Véritable gangrène du football contemporain, le racisme s’avère de plus en plus problématique, tant d’un point de vue éthique qu’institutionnel. Édito.
Au début du mois de novembre, Mario Balotelli a une nouvelle fois été victime de cris racistes dans un stade de foot. Cela le lui était déjà arrivé plusieurs fois, notamment l’an passé à Dijon quand il jouait pour l’OM, où une personne l’avait injurié. Sur la pelouse du Hellas Vérone (Serie A), Super Mario a laissé parler sa rage en voulant quitter le terrain. Retenu par ses coéquipiers, il a fini le match (et a même marqué). Ce nouvel événement raciste montre que le problème est enraciné très profondément, et pas seulement en Italie. Quand on voit que des groupes de supporteurs qualifient les cris de singe de « chambrage » ou que des dirigeants se permettent des commentaires ouvertement racistes sans même s’en rendre compte, on se demande dans quel monde on vit.
Toujours est-il que cette énième polémique en Italie interroge sur la manière de faire stopper ce phénomène et un détail a attiré mon attention: pourquoi empêcher Balotelli de quitter le stade ? Pourquoi ne pas se joindre à lui ? Pas seulement ses coéquipiers mais aussi les joueurs adverses, les dirigeants, les staffs… Il faut une réponse conjointe, la portée du message serait beaucoup plus forte. Imaginez si quelqu’un comme Cristiano Ronaldo demande un jour à ses camarades de quitter le terrain et de n’en revenir que lorsqu’il aura l’assurance que des sanctions seront prises. Les images seraient reprises partout, cela obligerait sûrement les gens qui ont beaucoup à perdre en terme d’image (clubs, fédérations, diffuseurs..) à agir. C’est ce qu’a réalisé Saidou Omar Daffé, gardien sénégalais qui joue en division d’excellence italienne (championnat amateur); excédé par les insultes racistes de spectateurs il a quitté le terrain et les 21 autres acteurs ont fini par le rejoindre en se désolidarisant de ces actes odieux.
Mais attention, ne soyons pas naïfs; il ne suffira pas d’un coup médiatique pour faire changer les mentalités. Je veux dire par là que si un individu est capable de lancer depuis les tribunes un « cette banane est pour Bakayoko« , ce n’est pas l’arrêt prématuré d’un match qui va faire revenir ce dernier à la raison. Au contraire, couper une rencontre peut même faire plaisir à ces individus; on peut, en ce sens, imaginer qu’ils tentent de forcer des interruptions par la suite, lorsque leur équipe sera en train de perdre par exemple. C’est pour cela qu’une union de tous les joueurs est nécessaire; à l’image d’un syndicat ou d’une grève pour obtenir plus de droit. C’est ce que font déjà quelques joueurs aux Pays-Bas en refusant de jouer la première minute de jeu d’une rencontre pour protester contre le racisme. Cependant, nul ne peut nier que la réponse au racisme doit demeurer institutionnelle: fédérations nationales et internationales doivent s’unir et invoquer de lourdes sanctions, tant individuelles (actions en justice contre les supporters fautifs) que collectives (sanctions sportives et financières contre les clubs).
Crédits photo à la Une: AuStade.fr – Arthur Geillon