il dort aussi beaucoup. Beaucoup trop même pour certains spécialistes : jusqu’à douze heures par jour, siestes incluses ! Une léthargie qui inquiète jusqu’à ses éducateurs au Barça, lesquels avaient pointé, dans un rapport interne de 2002, qu’il était « le joueur le moins investi dans les séances d’entraînement. Il a correctement fait ce qui lui était demandé, mais toujours à l’ombre de ses partenaires, et sans montrer la moindre initiative personnelle ». Lionel Messi serait devenu une marmotte depuis qu’il s’est mis à suivre son traitement hormonal : dormir lui permettait alors de régénérer ses cellules pour gagner des centimètres. Depuis, le traitement est bel est bien terminé, mais c’est comme si le joueur lui, ne s’était jamais réveillé. “Il est heureux quand il dort. Mais dès que tu lui demandes de sortir, ça l’ennuie. Même une balade, ça le fatigue”, se désole Marisol, sa demi-sœur.
Début 2001, la marmotte, alors âgée de 14 ans, prend un Rosario-Buenos Aires-Barcelone, sans billet retour. Le Barça lui fait signer un contrat à 4 000 euros par mois, trouve un emploi au père et paye un appartement en centre-ville pour la famille. Jorge est heureux : Messi va enfin pouvoir se mettre au boulot. Quinze ans et 425 buts plus tard, son rejeton est devenu le meilleur joueur de l’histoire du football, et continue à pioncer entre les séances d’entrainement des Blaugranas.