Tous les grands championnats européens ainsi que les grandes compétitions nationales et européennes sont désormais suspendus en raison de l’épidémie de coronavirus. Au-delà de cette paralysie sanitaire décrétée pour une durée indéterminée, se pose désormais la question suivante: reverra-t-on les acteurs du monde du ballon rond sur un terrain d’ici la fin de saison ? À mesure que l’épidémie se renforce dans de nombreux pays, la question devient de plus en plus légitime et les doutes s’épaississent. L’occasion pour Au Stade de décrypter la situation.
Championnats nationaux: est-il impossible de boucler les calendriers ?
En France comme en Italie, en Espagne, en Allemagne ou au Royaume-Uni la situation est la même. Les 5 grands championnats européens sont au chômage technique pour une durée indéterminée. Alors que les Ligues nationales respectives avaient un temps envisagé d’avancer dans le calendrier à huis-clos, le coronavirus n’a finalement pas épargné le monde du football. L’équipe de la Juventus Turin en Italie est confinée depuis la contamination confirmée de son joueur Daniele Rugani. Toute l’équipe du Real Madrid a également été priée de se confiner depuis la découverte de cas au sein de l’association madrilène et particulièrement au sein son équipe de basket. Le coach d’Arsenal Mikel Arteta a lui été diagnostiqué positif au Royaume-Uni, tout comme le jeune Luca Kilian (20 ans, Paderborn) en Allemagne ou le joueur de Troyes Suk, premier cas avéré dans le monde du foot pro dans l’Hexagone. Dans ces conditions et alors que la menace de contagion à grande échelle pointe le bout de son nez, difficile d’imaginer une reprise sous peu des championnats. À l’instar des écoliers, collégiens, lycéens et étudiants un peu partout en Europe, les footballeurs européens vont devoir prendre leur mal en patience et s’entraîner de manière plus partielle.
Néanmoins, alors que les enjeux sportifs et surtout économiques sont très pesants dans le monde du football d’aujourd’hui (les diffuseurs de ces championnats pourraient demander de très lourds dédommagements et les clubs pourraient voir leurs droits TV rognés de manière importante, ndlr), les Ligues européennes pourraient rapidement être appelées à échafauder des solutions. La plus légitime (mais la plus compliquée à mettre en place) serait de rattraper chaque journée non-disputée. Le report probable de l’Euro (voir par ailleurs) pourrait ouvrir une fenêtre de tir en allongeant le calendrier (l’Euro devait avoir lieu du 12 juin au 12 juillet, ndlr). Mais, alors que l’UEFA songe aussi à finaliser ses Coupes d’Europe en profitant de cette rallonge, il semble très difficile voire même utopique de pouvoir reprogrammer une dizaine de journée de championnats en quelques semaines uniquement. D’autant plus que l’évolution de l’épidémie, dont le pic pourrait être atteint au cours du mois d’avril, reste incertaine et pourrait donc continuer à toucher activement le monde du foot pro jusqu’au moi de mai.
Dans ce sens, les Ligues ne disposent que de peu de marges de manoeuvre. En décidant de reprendre le cours des championnats, elles devront avoir l’assurance de pouvoir vraiment les mener à leur terme. Une assurance très fragile et incertaine. Ainsi, d’autres solutions à dispositions des Ligues font de plus en plus parler d’elles, en France notamment. Les Ligues pourraient bien sûr annuler la saison en cours. Une hypothèse bien loin d’être évidente, chaque Ligue devant fournir des qualifiés pour les prochaines Coupes d’Europe. Deux autres solutions de la même veine pourraient alors s’offrir aux décideurs. Ces derniers pourraient ainsi figer les classements à l’instant T et donc siffler le coup de sifflet final de la saison en avance, ou bien, comme Jean-Michel Aulas, le président de Lyon, l’a laissé entendre, décréter cet exercice 2019-2020 comme saison blanche et repartir sur les bases de la saison précédente pour démarrer un nouvel exercice (positions figées, pas de relégation, qualifiés pour les Coupes d’Europe décidés en fonction du classement final de la saison 2018-2019). Des solutions dont l’équité sportive reste discutable, la première figeant net des positions qui auraient encore pu évoluer et la seconde faisant fi des logiques sportives de la saison en cours (Liverpool ne serait ainsi pas sacré champion d’Angleterre et Marseille ne serait qualifié pour aucune Coupe d’Europe au bénéfice de … Lyon qui serait qualifié pour la C1 malgré son retard de points à deux chiffres actuellement sur le podium).
L’Euro 2020 devrait devenir l’Euro 2021
L’UEFA devrait l’annoncer ce mardi mais l’information a déjà fait le tour du Vieux continent: l’Euro 2020, qui devait se jouer dans 12 villes européennes différentes, devrait être reporté d’un an par l’instance européenne de football. Cette dernière souhaite limiter tout casse-tête d’organisation et de sécurité sanitaire alors que l’évolution de l’épidémie de coronavirus d’ici au 12 juin (début de la compétition programmée) reste incertaine. Jouer un Euro devant des tribunes vides à huis-clos serait par exemple une catastrophe pour l’image du football et surtout financière. L’Euro 2020 devrait ainsi devenir l’Euro 2021. Une décision d’autant plus réfléchie que les joueurs sélectionnés – qui évoluent pour la grande majorité dans les cinq grands championnats européens – pourraient ne pas avoir tâté le cuir de manière officielle depuis le début du mois de mars. L’UEFA devra encore négocier avec la FIFA, qui souhaitait mettre en place une toute nouvelle Coupe du monde des clubs à l’été 2021. Mais il semble entendu que l’Euro ne sera ni joué cet été ni même annulé. En attendant d’avoir de plus amples informations mardi, il semble bien que l’UEFA veuille également prendre cette décision afin de se libérer des dates d’une compétition qui l’aurait empêché de mener les Coupes d’Europe (Ligue des Champions et Ligue Europe) à leur terme.
Coupes d’Europe: l’UEFA va devoir se creuser les méninges
Leipzig, l’Atalanta Bergame, l’Atlético Madrid et le Paris-Saint-Germain, quatre premières équipes qualifiées pour les quarts de finale de la Ligue des Champions poursuivront-ils leur aventure en C1 ? Le doute prend de plus en plus d’ampleur à mesure que l’évolution de l’épidémie cloître chez elles des grandes formations européennes encore engagées comme la Juventus ou le Real Madrid. Les huitièmes de finale retour de ces deux formations, qui devaient se tenir mardi et mercredi respectivement contre Lyon et Manchester City ont d’ailleurs été reportés. En Ligue Europa, l’UEFA a d’ailleurs dû reporter la semaine dernière les rencontres opposants le FC Séville à l’AS Rome et l’Inter Milan à Getafe. Des rencontres qui ne seront pas rejouées avant plus d’un mois alors même que les 6 autres huitièmes de finale aller ont déjà été disputées. Une situation inédite pour l’UEFA qui peut difficilement se permettre d’annuler la fin de ses compétitions européennes tant les enjeux financiers et sportifs sont importants. Si l’évolution de l’épidémie conditionnera la suite des évènements, l’UEFA dispose d’une arme pour essayer de mener la C1 et la C3 à leur terme: le report de l’Euro 2020. En libérant le mois de juin, l’UEFA se donnerait ainsi le temps de réfléchir à des solutions sportives. Selon certains médias, la principale instance de football européen pourrait décider d’organiser les 4 derniers huitièmes de finale retour et de jouer les quarts et demies-finale en un match unique joué sur terrain neutre ou négocié entre les deux équipes s’opposant. Un autre scénario pourrait voir la constitution d’un Final 8 ou Final 4 (en fonction des délais dont disposerait l’UEFA selon l’évolution de l’épidémie) sur les lieu où étaient censées se disputer cette saison les finale de la C1 (Istanbul) et de la C3 (Gdansk). L’UEFA donnera davantage de précision sur ses intentions mardi.
L’avis de la rédaction
Les fans de ballon rond ne semblent pas près de revoir jouer leurs acteurs favoris d’ici un bon mois en raison des cas avérés ou qui pourraient se déclarer au sein même des clubs. Les Ligues ont déjà pris des décisions fortes en suspendant leur championnat et l’UEFA en a fait de même en interrompant ses deux Coupes d’Europe. Si la volonté de ces instances est avant tout terminer de manière à peu près normale l’exercice en cours, ces dernières doivent aussi se préparer à tous les scénarios (annulation, saison blanche, arrêt des positions) en concertation avec les syndicats de joueurs et les dirigeants de clubs. S’il paraît impossible de déterminer ce de quoi l’avenir sera fait, il semble bien que les principales instances du football mondiales chercheront à éviter le bide de la saison blanche tout en évitant la catastrophe du huis-clos. Le football est avant tout un sport populaire. La nécessité populaire est aujourd’hui d’endiguer une crise sanitaire incertaine et préoccupante. Il est donc normal que le monde du football en fasse les frais. Reste à en déterminer les conséquences.
Crédits photo à la Une: Kieran Lynam