Progressivement introduite depuis 2016 dans le monde du football, l’assistance vidéo à l’arbitrage aussi appelée VAR a entrainé de grandes évolutions sous prétexte d’une meilleure justice. Le résultat de cette introduction a finalement été une plus grande confusion et un plus grand sentiment d’incompréhension des décisions arbitrales chez les spectateurs et les téléspectateurs. Contrairement à la Goal Line technology, la VAR n’a profité à personne ou presque. Dossier.
Une assistance vidéo devenue un arbitrage vidéo
Loué par beaucoup pour sa mentalité mais également pour son système d’assistance vidéo, le Rugby a servi d’exemple à la FIFA lorsqu’il a été décidé d’accepter l’arrivée de l’assistance vidéo dans le monde du football en 2016. Si les règles semblaient claires lors de sa mise en œuvre de la vidéo avec seulement 4 cas concernés – un but (validé ou non), un penalty (sifflé ou non), un carton rouge direct (infligé ou non), pour vérifier l’identité d’un joueur sanctionné -, sa mise en œuvre s’est avérée complexe, incompréhensible et donc de nature à faire naître un sentiment d’injustice encore plus grand chez les acteurs ou les téléspectateurs. Soit l’effet inverse de ce pour quoi elle a été créée. En effet, malgré l’instauration de la vidéo en 2016, il n’y a pas un week-end sans son lot de polémiques liées à la VAR. Que ce soit pour un pénalty oublié ou sifflé pour une faute peu flagrante, un but refusé pour une faute ayant eu lieu 1 minute avant un but ou accepté dans les mêmes conditions, il est impossible de comprendre la logique arbitrale et les conditions d’application de l’assistance vidéo. Consciente de cet échec, la FIFA a récemment appelé au renversement des décisions arbitrales uniquement pour des « erreurs claires et évidentes« .
Ainsi, de nombreux acteurs du monde du football ont critiqué ce système. Si certains défenseurs de l’assistance vidéo comme Jurgen Klopp ou Rudi Garcia ont appelé à une meilleure mise en œuvre de la VAR, d’autres comme Bertrand Blaquart ou José Mourinho ont dénoncé cet outil technologique. En effet, après une défaite de Tottenham contre Southampton, Mourinho déclarait que « les arbitres ne sont plus arbitres. L’Assistance vidéo à l’arbitrage, ça ne convient plus. C’est plutôt l’arbitrage vidéo. C’est étrange car les arbitres sur le terrain ne sont plus les arbitres du match. Ce sont ceux qui sont dans le camion, les assistants, qui prennent les décisions ».
A qui profite le crime ?
Aujourd’hui, les seuls gagnants de ce système semblent être les arbitres. En effet, grâce à cet outil, chaque match nécessite la présence de 7 arbitres (4 arbitres sur le terrain et 3 en charge de la vidéo à l’extérieur du stade). Cette multiplication des arbitres a également entraîné une confusion sur l’origine des décisions, l’arbitre principal ne semble être qu’un pantin aux mains des arbitres vidéos. Ce constat s’étend aux arbitres de touche qui laissent de manière absurde se dérouler des actions pendant de nombreuses secondes avant de lever leur drapeau pour des hors-jeux pourtant évidents. En plus de cette déresponsabilisation des arbitres, l’absence d’une communication claire sur les décisions prises génèrent un sentiment d’injustice pour les supporters et les joueurs. Aussi, les acteurs du football sont très différents des acteurs du rugby; cet élément important a été totalement oublié par les décideurs. Si beaucoup ont argumenté en faveur de la VAR en appuyant sur le fait que celle-ci ferait disparaître ou au moins diminuerait les contestations, l’introduction de la vidéo a en réalité juste poussé les joueurs, Marco Verratti en tête, à se ruer vers l’arbitre en dessinant des rectangles imaginaires avec leurs doigts afin de symboliser la VAR en espérant que l’arbitre fasse appel à l’assistance vidéo.
L’apogée du ridicule a été atteint lors du match Brest-Rennes de septembre 2019 lorsque les joueurs brestois ont refusé de reprendre le jeu poussant l’arbitre à invalider le but rennais après plusieurs minutes de jeu. Si de nombreux défendeurs de la VAR ont insisté sur le fait que les difficultés liées à la VAR étaient le fait des hommes et non pas de l’outil, ils oublient qu’il est presque impossible de changer les hommes. Toutefois, il est difficile pour les décideurs d’admettre que cet outil n’est pas adapté au football. On peut également ajouter que le football est un spectacle qui nécessite beaucoup de rythmes contrairement au rugby où les temps morts sont naturellement nombreux. On peut dès lors légitimement estimer que les interruptions liées à la VAR nuit à la qualité du spectacle proposé.
L’opposé de la Goal Line technology
Si les éléments distinguant football professionnel et amateur sont légion, les matchs de district du dimanche matin ont longtemps été régis par des règles identiques à l’affiche du dimanche soir sur Canal Plus. Ce rare point commun a connu sa première fissure avec l’apparition de la Goal Line technology. L’introduction progressive de la technologie de pointe dans le football professionnel a commencé en 2012 avec l’instauration de la Goal Line technology qui permet de vérifier si le ballon a franchi la ligne de but ou non. Contrairement à la VAR, cet outil, qui est venu répondre à plusieurs polémiques intervenues lors de la Coupe du monde 2010 et de l’Euro en 2016, a rapidement fait l’unanimité malgré quelques difficultés de mise en œuvre. Aujourd’hui, cet outil est accepté par tous en raison de sa simplicité mais surtout de son incontestabilité et de sa discrétion.
Or ce sont justement l’incontestabilité et la discrétion qui font défaut à la VAR. Si la partialité de la VAR en raison de ses règles floues et de la part trop importante de l’interprétation humaine a été déjà très largement évoquée, sa trop grande visibilité pour les spectateurs et les acteurs en a fait la cible de critiques. En effet, il n’y a pas un match sans intervention de la VAR, chaque intervention entraînant une interruption du jeu; toute l’attention des spectateurs et des acteurs est alors axée sur cet instrument imparfait. Et, forcément, à force d’attirer l’attention, les défauts de la VAR sont devenus si visibles qu’ils sont désormais l’objet de toutes les critiques. En effet, les spectateurs au stade ou derrière leurs écrans ne veulent pas voir l’arbitre tenir son oreillette ou regarder plusieurs ralentis sur son petit écran; ce que veulent les spectateurs, c’est du football.
L’assistance vidéo, instrument au détriment du football
Nul n’a oublié l’épisode de la « main de dieu » qui a permis à Diego Maradona d’inscrire le but qualificatif de l’Argentine en quart de finale de la Coupe du monde 1986 contre l’Angleterre. Ce geste entré dans la légende ne pourrait pas avoir lieu aujourd’hui. On peut également cité l’atroce agression dont avait été victime Patrick Battiston contre l’Allemagne en demi-finale 1982, ou encore la main de Thierry Henry en 2009 face à l’Irlande en barrage retour des qualifications du Mondial-2010. Ces évènements aujourd’hui entrés dans l’histoire ne se produiront donc plus. « Très bien » se diront certains en justifiant une farouche idée de la justice. Cependant, ces mêmes personnes oublient que le football est un spectacle. Si nous aimons voir notre équipe gagner, nous aimons surtout le football pour les émotions qu’il procure. Ce que nous voulons vivre au stade ou derrière notre écran, ce sont des émotions. L’injustice est une de ces émotions, c’est même ce sentiment d’injustice qu’il soit justifié ou non qui marque le plus les supporters. On peut citer l’expulsion de Zinédine Zidane lors de la Coupe du monde 2006 ou encore le but refusé à Ocampos en 2015 lors de Marseille-Lyon.
Désormais, les arbitres et la VAR sont désormais les vedettes d’un match à travers un hors-jeu sifflé pour un doigt de pied qui dépasse ou une main peu évidente et contestable, comme lors de la finale de Coupe du monde 2018 entre la France et la Croatie. De nos jours, le spectateur ou le téléspectateur ne vit plus le football comme par le passé; toutes ses émotions sont estompées, contrôlées, limitées et conditionnées par une possible intervention arbitrale a posteriori. Peut-on s’imaginer retenir nos émotions à la vue d’une scène d’un film en se disant que celle-ci pourrait-être rejouée ? Peut-être serait-il temps pour les instances de se rappeler que le football est un spectacle et que les émotions vécues dans un stade ne devraient pas se limiter ou se préparer comme les rires d’une mauvaise sitcom américaine.
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