C’est une triste affaire qui a fait grand bruit au début du mois. Denis Bouanga, l’attaquant de l’AS Saint-Etienne, a reçu une vidéo d’insultes xénophobes de la part de ses propres « supporters » via le réseau social Snapchat. Réalisée dans les locaux des Magic Fans, l’un des groupes de supporters de l’ASSE, cette vidéo pose des questions sur la responsabilité des groupes « ultras » quant aux agissements de leurs membres. Dossier.
Le mouvement ultra, un phénomène social théoriquement apolitique
Lorsque l’on s’attarde sur la définition du mouvement ultra, il n’y a guère de définition précise proposée. Cependant, quelques termes reviennent souvent permettant de définir ce mouvement comme une catégorie particulière de supporteurs assistant aux compétitions sportives, dont le but est de soutenir de manière fanatique son équipe de prédilection. Concrètement, les ultras sont des supporters passionnés qui vont suivre leur club préféré aux quatre coins de la France ou de l’Europe. L’amour porté à leur club est indéfectible et l’une de leurs missions est de soutenir leur équipe indépendamment des résultats. Les ultras se distinguent notamment par leurs chants et leurs tifos qui font du football un sport vraiment à part. Le mouvement ultra est ainsi un mouvement par définition apolitique et non-discriminant.
Pourtant, il est impossible de nier que certains ultras ont pu commencer à se regrouper en fonction de leurs affinités politiques comme cela a été le cas à Paris avec les tribunes Boulogne et Auteuil, toutes deux opposées. Comme toute passion, les excès sont légion. L’impardonnable a été commis en 2010 avec le lynchage et la mort de Yann Lorence au Parc des Princes par des supporters de la même équipe, mais aux convictions politiques différentes. Aujourd’hui encore, les ultras sont régulièrement pointés du doigt et la vidéo xénophobe envoyée à Denis Bouanga ternit encore un peu plus l’image du mouvement. Pourtant, il est difficile de tenir les groupes responsables des agissements de quelques individus.
Un contrôle social devenu mission impossible, mais des sanctions sont possibles
C’est un fait: on ne peut pas demander aux groupes ultras d’interroger leurs membres sur leurs convictions personnelles. En plus d’être illégal, cela ferait tâche pour un mouvement qui se considère apolitique comme l’ont rappelé les Magic Fans dans leur communiqué. Comme il est presque impossible de prévenir, la meilleure solution reste de punir et de condamner ces propos. On l’a vu avec les Magic Fans qui ont immédiatement reconnu la responsabilité de leurs membres, les ont exclus et se sont rendus au centre d’entraînement pour présenter leurs excuses aux joueurs et au staff.
On peut rajouter la banderole de l’autre groupe d’ultras des Verts sur laquelle était écrit: « Nous sommes noirs, nous sommes blancs, nous sommes jaunes, ensemble nous sommes l’ASSE. ». Pareil pour les supporters parisiens qui avaient apporté leur soutien à Pierre Webo après le match Istanbul Başakşehir-PSG d’octobre 2020 avec deux messages clairs: « Paris uni contre le racisme » et « Soutien à M. Webo. Fiers des joueurs. Againt racism. » Ces réactions sont un excellent exemple de l’état d’esprit de la majorité des ultras et il est dommage que certains tentent de réduire leurs membres à des individus violents et xénophobes.
Les réseaux sociaux, un relatif anonymat à l’origine de nombreuses dérives
Les réseaux sociaux sont aujourd’hui l’objet de nombreuses critiques et sont pointés du doigt pour leur passivité en matière de lutte contre la xénophobie. Christophe Galtier, l’entraîneur du LOSC qui n’a hésité à révéler son opinion à ce sujet: « Je crois que c’est la plus grosse connerie qu’on ait pu inventer. Ça rend les gens cons car ils pensent qu’avec leur tweet, ils arrivent à influencer l’opinion. Je trouve que ça rend l’homme con. Je n’en parle même pas à mes joueurs car c’est une cause perdue… » Il est difficile de lui donner tort, d’autant plus au regard de l’anonymat régnant sur les réseaux sociaux, permettant l’émergence de déferlements de haine sur la toile.
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Le cas de Denis Bouanga en est l’exemple. En effet, le réseau social sur lequel a été envoyé la vidéo fait disparaître définitivement les vidéos après leur lecture. Sans l’excellent réflexe du joueur, d’enregistrer la vidéo, il aurait été très difficile d’identifier les responsables et d’intenter une action en justice, faute de preuves. Le problème des réseaux sociaux ne concerne d’ailleurs pas seulement la France ni seulement les groupes ultras, mais bien toute l’Europe. De nombreux clubs en Angleterre n’hésitent pas à dénoncer les propos xénophobes dont sont victimes les joueurs et de nombreuses poursuites ont été engagées contre les auteurs de ces propos.
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Toutefois, il est difficile de poursuivre toutes les personnes responsables de ce type de propos. Ceux-ci peuvent être situés dans un pays tiers et il est compliqué pour des systèmes judiciaires déjà débordés d’absorber ces affaires en plus. Quelques joueurs et quelques clubs à l’image de Thierry Henry et des Glasgow Rangers ont décidé de suspendre temporairement leurs activités sur les réseaux sociaux. Il est difficile de dire si cette solution est la bonne. Néanmoins, le retrait des réseaux sociaux permet de protéger les joueurs. Pendant ce temps, les mouvements ultras restent sans défense face à un problème qui les dépenses.