Beaucoup étaient sceptiques au moment de l’annonce de l’arrivée de Thomas Tuchel sur le banc du PSG cet été. Mais depuis, le bilan comptable du technicien allemand aurait de quoi en faire pâlir beaucoup en Europe. Plus que des résultats, l’ancien coach de Dortmund a aussi apporté une rupture nette avec les méthodes de son prédécesseur Unai Emery, en montrant une importante force de caractère au sein du vestiaire. Analyse.
Certains commentaires ne trompent pas. Dimanche dernier, le PSG menait 1-2 sur la pelouse de Bordeaux et, alors que les Girondins poussaient pour égaliser, Stéphane Guy, commentateur des matchs du dimanche soir sur Canal +, s’est fendu d’une remarque qui en dit long sur la suprématie du PSG en Ligue 1 : « ce qui est incroyable avec ce PSG, c’est que nous sommes là à attendre que leurs adversaires égalisent ». Ce sera chose faite puisque Bordeaux arrachera le nul en fin de partie (2-2). Il aura donc fallu attendre 15 journées pour voir le PSG enfin partager les points en Championnat, ce qui sera de nouveau le cas trois jours plus tard sur la pelouse de Strasbourg (1-1). Mais combien de temps faudra-t-il attendre afin de voir la bande à Tuchel perdre ?
Alors que le PSG souffrait énormément lors de son début de campagne de Ligue des Champions (défaite à Liverpool et nul arraché dans la douleur face à Naples au Parc), il s’est remis la tête à l’endroit, si bien qu’il est désormais en position de force pour se qualifier pour les huitièmes de finale de la Ligue des Champions avant son ultime déplacement à Belgrade mercredi. Arrivé cet été sur le banc du PSG, l’allemand Thomas Tuchel commence à faire ses preuves. L’ancien technicien de Dortmund semble enfin avoir trouvé la formule lui permettant de transposer les performances nationales exemplaires de son équipe sur la scène européenne. L’allemand n’est pas avare en surprises et en choix forts et sait composer avec un vestiaire constitué de nombreux egos. Zoom sur les méthodes de management d’un entraîneur qui a déjà révolutionné le PSG.
Une gestion forte des egos
Dès cet été Thomas Tuchel avait montré sa force de caractère en s’entretenant rapidement après son arrivée avec Neymar pour fixer les bases d’une relation qui n’avait rien de gagnée d’avance. Pourtant, depuis l’arrivée de l’allemand, la star brésilienne du PSG semble davantage s’impliquer pour le club de la capitale, notamment quant à son rôle sur le terrain, alors que l’ère Emery s’était achevée par une convalescence … au Brésil pour le joueur acheté 222 millions d’euros et une relation ambigüe entre le joueur et le basque. Il s’agit bien entendu d’une réussite pour le technicien allemand qui ne se laisse pas submerger par l’aura ou l’ego de ses joueurs. En atteste également l’épisode du Clasico face à Marseille, durant lequel Mbappé, arrivé en retard à la causerie d’avant match en compagnie de Rabiot, était resté sur le banc, avant d’entrer et de débloquer la situation sur le terrain (0-2).
Tuchel aime la discipline au sein de son vestiaire où chacun semble avoir sa chance. Moins décisif qu’auparavant, Edison Cavani, malgré son statut de meilleur buteur de l’histoire du PSG (181 buts), alterne les voyages sur le banc et est l’un des attaquants qui a le plus été remplacé en cours de match cette saison, notamment en Ligue des Champions. Thomas Tuchel souhaite donc imposer une forme de leadership qui lui permettrait de dégager le meilleur de chacun de ses joueurs. Une stratégie pour le moment gagnante qui tend à renforcer le crédit du technicien allemand auprès de ses dirigeants, mais également des supporters, parfois surpris par ses choix au début de saison, mais désormais convaincus que le club évolue dans le bon sens.
Une nouvelle discipline tactique
Depuis le début de saison, le technicien allemand n’a cessé d’innover tactiquement. Une chose qui n’est pas aisée pour un club qui n’a quasiment connu que le 4-3-3 depuis l’arrivée de Laurent Blanc sur son banc en 2013. Unai Emery avait lui-même abandonné ses idées de « réforme » peu de temps après son arrivée, rangeant dans les cartons son 4-2-3-1 pour revenir au sacro-saint 4-3-3. Le manque d’équilibre du PSG en début d’exercice, surtout sur la scène européenne (défaite à Liverpool), a pourtant poussé Thomas Tuchel à abandonner ce schéma à trois milieux, pourtant théoriquement jugé beaucoup plus équilibré. Mais dans les faits, le technicien sait qu’il lui manque un véritable numéro 8 depuis le départ en retraite de Thiago Motta et l’échec des négociations pour recruter Ngolo Kanté cet été. Il a néanmoins su trouver la parade en innovant.
Ainsi, le PSG évolue le plus souvent cette saison en 3-4-3. Un schéma qui monte en gamme, malgré le temps d’adaptation préalable, puisque Tuchel a su instiller une once de discipline défensive à ses trois attaquants (Neymar, Mbappé, Di Maria ou Cavani), dont le manque d’intérêt pour les tâches défensives avait coûté cher, notamment face à Naples au Parc (2-2). Autre fait marquant depuis l’arrivée de l’ancien coach de Dortmund : la capacité d’adaptation tactique. Lorsque ses plans ne fonctionnent pas, Tuchel sait aussi faire preuve de lucidité, et il n’est pas rare de voir son équipe s’adapter en cours de match, à l’image du replacement de Rabiot en défense centrale à Strasbourg mercredi en seconde période. Une adaptation qui transparait également en fonction de l’adversaire. Face à Liverpool au Parc, le PSG s’était imposé (2-1) dans un 4-2-3-1 inédit, qui avait vu Marquinhos briller dans un poste de … milieu relayeur et qui portait l’avantage d’associer le Big Four offensif du club de la capitale (Di Maria, Neymar, Mbappé, Cavani). Là encore, le perfectionniste Tuchel avait su instiller un état d’esprit de guerrier à ses attaquants. La preuve : l’intensité mise par Neymar à la perte de balle pour ne pas exposer ses milieux. Ce qui n’est pas une mince affaire.
La surprise Kehrer
L’arrivée du polyvalent défenseur allemand contre 37 millions d’euros en provenance de Schalke 04 avait surpris. Si Emery avait été raillé pour ses goûts sur le marché des transferts (les flops Krychowiak ou Jesé), certains voyaient mal l’intérêt de Tuchel pour un joueur inexpérimenté alors que le PSG devait avant tout se renforcer au milieu avec des joueurs confirmés. Pourtant, le talentueux Thilo Kehrer s’installe non seulement comme un élément de plus en plus indispensable de la défense parisienne mais également de la sélection allemande. Une explosion soudaine qui menace d’ailleurs le statut du champion du monde français Presnel Kimpembe dans l’esprit de Tuchel. Fiable et appliqué, l’allemand est un joueur complet qui peut aussi bien évoluer dans une défense à trois au côté de Thiago Silva, Marquinhos ou Kimpembe, qu’au poste de latéral droit, qui lui a été confié avec succès contre Liverpool (2-1 au Parc). À 22 ans, le natif de Tübingen s’installe comme l’une des meilleures pioches estivales du club de la capitale et pourrait même dans un futur proche s’imposer comme l’un des tauliers de sa défense. Une réussite pour Tuchel.
La carte jeune
Le PSG fait confiance à ses jeunes et accordera de l’importance à la formation de jeunes talents dans le futur. Et ce n’est pas l’arrivée de Thomas Tuchel qui va stopper cette dynamique. Le technicien allemand n’hésite jamais à faire confiance aux jeunes du clubs. Ainsi, il n’est pas rare de voir Nsoki, Diaby ou Nkunku rentrer dans la rotation au sein du club parisien. Sans oublier la présence régulière des très jeunes Dagba ou Rimane dans le groupe. Mais surtout au PSG, certains cadres ont aussi réalisé leurs classes dans le club depuis le plus jeunes à l’image de Rabiot, Kimpembe ou Areola. Le PSG se sait limité dans sa marge de manœuvre sur le marché des transferts par le Fair-Play Financier (FPF) et aimerait aussi gagner en indépendance dans ce domaine en s’appuyant sur un centre de formation qui monte en gamme. Un des défis majeurs dans le développement futur du club de la capitale.
Le bilan
Le titre de champion de France étant promis aux Parisiens, l’avenir de la saison du club de la capitale se jouera donc mercredi à Belgrade. Le PSG n’a pas d’autre choix que de se qualifier pour les huitièmes de finale de la Ligue des Champions s’il veut conserver intact l’intérêt de la suite des opérations. Si Emery avait été battu deux fois en huitièmes de finale, Tuchel ne veut pas faire pire. Probante malgré quelques erreurs à l’allumage en C1, la méthode du coach allemand et son crédit dépendront avant tout de la réussite de son équipe mercredi dans la capitale serbe.
Crédits photo à la Une: C.Gavelle / PSG