Avec l’interruption de plusieurs matchs de Ligue 1 ces dernières semaines, l’homophobie dans le football est au cœur des débats. La rédaction d’Au Stade s’est donc penchée sur la question.
« L’homophobie dans le foot, ça suffit. » Les propos d’Antoine Griezmann prononcés en mai dernier dans le magazine LGBT Têtu sont forts. Ils témoignent d’un mal-être ancré dans le milieu du ballon rond. Loin d’apporter une solution à ce problème, cet article en dresse un panorama.
Homosexualité et football, difficile cohabitation
L’homosexualité dans le sport, et en particulier dans le foot, est un sujet tabou. Le président de la Fédération Française de Football (FFF), Noël Le Graët, l’admet volontiers. En mars dernier, il déclare au Figaro: « L’homosexualité, oui, c’est encore un tabou » Plusieurs joueurs, dont Olivier Giroud, partagent cet avis. En novembre, il déclarait à ce média: « Quand j’ai vu l’allemand Thomas Hitzlsperger faire son coming-out en 2014, c’était fort en émotion. C’est là où je me suis dit qu’il était impossible d’afficher son homosexualité dans le football. Dans un vestiaire, il y a beaucoup de testostérone, de chambrage, les douches collectives … C’est délicat mais c’est comme ça » Jugés trop frêles pour jouer par manque de testostérone, les homosexuels ne seraient donc pas les bienvenus dans les vestiaires où la proximité avec d’autres joueurs poserait problème. Olivier Giroud, pourtant défenseur de la cause LGBT, n’est pas le seul fataliste. Les français semblent également l’être selon un sondage réalisé en ligne via le panel Ipsos auprès de 2176 personnes de 16 à 75 ans entre le 6 et le 8 février 2018. 69% des sondés jugent qu’il est difficile de vivre son homosexualité dans le football. Ils sont 79% à le penser lorsqu’il s’agit d’un joueur professionnel.
Il semblerait que les interrogés aient raison de le croire. Dans le passé, plusieurs footballeurs professionnels en ont fait les frais. C’est le cas de l’ancien joueur et entraîneur de Nancy, Olivier Rouyer. Après avoir révélé publiquement son homosexualité au journal L’Équipe en 2008, il perd son poste d’entraîneur. Aujourd’hui encore, Olivier Rouyer est convaincu que son orientation sexuelle en est le motif. Les conséquences peuvent cependant être encore plus dramatiques que la perte d’un emploi. En 1990, Justin Fashanu est le premier footballeur à briser la loi du silence dans la presse britannique. Sa révélation fait l’effet d’une bombe et ses partenaires le rejettent. Pris en grippe par le public et accusé d’agression sexuelle en mars 1998, il se pend deux mois plus tard dans un garage de Schoreditch. Si le taux de suicide des footballeurs homosexuels n’est pas connu, il est en revanche l’une des premières causes de mortalité chez les 15-24 ans. Ainsi, dans le foot ou dans la société, l’homophobie tue.
« Les choses progressent »
Malgré le tabou de l’homophobie dans le milieu du ballon rond, « les choses progressent« . Tels sont les propos de Noël Le Graët au Figaro en mars dernier. Cette année, la Ligue de Football Professionnel (LFP) s’est particulièrement penchée sur ce problème. En concertation avec plusieurs associations spécialistes du domaine, la LFP a instauré un plan de lutte. Il passe par la formation de supporters référents et le fichage des spectateurs irrespectueux. Les arbitres peuvent aussi suspendre les matchs en cas de propos homophobes du public. L’arbitre international Clément Turpin est clair à ce sujet: « L’arbitre est là pour faire appliquer la règle, et la règle est extrêmement claire dans le foot. Il n’y a pas à tenir de propos injurieux, homophobes […] Notre travail c’est de montrer qu’on ne doit pas laisser passer une insulte, quelque soit le contexte et l’environnement. »
La LFP va cependant plus loin. Sa mesure la plus ambitieuse concerne la sensibilisation des entraîneurs et des jeunes joueurs. Pour cela, elle compte sur les livrets pédagogiques rédigés par l’association Foot Ensemble et distribués dès la rentrée. Olivier Rouyer salue l’initiative. Dans ce manuel de tolérance, il déclare: « L’éducation doit porter sur les gosses« . Ponctués d’interviews, le livret à destination des jeunes démonte un à un les préjugés homophobes. Pour les douches collectives, sa réponse est sans appel: « Ce n’est parce qu’on est homosexuel qu’on est obsédé sexuel. »
« Il y a encore beaucoup de travail dans le monde du foot sur ce sujet »
Malgré des progrès, l’homophobie est encore présente. Olivier Giroud le reconnaît en déclarant au Figaro en novembre: « Il y a encore beaucoup de travail dans le monde du foot sur ce sujet, c’est le moins qu’on puisse dire. » Le sondage Ipsos va dans ce sens. Plus d’un spectateur sur trois admet effectivement tenir des propos homophobes devant un match de foot. Il sont plus de la moitié (58%) chez ceux qui pratiquent le sport. Avec de tels résultats statistiques, il n’y a donc rien de surprenant à voir des interruptions régulières de match ces dernières semaines. Le 16 août, en Ligue 2, la rencontre entre Nancy et le Mans est entré dans l’histoire comme étant la première interruption de match en France pour des chants homophobes. Le 28 août, en Ligue 1, le match Nice-Marseille a été interrompu pour la même raison. Deux jours plus tard, ce fut au tour du match entre Metz et le PSG à cause d’une banderole déployée par les Ultras messins. Ces interruptions sont d’autant plus nombreuses que le public livre un véritable bras de fer avec la LFP qu’il accuse de tyrannie. Quoi qu’il en soit, on comprend bien que le football est un sport où les insultes sont nombreuses. Le livret pédagogique destiné aux jeunes joueurs ne s’en cache pas: « Quand on est footballeur, on doit se préparer à recevoir des insultes homophobes, même si on est hétérosexuel. » Avec un tel avertissement, il n’est en revanche pas certain que les footballeurs homosexuels soient encouragés à poursuivre la pratique de ce sport.
En conclusion, l’homophobie est présente dans le football. Elle peut même avoir des conséquences dramatiques sur certains professionnels. C’est notamment pour les éviter que la LFP en a fait un combat prioritaire. Malgré tout, les injures homophobes durant les matchs n’ont pas encore dit leur dernier mot. Elles sont effectivement ancrées dans les mœurs comme faisant partie intégrante du folklore des tribunes. Les banderoles et les chants homophobes de ces dernières semaines le prouvent. Pourtant pour l’ancien champion du monde 1998, Laurent Blanc, la question concernant l’homophobie dans le foot est un faux débat. Dans le livret de sensibilisation pour les jeunes footballeurs, il déclare: « L’homosexuel a le droit de jouer au football, point barre, c’est aussi simple que ça« .
Crédits photo à la Une: Mirasol