18 fois champion d’Italie et 7 fois vainqueur de la Ligue de champions, le Milan AC est un véritable monument du football mondial. Des générations entières de supporters ont rêvé devant les exploits de Gianni Rivera, Franco Baresi, Marco Van Basten, Paolo Maldini, Andriy Shevchenko ou encore Kaká. La liste des joueurs appartenant au Hall of Fame de ce club mythique est tellement longue qu’on pourrait y passer des heures. Mais voilà, le virage des années 2010 a fait mal au Milan AC. Très mal même, tant le club ne semble désormais être que l’ombre de lui-même. Que reste-t-il du « Grand Milan » à part le nom et le palmarès ? Comment expliquer la terrible chute d’une institution aussi puissante ? Éléments de réponse.
Le départ massif des grandes légendes du Milan AC
La saison 2009-2010 a été celle du changement pour le Milan AC. Après plusieurs années de succès, trois hommes forts ont pris la décision de quitter le club. Tout d’abord, nous avons Paolo Maldini. Le légendaire capitaine a mis fin à sa sublime carrière, 25 ans après sa première apparition sous le maillot rossonero. Nous avons ensuite Carlo Ancelotti. Le charismatique entraîneur italien, double vainqueur de la Ligue des champions avec le club lombard, a décidé de partir en Angleterre pour prendre place sur le banc de Chelsea. Enfin, le brésilien Kaká, Ballon d’or 2007 et star de l’équipe, a choisi de rejoindre le projet « Galactiques 2.0 » du Real Madrid.
Un an plus tard, après une troisième place en Serie A, les dirigeants du Milan AC décident de frapper fort. Ils confient les rênes de l’équipe au talentueux Massimiliano Allegri et engagent la star suédoise Zlatan Ibrahimović. Ce pari est une réussite puisque Milan remporte le championnat italien en 2010-2011. Cependant, à l’intersaison, Andrea Pirlo quitte le club pour rejoindre les rangs de la Juventus. Sans son emblématique maître à jouer, Milan perd son titre en 2011-2012.
Les Rossoneri vont alors connaître une saignée dans leur effectif. Gennaro Gattuso, Filippo Inzaghi, Alessandro Nesta et Clarence Seedorf décident de s’en aller. Zlatan Ibrahimović et Thiago Silva emboîtent le pas pour rejoindre le nouveau projet du Paris Saint-Germain. En 3 ans, Milan a donc perdu tous ses plus grands joueurs. C’est le début d’une nouvelle ère compliquée pour le club de Silvio Berlusconi.
Une stratégie de recrutement très douteuse
Après le départ de ses légendes, le Milan AC devait rebâtir une équipe compétitive. Cependant, en pleine difficulté financière, le club dirigé à l’époque par Silvio Berlusconi va faire tout l’inverse. Contraints de vendre ses derniers bons joueurs, les Rossoneri vont multiplier les choix douteux sur le marché des transferts. Tout d’abord, ils vont chercher le fantasque Mario Balotelli en janvier 2013. Capable du meilleur comme du pire, l’Italien est un grand nom, mais certainement pas un joueur autour duquel on bâtit un projet solide de reconstruction. Au final, l’attaquant sera bon une saison et demi, partira à Liverpool, reviendra un an en prêt et sortira par la petite porte. Soyons honnêtes, ce n’est pas vraiment une surprise.
De plus, soumis aux règles du fair-play financier, le Milan AC recrute essentiellement à bas coûts. Ainsi, jeunes talents, footballeurs moyens ou anciennes gloires, tout le monde à sa chance. On ne compte plus le nombre de joueurs passés par Milan ces dix dernières années. Qui se souvient réellement de Bojan, Michael Essien ou Fernando Torres à San Siro ? Pas grand monde. Quel joueur milanais a vraiment marqué l’esprit des supporters récemment ? Difficile à dire. Allez, rien que pour son 100e but avec le maillot rossonero, le retour de Kaká valait le coup. Mais plus sérieusement, alors que la Juventus a repris le pouvoir en Italie, Milan n’a plus rien à voir avec le grand club qu’il a été. En plus de s’affaiblir, les Lombards sont devenus instables.
Une direction catastrophique à tous les niveaux
Dans une entreprise, si la direction fait n’importe quoi, toute la structure se retrouve en danger. Le problème à Milan, c’est que la direction est catastrophique depuis trop longtemps. Fin 2013, alors que le club s’affaiblit sportivement et économiquement, Barbara Berlusconi, membre du conseil d’administration, n’hésite pas à critiquer ouvertement Adriano Galliani, homme fort de l’organisation depuis 27 ans. Ce dernier menace de démissionner, mais il est rattrapé de justesse par Silvio Berlusconi. Pourtant, malgré cet imbroglio, la fille du patron obtient le poste de vice-présidente et administratrice déléguée du club. Elle devient alors l’égale de Galliani. Drôle d’ambiance en interne !
En 2017, Silvio Berlusconi vend le Milan AC à un consortium chinois pour 740 millions d’euros. Ambitieux, les acquéreurs promettent d’investir 350 millions d’euros en trois ans. Malheureusement, les résultats sportifs ne sont pas à la hauteur des investissements et la situation financière s’aggrave. Incapables de rembourser leurs dettes auprès du fonds d’investissement Elliot, les Chinois cèdent le club à leur créancier en 2018. Pour redonner vie à une institution en chute libre, les nouveaux propriétaires américains font confiance à trois hommes :
- Ivan Gazidis à la direction générale ;
- Leonardo à la direction technique ;
- Paolo Maldini à la direction de la stratégie sportive et du développement.
Sur le papier, ça semble cohérent, mais dans les faits rien ne change réellement. Du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019, Milan accuse une perte record de 146 millions d’euros. Sur les six dernières années, le club a perdu 560 millions d’euros. Il est donc logiquement exclu de l’Europa League pour non-respect du fair-play financier. Après une seule année, Leonardo décide de quitter son poste. Maldini prend sa succession en duo avec Zvonimir Boban. On a vu mieux en matière de stabilité.
Des joueurs payés à prix d’or sans garantie sportive
En 2017, le Milan AC semble enfin retrouver de l’ambition. Les nouveaux propriétaires chinois dépensent près de 200 millions d’euros sur le marché des transferts pour reconstruire une équipe de premier plan. La tête de gondole de ce recrutement s’appelle Leonardo Bonucci. Pilier de la Juventus, l’international italien est considéré comme l’un des meilleurs défenseurs du monde. Il arrive en superstar pour 42 millions d’euros et se voit confier le brassard de capitaine. De plus, avec 7,5 millions d’euros de salaire par an, il devient le joueur le mieux payé de Serie A.
Malgré tout cela, l’histoire d’amour entre Bonucci et Milan ne dure pas longtemps. Après une saison ratée, le défenseur italien repart à Turin. En 2018, les Américains d’Elliot dépensent à leur tour sans compter. Cette fois-ci, la recrue phare se nomme Gonzalo Higuaín. Pipita est prêté par la Juventus pour 18 millions d’euros, avec une option d’achat fixée à 36 millions d’euros. Son salaire est quant à lui estimé à 9,5 millions d’euros par an. C’est plus que ce que touchaient Kaká ou Zlatan Ibrahimović à l’époque !
Mais voilà, l’Argentin traîne son spleen en Lombardie. Loin de son vrai niveau, Higuaín ne reste finalement que six mois. Chelsea rachète son prêt pour 7,8 millions d’euros. Pour le remplacer, les dirigeants jettent leur dévolu sur Lucas Paquetá et Krzysztof Piątek. Le coût total des deux transferts est estimé à environ 76 millions d’euros. C’est cher, mais sans Ligue des champions, Milan doit surpayer pour attirer ou conserver des joueurs. À ce titre, est-ce normal que Gianluigi Donnarumma soit le plus gros salaire du club à seulement 20 ans ? On peut s’interroger.
Une impressionnante valse des entraîneurs en dix ans
De novembre 2001 à mai 2009, le Milan AC n’a connu qu’un entraîneur : Carlo Ancelotti. En 2009, lorsque le Mister s’en va, les dirigeants choisissent Leonardo pour prendre place sur le banc. La relation entre le Brésilien et ses supérieurs est toutefois difficile. Après une saison décevante, les deux parties se séparent. Massimiliano Allegri est alors nommé entraîneur. Grâce à son nouveau coach, Milan soulève le Scudetto pour la première fois depuis 2004.
Cependant, désigné coupable des mauvais résultats les années suivantes, le tacticien italien est remplacé par Clarence Seedorf en 2014. C’est assez ironique quand on sait qu’Allegri deviendra invincible en Italie et fera de la Juventus l’une des équipes les plus redoutables d’Europe. Quoi qu’il en soit, la valse des entraîneurs continuer à vitesse grand V sur le banc milanais. Sous les ordres de Seedorf, le Milan AC connaît une élimination cinglante en Ligue des champions face à l’Atlético Madrid. Il s’agit de la dernière apparition des Rossoneri en C1. Après quatre mois, le néerlandais est logiquement remercié.
Les dirigeants font alors confiance à Filippo Inzaghi. Sur le banc, Super Pippo n’a plus rien de super. Il est limogé après avoir fini 10e de Serie A, soit le plus mauvais classement du club depuis 1998. Le défilé continue avec Siniša Mihajlović puis Christian Brocchi. À l’été 2016, Vincenzo Montella prend la relève. Il est renvoyé en novembre 2017. Gennaro Gattuso est alors appelé à la rescousse. Malgré des mercatos XXL, l’italien ne parvient pas à qualifier le club en Ligue des champions. Il démissionne après deux saisons. Son successeur, Marco Giampaolo, tiendra uniquement sept matchs. Le 9 octobre 2019, Stefano Pioli devient le 10e entraîneur du Milan AC depuis Carlo Ancelotti. Il récupère alors une équipe inquiétante, instable et complètement à la dérive.
Official Statement: Stefano Pioli ➡️ https://t.co/nCj5eBgKT8 pic.twitter.com/GfytQuPOda
— AC Milan (@acmilan) October 9, 2019
Quel avenir pour le Milan AC ? Il est difficile de répondre à cette question. L’histoire a souvent prouvé que les grands clubs ne meurent jamais. Cependant, même si les Lombards peuvent compter sur leur prestige pour rester attractifs, il est urgent de réagir rapidement. Milan n’a plus été sur le podium en Serie A depuis 2013 et n’a plus disputé la Ligue des champions depuis 2014. C’est inconcevable pour un tel club. La comparaison avec la Juventus fait mal. Le Milan AC n’est plus qu’un sparring-partner pour son rival turinois qui écrase tout en Italie et impressionne en Europe. De la direction aux joueurs en passant par les entraîneurs, tout le monde a sa part de responsabilité dans cette situation. Comment les Rosseneri peuvent-ils rattraper leur retard ? Le projet d’un nouveau stade ultramoderne est une piste sérieuse, mais il faudra bien plus que cela pour redevenir le « Grand Milan ».
Crédits photo à la Une: acmilan.com