Sixième du championnat, l’AS Saint-Étienne se situe à une place que beaucoup pourraient lui envier. Pourtant, l’ASSE ne mérite pas cette place, puis-je dire, le peuple Vert ne mérite pas cette place. Comme l’on dit, il faut toujours savoir balayer devant sa porte. Une semaine après la claque historique reçue contre Lyon, et non sans une pointe de subjectivité, un état des lieux s’impose. Édito.
Une gestion dérisoire
Y a-t-il encore quelqu’un aux commandes du club ? La question mérite d’être posée car depuis désormais deux saisons, le club souffre de critiques internes comme externes. Cela fait en effet deux saisons que le jeu produit par Saint-Étienne est contesté. L’on pensait au départ que cela était dû à la fin de cycle de l’ère Christophe Galtier mais depuis le début de saison, la patte apportée par Oscar Garcia n’est toujours pas visible, loin de là, on a l’impression que c’est pire que l’année dernière. Un changement d’entraîneur est supposé apporter un changement de vision de jeu et la vision offensive prônée par Garcia est encore loin d’avoir fait ses preuves. Mais comment voulez-vous en même temps que Garcia mette en place son jeu alors qu’il n’a pas eu son mot à dire durant le mercato, devant accepter les joueurs que la cellule de recrutement lui imposait ? Les deux présidents, Roland Romeyer et Bernard Caïazzo, semblent absolument déconnectés des problèmes que rencontre leur club, pensant entamer un nouveau cycle en ne changeant que l’entraîneur.
Au final, l’effectif reste sensiblement le même, les joueurs utilisés par Garcia étant presque quasiment toujours les mêmes qu’utilisait Galtier la saison dernière, preuve que la cellule de recrutement est en panne. Mais au club, malgré les nombreux échecs de recrutement ces dernières années (Tannane, Soderlund, Lacroix, M’Bengué, Assou-Ekotto…), on ne pense absolument pas à revoir cette stratégie et c’est toujours le même 4-3-3 improductif et désormais lisible par tous les adversaires qui est mis en place. Le recrutement n’est pourtant que l’un des nombreux problèmes que rencontre aujourd’hui l’ASSE. Personne ne s’inquiète au sein de la direction par rapport au staff médical alors que les blessés s’enchaînent sans raison apparente depuis désormais de très nombreux mois. L’infirmerie est encore au complet et les absences de Perrin et Cabella ont bien évidemment été préjudiciables lors du derby. Les blessures musculaires sont récurrentes et l’excuse du terrain commence à devenir redondante, presque lassante, le club ne se remettant jamais en cause et préférant accuser des conditions extérieures. C’est d’ailleurs la marque de fabrique stéphanoise en ce moment; accuser autrui. Lorsque le club est critiqué pour son manque d’ambition dans son recrutement, c’est toujours le manque de moyens qui est avancé par la direction.
Faudrait-il néanmoins rappeler le classement des budgets de Ligue 1 pour la saison 2017-2018 ? Saint-Étienne a le sixième budget de l’élite derrière Lille, 19e actuellement et prochain adversaire des Verts ce vendredi, et trois places devant Nantes, cinquième de Ligue 1 avec cinq points d’avance sur l’ASSE. Cela se saurait depuis longtemps si le budget déterminait tout. Et puis, Romeyer n’a pas vraiment son mot à dire, lui qui refuse de céder la main à des actionnaires majoritaires pour ne pas être minoritaire, alors que ce serait la situation idéale pour le club afin de repartir de l’avant sur une nouvelle voie. Mais cela fait des mois que Romeyer annonce que les recherches avancent, sans plus. La situation actuelle, dont la position au classement n’est qu’un arbre cachant la forêt, s’explique aussi par un détachement complet des dirigeants qui, aussi peu visionnaires qu’ils sont, sont restés accrochés à l’apogée de l’ère Galtier sans en préparer la suite. Et aujourd’hui, il est évident que la période difficile que le club traverse est due à une transition bâclée où le changement d’entraîneur n’aurait dû être qu’un rouage du changement et non le seul rouage du changement.
A qui la faute ?
A tous ! Les dirigeants sont bien sûr fautifs mais ne faut-il pas oublier les choix contestables d’Oscar Garcia ? Trois titularisations d’affilée pour M’Bengué ? Idem pour Lacroix ? Hernani ailier gauche à Toulouse puis sur le banc contre Lyon ? Dabo et Pogba sur le banc lors du derby ? Monnet-Paquet titulaire contre l’OL alors qu’il n’a pas eu la confiance de l’entraîneur depuis le début de saison ? La liste est longue mais elle est révélatrice: Garcia semble désespérer de son effectif si pauvre en qualité et ses choix sont des messages. Soit il semble décidé à partir comme L’Equipe le dévoilait en début de semaine, soit il veut montrer qu’il n’a pas les joueurs qu’il souhaite et que ses choix sont des cibles pour la prochaine période des transferts. En tous cas, nul ne doute que ses compositions posent question et que sa philosophie de jeu n’a pour l’instant pas vu le jour. Esseulé en interne, tanguant ses propres joueurs en public, joueurs qui semblent le désavouer, Garcia n’a pas fait cinq mois dans le Forez qu’il se retrouve déjà en position instable.
Cependant, les joueurs montrent très peu d’intérêt également. Il est difficile de dégager des leaders cette saison: Perrin souffre de son physique comme il en a toujours souffert à part peut-être lors de la période dorée de Galtier, Cabella vient à peine d’arriver, Ruffier a des envies de départ. Pourtant, ce dernier est sans doute le seul qui parvient à surnager dans ce marasme collectif. Dans une équipe sans leader, il est difficile de tirer tous les éléments vers le haut. La pauvreté technique de cet effectif aux caractéristiques très physiques laisse plus qu’à désirer. Il serait alors une bonne idée de piocher dans le centre de formation, mais celui-ci est muet depuis quelques saisons, ne sortant que des échecs. Elle est loin l’époque des Ghoulam, Zouma ou encore Guilavogui et pourtant si proche en même temps. Le renouvellement n’a pas eu lieu alors que les départs de Lemoine, Cohade et Clément devaient permettre à une nouvelle génération d’émerger au milieu de terrain. Mais encore une fois, la transition n’a pas été préparée et notre milieu de terrain, tenu en laisse par Lyon dimanche dernier, est composé d’éléments irréguliers sans exception.
Les supporters s’impatientent
Il y a eu un abattage médiatique la semaine dernière mais pas à l’endroit qu’il fallait. Au final, tous les médias se sont attardés sur le geste de Fékir et sur ses conséquences plutôt que sur la prestation stéphanoise qui n’était que l’aboutissement d’une gestion interne catastrophique depuis un peu plus d’un an. Au final, tous les incultes du club, qui ne suivent pas son actualité, ont pointé du doigt les débordements en le reliant au geste de Fékir, alors que ce n’est pas le geste de Fékir, à l’autre bout du terrain, qui a provoqué l’envahissement du terrain mais bien la prestation désastreuse de l’ASSE. Les Magic Fans, totalement désorganisés depuis l’interdiction de stade prononcée par un préfet lunatique à l’encontre des deux leaders du groupe d’ultras stéphanois le plus importants, ont réagi hier dans un communiqué qui en dit long sur leur colère. Ils n’ont laissé de côté personne, tapant sur le club dans son ensemble. Et ils ont surtout bien insisté sur le fait que les supporters ayant envahi le terrain l’ont fait en réponse à l’humiliation stéphanoise et non au geste de Fékir, qu’ils ne citent à aucun moment dans leur communiqué. Ils regrettent également la plainte des dirigeants à l’encontre de leurs propres supporters. Mais visiblement, une semaine après la claque, rien ne semble bouger du côté de l’Etrat. Le premier joueur à s’être exprimé est Vincent Pajot… seulement jeudi.
Du côté de la direction, seul Dominique Rocheteau, sans doute désigné pour porter la voix des dirigeants, s’était exprimé, se contentant de condamner le geste de Fékir alors que celui-ci n’est pas un problème et que les maux stéphanois sont bien ailleurs, avant que Roland Romeyer ne se sente obligé d’apparaître médiatiquement jeudi pour seulement déclarer des choses banales qui n’amèneraient aucun changement. Car voilà bien le problème: rien ne changera, la défaite contre l’OL n’est vécue comme une humiliation que par les supporters, les dirigeants réagissant comme s’ils avaient assisté à une défaite banale. Néanmoins, les supporters ne veulent plus entendre des phrases bateaux comme « on va se reprendre au prochain match » ou bien « on va travailler dur », ce serait prendre les Verts pour des êtres stupides. Des supporters qui savent très bien que rien ne va s’améliorer, l’équipe est trop faible, souffre terriblement techniquement et est en manque de confiance. Si rien ne change, la suite peut-être longue.
Crédits photo à la une: Ardfern