La France est un magnifique pays vanté pour la qualité de ses paysages et sa gastronomie remarquable. Un pays où il fait bon vivre mais qui a la fâcheuse habitude d’être un peu trop centré sur lui-même.
Un pays qui exporte ses émotions et son idée de grandeur mais qui a parfois, souvent, du mal à s’imbiber des émotions des autres. En matière sportive la preuve en a été donnée cette semaine avec l’épouvantable tragédie qui a frappé le club de Chapecoense et plongé l’ensemble du football brésilien et sud-américain dans une obscurité douloureuse. Nous avons la compassion sélective footballistiquement parlant: si un club hexagonal est touché cela fait la Une des journaux, un club européen passe encore, à condition que ce soit la Premier League savamment marketée, voire la Liga car il y a quelques français qui y jouent.
Mais le football sud-américain ? Fichtre c’est loin, peu connu, peu porteur pour nos compatriotes un tantinet conservateurs et ethno centrés, et surtout cela n’intéresse que très peu le microcosme journalistique qui passe son temps à se regarder le nombril quand le monde évolue autour de lui. Pensez donc qu’une telle catastrophe aérienne qui a fait 71 morts, dont la quasi-totalité de l’équipe de Chapecoense allant disputer en Colombie la finale de la Copa Sudamericana, n’a eu droit qu’à un bandeau en bas de la Une de L’Equipe, « la bible du sport français ».
Alors que tous les quotidiens en Espagne ou ailleurs consacraient intégralement leurs Unes à cette tragédie, nous avons eu droit en France à l’Olympique de Marseille et ses questionnements internes…Comment dire ? Pitoyable, honteux, risible ? Quand les impératifs commerciaux vident même l’âme d’un journal qui s’est honoré, par le passé, d’être à l’origine des plus grands évènements sportifs internationaux…
Bien sûr pour ces gens-là, le petit club de Chapecoense ne représente pas grand-chose, tout juste a-t-on compris qu’il s’agit du club formateur de Vitorino Hilton, o Capitão du Montpelier-Hérault. Il y a d’ailleurs une terrible ironie de l’Histoire de voir qu’au moment où tant de vie ont été emportées, dont de jeunes joueurs en devenir, le doyen de la Ligue 1 est issu de ce même club.Épouvantable balancier.
Le ridicule est encore monté d’un cran avec l’étonnante rigidité des arbitres de notre championnat qui n’ont reçu aucune consigne de clémence envers les joueurs sud-américains qui rendraient hommage, à leur manière au club brésilien. Il était évident qu’Edinson Cavani, qui a l’âme chevillée sur sa terre amérindienne, allait rendre un hommage appuyé à Chapecoense en cas de but marqué, dans une célébration aussi digne que douloureuse.
Malheureusement, l’arbitre, qui n’a fait qu’appliquer le règlement, n’avait au préalable reçu aucune instruction allant dans le sens d’une compréhension par nos instances du drame intérieur que vivaient ces joueurs-là. Et je n’ose imaginer la réaction de l’arbitre si Vitorino Hilton avait marqué un but à Toulouse, heureusement pour elle, la LFP s’est épargnée une honte interplanétaire… Il faut espérer maintenant que la commission de discipline annulera le carton jaune donné au buteur parisien ainsi qu’à tout éventuel buteur ce week-end car l’émotion n’est pas retombée.
Quand on voit les hommages bouleversants rendu par l’Atletico Nacional dans le stade même où devait se dérouler la finale ou par le club de Liverpool, on se dit que notre hexagone est vraiment étriqué. Ce n’est malheureusement pas la première fois qu’une telle étroitesse de vue se manifeste.
On se souvient tristement de l’affaire #JusticiaParaTopo avec l’assassinat d’un des plus grands journalistes argentins en plein Mondial Brésilien en 2014, événement qui n’avait fait l’objet que deux 2 lignes dans « nos médias ». Et quand le mouvement de protestation des joueurs sud-américains pour que justice soit faite avait pris une ampleur incroyable, personne ici pour le relayer.
Modestement j’avais alors personnellement pris la plume pour porter à votre connaissance ce scandale couvert alors par les autorités brésiliennes ainsi qu’étouffé par la FIFA. Qu’un obscur bloggeur comme moi soit le seul à vous en parler et à vous expliquer pourquoi Lionel Messi était en pleurs le matin même de la finale du Mondial face à l’Allemagne a quelque chose de choquant. Comme me l’avait dit alors un journaliste chevronné : « En France cette histoire n’intéressera personne, la presse sportive est bien trop égoïste… »
Le même phénomène se répète aujourd’hui et il est regrettable qu’une fois de plus nous passions à côté d’une authentique émotion à partager, qui va bien au-delà du sport. Alors, à l’heure où notre pays a tendance à se crisper et se replier sur lui-même, souhaitons que la presse sportive « éclairée » enlève ses œillères et s’ouvre enfin, dignement, au monde extérieur et aux drames qui s’y jouent.
Crédits photo à la une: chapecoense.com