Les footballeurs professionnels doivent-ils accepter une baisse de salaires afin de permettre à leurs clubs de faire face aux effets néfastes du Covid-19 ? Plus largement, cette question interroge l’exemplarité du joueur de football, notamment en temps de crise. Dossier.
L’exemplarité du footballeur professionnel au prisme de la baisse de salaires
Un élan de solidarité avait déjà été observé la saison dernière chez les clubs de haut de tableau en Allemagne (Bayern Munich, Dortmund, Leipzig, Mönchengladbach, Schalke et le Bayer Leverkusen) ou même en Italie (Juventus) allant d’une baisse des salaires des joueurs et entraîneurs, jusqu’à ne percevoir aucun salaire, et ceci durant plusieurs mois. Lundi soir, un club français de dimension plus modeste a décidé de poursuivre sur la même lancée. Le quotidien L’Union a dévoilé une lettre ouverte, signée par les joueurs de Reims, indiquant qu’ils avaient pris la décision (après discussion avec la direction du club) de réduire significativement leurs salaires jusqu’à la fin de la saison.
Les raisons évoquées par les joueurs sont notamment de permettre à leur club de faire face à la baisse des revenus due en partie aux matchs disputés à huit clos, la crise actuelle des droits TV ainsi que la menace qui plane sur les emplois des salariés du club. Les joueurs se déclarent comme « des privilégiés qui cherchent à agir en hommes responsables, respectueux et solidaires d’un club familial ». Cependant, doit-on s’attendre à ce que cet élan de solidarité observé chez le Stade de Reims se retrouve présent chez tous les clubs professionnels français et dans les différentes ligues européennes ?
Baisse de salaires des joueurs et pression du temps court
Les footballeurs professionnels ne disposent toutefois pas toujours, selon leur club respectif, d’un libre-arbitre sur la question. Ils doivent ainsi prendre une décision, le rapidement possible. C’est notamment le cas du FC Barcelone (l’un des clubs avec l’une des plus grosses masses salariales en Europe) dont la direction a fait part à plusieurs reprises aux joueurs (en avril et novembre 2020) la nécessité de baisser leurs salaires afin de pallier les pertes liées à la billetterie. Après avoir essuyé un refus, un accord avait finalement été trouvé voyant les salaires des joueurs être réduits drastiquement (allant jusqu’à 70%).
Les baisses de salaires des joueurs de Ligue 1
Malgré des dons la saison dernière de certains joueurs de Ligue 1 tels que Kylian Mbappé et Neymar pour diverses fondations (Fondation Abbé Pierre et l’UNICEF respectivement), les joueurs sont toutefois plus réticents à réduire leurs salaires.
Pour l’instant, on ne sait pas ce qui va se passer et la compétition est toujours en cours. On mérite notre salaire tous les jours et on ne nous a encore rien demandé, donc je ne peux pas avoir un avis sur le sujet. »
Keylor Navas, questionné au sujet de la baisse de salaires des joueurs de foot
Pourtant, il y a tout juste un mois au siège de l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), se tenait une réunion entre des représentants de clubs, de joueurs et de la LFP. À la suite de celle-ci, aucune recommandation ou accord collectif n’avait été trouvé. Le syndicat des footballeurs français appelait donc les joueurs à discuter avec leurs clubs respectifs afin de s’accorder sur la réduction de leurs salaires. Malgré les tentatives des instances dirigeantes de sensibiliser à l’urgence d’agir, les footballeurs professionnels ne sont pas pour autant tenus de réduire leurs salaires.
Les alternatives à la baisse de salaire
Peut-on reprocher aux footballeurs professionnels de vouloir percevoir leur salaire dans son intégralité ? Non. Ils pourront néanmoins en faire les frais. En effet, si les joueurs refusent de se « serrer la ceinture », les clubs professionnels se retrouveront dans l’obligation de chercher des alternatives afin de faire face à la crise économique vers laquelle le football se dirige. Le recours au marché des transferts ou même la régulation du nombre de joueurs sous contrat sont envisageables.
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Il est également possible de constater des situations où des clubs sont obligés de limoger des employés à défaut d’une baisse des salaires des footballeurs. C’est notamment le cas au Portugal où le Sporting CP a récemment remercié vingt fonctionnaires afin d’économiser un million d’euros. Sachant que les salaires des footballeurs représentent en moyenne 55% des charges pour les clubs professionnels, il semble indéniable qu’une décision devra être prise par chaque professionnel à l’avenir. Moralement, l’intérêt collectif (accepter une réduction des salaires pour le bien être financier du club) doit primer sur l’intérêt privé et individuel. A défaut, sera de facto renforcée la réputation de « millionnaires égoïstes« .