Événement immanquable du calendrier footballistique outre-Manche, le « Boxing Day » succède aux célébrations de Noël. Les 20 clubs de Premier League s’affrontent dans des rencontres, pour la plupart, spectaculaires. Essayons alors de projeter ce modèle en France, entre fantasmes de fans et réalité complexe.
Des chocs à gogo
Traditionnellement organisé le 26 ou 27 décembre, le « Boxing Day » aurait des vertus digestives après un copieux repas de Noël. En effet, la Premier League organise un panorama de matchs plus alléchants les uns que les autres. Cette année, le magnifique Leicester-Liverpool (0-4) est venu conclure une année 2019 historique en Angleterre, dont le championnat s’est enfin hissé comme référence ultime en Europe. Imaginez 10 rencontres de même acabit en France ? La Ligue de football professionnel (LFP) pourrait voir d’un bon œil l’organisation de matchs à proximité géographique pour accroître l’attractivité d’un tel événement.
Cette année, les supporters auraient pu suivre des matchs historiques comme Nice-Monaco, Rennes-Nantes ou l’enflammé derby du Rhône entre Lyon et Saint-Etienne. Si l’on copie à l’identique le calendrier anglais, la 20e journée de Ligue 1 se conclurait par un duel entre le champion d’automne et son dauphin, autrement dit le célèbre « Classico » PSG-OM. Une aubaine pour le supporter de football qui profiterait de ses congés pour visionner ces belles rencontres. Inutile de le cacher, le « Boxing Day » à la sauce anglaise a d’abord une ambition commerciale. Profitant de la trêve hivernale dans tous les autres championnats européens, la Premier League écarte toute concurrence quand arrivent Noël et les célébrations de fin d’année. Championnat le plus rentable financièrement, la Premier League engrange énormément de par sa retransmission à l’internationale. À moindre mesure, notre Ligue 1 pourrait emboîter le pas pour plusieurs raisons: gâter ses supporters en organisant des matchs explosifs et engranger une plus-value quasi-assurée en période de fêtes.
Jackpot garanti
L’équation n’est pas simple pour la LFP. Cette sacro-sainte trêve hivernale de quinze jours permet de garantir l’intégrité physique des joueurs, dont les organismes ont été soumis à rude épreuve pendant plus de trois mois. Par exemple, le LOSC a déjà joué 26 rencontres depuis août dernier. Seul l’argument financier semble pouvoir faire basculer la balance. Compte tenu des taux de remplissage exceptionnels outre-Manche, durant le Boxing Day (entre 95 et 100 % selon les stades), le jackpot est garanti pour les infrastructures. Les droits de retransmission pourraient eux aussi exploser pour cette période. Rien que pour la période 2020-2024, la LFP va engranger 1,1 milliard d’euros par an en droits TV. Une manne financière qui ne pourrait qu’augmenter si l’on instaure un Boxing Day en France.
Les partisans de cette réforme avancent l’argument des vacances de fin d’année. De nombreux Français posent leurs congés pendant cette période. Alors, au stade ou devant leurs téléviseurs, les fans français suivront sans doute de près les 10 rencontres du Boxing Day. Déjà en 2012, le chroniqueur Nicolas Docao expliquait pour L’Obs que « la LFP pourrait être la grande gagnante, en cas d’instauration d’un Boxing Day ». Le succès commercial serait indéniable et a déjà séduit plusieurs championnats nationaux, en Écosse ou en Belgique notamment. La France y gagnerait indéniablement en organisant un Boxing Day. Quid des dynamiques cassées par la trêve ? Comment gérer les fêtes et le maintien de la forme physique ? Beaucoup de questions sans réponses malgré l’évolution des mentalités. Un paramètre bloque encore l’engagement de cette réforme: les joueurs eux-mêmes.
Devenir un grand championnat
Et si la Ligue 1 devait se transformer pour évoluer et tenir la dragée haute aux autres championnats européens ? Derrière le Paris-Saint-Germain, le suspense en vaut la peine, mais beaucoup critiquent ouvertement le niveau du championnat français. L’instauration du « Boxing Day » pourrait entériner les dernières critiques. Outre les retombées financières, la visibilité ira en s’accroissant pour un ensemble de joueurs. Qualifiée de « ligue des talents », notre Ligue 1 ne doit pas rougir de ce qualificatif. Au contraire, cette particularité est une aubaine pour les partisans du « Boxing Day ». Plus de visibilité augmente l’attractivité du championnat. Des grands joueurs pourraient rejoindre la France après l’instauration d’un « Boxing Day », de nouveaux investisseurs s’intéresseraient aux clubs français et ainsi engendrer une dynamique financière qui bénéficiera, in fine, à toutes les sphères du football français. La Ligue doit devenir un grand championnat, c’est son ambition première. Derrière l’armada parisienne, la concurrence s’organise, mais peine à afficher de grandes ambitions européennes. Aujourd’hui, les meilleurs clubs sont Anglais alors qu’ils n’ont pas de trêve.
Oui, la Ligue 1 grandirait en organisant son propre « Boxing Day ». Il ne faut pas tomber dans de la sur-protection injustifiée en France. Car l’annulation, dès l’année prochaine, de la Coupe de Ligue, libérera entre 1 et 2 matchs pour les clubs de Ligue 1. Seules les équipes qualifiées en Coupe d’Europe feraient face à un calendrier dense. Les autres ? Un match par semaine avant le mois de janvier et l’arrivée de la Coupe de France. Les grands clubs français devraient alors façonner un effectif capable de tenir le rythme. Le nerf de la guerre entre la Ligue et l’Union des clubs professionnels de football (UCPF), syndicats de joueurs. Les deux camps se renvoient la balle. À l’attractivité, les joueurs pointent la fatigue et le risque accru de blessures. Un dialogue de sourds qui condamnerait l’instauration du « Boxing Day ». De l’autre côté de la manche, les entraîneurs montent de plus en plus au créneau. C’est le cas d’Ole Gunnar Soslkjaer (Manchester United) ou Jürgen Klopp (Liverpool): « Jouer le 26 et le 28, c’est un crime ». De telles sorties médiatiques plaident en défaveur du projet en France. Voir un jour le « Boxing Day » illuminer les fêtes de fin d’année en France est purement hypothétique. Pour autant, rien de mieux que Noël pour se laisser guider par son imagination, avant peut-être d’assister à son lancement ?
Crédits photo à la Une: AsGunReview