Hier soir, la Commanderie a été prise d’assaut par une cinquantaine de supporters marseillais, réclamant le départ de Jacques-Henri Eyraud de la présidence du club. D’une rare violence, cet événement met en lumière un point de rupture entre des supporters exaspérés et une direction contestée. Analyse.
La Commanderie à feu et à sang
C’est donc une cinquantaine de supporters qui a pris d’assaut la Commanderie hier après-midi aux alentours de 14h. Le bilan des dégâts est lourd. De nombreuses dégradations sont à déplorer. Des voitures de joueurs ont été endommagées. Des arbres ont été brûlés. Des vols ont été commis. Alvaro Gonzalez a été touché dans le bas du dos par un projectile. Et lorsque l’on voit les images des méfaits, on se rend bien compte combien la violence a chamboulé le centre d’entraînement de la Commanderie. Le club n’a pas tardé à réagir dans un communiqué, en estimant les dégradations à “plusieurs centaines de milliers d’euros”. Une vingtaine de personnes aurait été interpellée et l’OM a d’ailleurs déposé plusieurs plaintes.
Jacques-Henri Eyraud ne s’est pas fait attendre pour prendre la parole, et a employé des mots forts aux micros du Canal Football Club: “J’ai été combattant dans ma vie. On a deux choix: soit baisser les bras (…), soit on n’accepte pas. Alors on va partir au combat (…) Quand on est l’OM, on ne peut pas accepter ça.“ Ce dernier ajoutait dans un communiqué que “ce qui s’est passé cet après-midi appelle la plus grande sévérité pour ces fauteurs de trouble qui se prétendent supporters mais détruisent des installations et menacent les salariés et les joueurs ».
Comment expliquer ces violences ?
Depuis la reprise du championnat, l’OM va mal et enregistre un bilan de 4 défaites pour un match nul et une victoire. Dans le vestiaire, l’ambiance est morose et fortement plombée par les tensions qui règnent entre Dimitri Payet et Florian Thauvin. En plus de cela, le coach André Villas-Boas a d’ores et déjà annoncé qu’il quitterait le club à l’issue de la saison. Ambiance. Néanmoins, ces contre-performances ne sont pas les causes principales des événements intervenus hier soir. L’assaut de la Commanderie était dirigé contre un homme: le président Jacques-Henri Eyraud.
🇫🇷 FLASH – Des centaines de supporters de l’OM ont tenté d’accéder au centre d’entraînement du club à la #Commanderie. À quelques heures du match OM-Rennes, ils exigent le départ des dirigeants du club, notamment de Jacques-Henri #Eyraud. (La Provence) pic.twitter.com/aKhm958cCa
— Mediavenir (@Mediavenir) January 30, 2021
Depuis un certain temps déjà, l’homme à la tête du club est en proie à de vives contestations de la part d’un grand nombre de supporters, ne voyant en lui qu’un homme d’affaires, ne cherchant qu’à générer du profit. Néanmoins, tout s’est accéléré en décembre dernier, lorsque Eyraud déclarait lors d’une conférence privée avec des investisseurs les propos suivants:
Quand je suis arrivé à l’OM, j’ai été frappé de voir que 99 % des collaborateurs du club étaient Marseillais. Je pense que c’est un danger et c’est un risque. J’étais là depuis quelques mois et on a eu une série de deux défaites consécutives et j’ai vu dans l’entreprise à quel point les mines, les visages se refermaient, les dépressions étaient proches. En termes de productivité, l’impact d’une défaite sur les attitudes et les comportements des collaborateurs au quotidien était fort et ça, ça ne va pas.”
Jacques-Henri Eyraud
Beaucoup de supporters marseillais se sont sentis trahis par ces propos, et ont vu dans cette déclaration un mépris de leur président à l’encontre de la passion qui alimente ce club.
Avec le Covid-19, le stade n’est plus un lieu de contestation
Depuis ces déclaration, des banderoles aux messages cinglants à l’encontre du président Eyraud fleurissent dans la cité phocéenne. Dans un monde pas si lointain, sans Covid-19, les fans avaient un stade à leur disposition pour faire entendre leur voix aux joueurs, membres du staff et de la direction. Cependant, aujourd’hui, avec le Covid-19, les supporters doivent redoubler d’imagination pour se faire entendre. Est-ce que cet argument justifie pour autant les scènes surréalistes d’hier soir à la Commanderie ? Certainement pas. Mais plutôt que de condamner bêtement ces agissements, il s’agirait de réfléchir à comment la situation a pu prendre une telle tournure.
Et si l’assaut de la Commanderie ne renforçait-elle pas Eyraud dans ses fonctions ?
D’un certain point de vue, ces événements peuvent être analysés comme une victoire d’Eyraud sur ses détracteurs. Une telle action revêtant un retentissement gigantesque dans la sphère footballistique française, les médias traitent davantage des violences factuelles que des causes et des effets qui ont conduit à un si triste spectacle.
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Quoi qu’il en soit, Eyraud semble désormais être placé dans une position de force, faisant passer l’ensemble du clan qui lui est opposé pour une accumulation d’individus bestiaux et enragés, et ce, à cause d’une petite poignée d’excités. Il est certain que le message que voulaient faire passer les supporters marseillais s’est avéré être un désastre sur la forme. Car, finalement, les projecteurs ne sont pas braqués sur leurs revendications, mais sur le caractère dramatique des dégradations matérielles et humaines commises à la Commanderie. L’adage veut que la voie de la violence n’est jamais la bonne. Et cette dernière n’est pas défendable. Néanmoins, elle contribue aujourd’hui à renforcer Eyraud à la tête du club et demeure révélatrice d’un malaise qui gangrène l’OM depuis un long moment: une perte de confiance totale des supporters en leurs dirigeants.