Au terme d’une course spectaculaire et surprenante, l’Italien Alberto Bettiol (EF-Education First) a ouvert son compteur-titre de la plus belle des manières. Une victoire acquise au nez et à la barbe des gros poissons du peloton.
Alberto Bettiol a donc repris soudainement le fil de sa carrière. Souvent présenté comme un talent en devenir, le Toscan (25 ans) a beaucoup perdu du temps avant donc d’éclore brutalement sur le Tour des Flandres, alors que pas mal de monde avait encore du mal à y croire sur la ligne d’arrivée. Une montée en régime marquée par un début de saison 2019 prodigieux et matérialisé par cette attaque pleine de culot dans le Poggio sur Milan-San Remo, malgré le contre de Julian Alaphillippe et une 36e place au final. La fortune de l’Italien a donc tourné dans un sens plus que favorable hier.
Une attaque audacieuse
En lançant une attaque franche à 18 kilomètres de l’arrivée dans l’ascension du Vieux-Quaremont, Bettiol aurait pu repenser à toutes ces mésaventures qui lui ont barré la route des projecteurs et presque fait perdre les pédales. À toutes ces ébauches de bonnes performances qui ont quasiment systématiquement été éclipsées par des blessures ou d’autres mésaventures comme les problèmes financiers du Team Cannondale-Drapac en 2016, qui lui ont fait perdre le fil d’une saison qui commençait enfin à avoir l’allure de ce que l’on attend d’un coureur présenté comme un grand espoir (3e place sur le Tour de Pologne). Dans les Flandres hier, le natif de Poggibonsi a donc enfin pu savourer une victoire. Un bonheur à retardement plus que bienvenu pour l’Italien, qui aura maintenant à cœur de confirmer une fois les projecteurs braqués sur lui. Car hier, son anonymat relatif a aussi pu jouer en sa faveur. Peu de monde parvenait à s’expliquer le mutisme du groupe des poursuivants qui n’a pas vraiment cherché à se lancer à la poursuite de Bettiol et qui aura fini la course à une quinzaine de seconde de ce dernier.
Des sprinteurs frustrés et des premières remarquées
Dans un groupe de poursuivants composé de grands noms du peloton tels que Kristoff, Naesen, Van Avermaet ou Sagan pour ne citer qu’eux, personne n’a pris la responsabilité de contrer Alberto Bettiol. Comme si personne ne voulait donner l’opportunité à l’autre de pouvoir s’imposer dans une hypothétique arrivée au sprint. Un jeu d’auto-anéantissement qui aura donc fait le bonheur de l’Italien, soulagé d’être seul à encore 200 mètres de l’arrivée, moment choisi pour regarder derrière et évaluer ses chances d’aller au bout. Mais un jeu qui aura surtout confirmé les limites actuelles de coureurs tels que Van Avermaet et plus particulièrement Peter Sagan. Le fantasque slovaque semble avoir perdu la flamme et réalise un début de saison plus que décevant.
Nous retiendrons enfin les performances remarquées de jeunes « bizuths » de cette course mythique. Si certains comme Michael Matthews (28 ans) ou le champion du monde Alejandro Valverde (39 ans) ne sont plus à présenter, ces derniers se sont donc décidés à découvrir cette course unique en son genre avec des résultats probants (l’Australien a terminé à la 6e place et le vétéran espagnol 8e). Néanmoins, nous donnerons une mention spéciale à deux minots du peloton qui ont réalisé une première sans complexe sur le Ronde. Kasper Asgreen était peut-être le moins attendu des coureurs du Team Deceuninck-Quick Step, pourtant le Danois de 21 ans s’est lancé seul dans les cinq derniers kilomètres à la poursuite de Bettiol pour finalement s’emparer de la seconde place, trois petites secondes devant le groupe plus compact des sprinteurs. Si Alexander Kristoff a complété le podium, la palme reviendra au jeune néerlandais Mathieu van der Poel. Le vainqueur d’A Travers les Flandres a encore réalisé une course héroïque. Victime d’une chute à 59 kilomètres de l’arrivée, van der Poel s’est lancé dans une poursuite folle pendant 30 kilomètres avant de logiquement manquer de lucidité et de fraîcheur pour disputer la victoire à Alberto Bettiol, que le Néerlandais n’a « pas vu partir ». Néanmoins, sa quatrième place atteste de ses vertus de combattant et de son coffre incroyable que son statut de champion du monde de cyclo-cross explique en partie.
Crédits photo à la Une: Mathilde l’Azou