La deuxième semaine du Tour de France 2018 a vu la Sky régner tranquillement et avec puissance sur les Alpes où les concurrents de l’équipe britannique ont assisté avec dépit à la prise de pouvoir de Geraint Thomas avec tout de même la menace d’une guerre fratricide entre le gallois et Chris Froome, deuxième à 1’39’’. Les Pyrénées serviront de juge de paix.
La Sky survole les favoris
Greg Van Avermaet était parvenu à conserver son maillot jaune en se glissant dans l’échappée de la dixième étape. Mais Geraint Thomas, deuxième du général avant l’arrivée à la Rosière, n’a pas laissé un jour de bonheur en plus au belge. Il a même fait mieux en s’imposant et en terrassant ses adversaires. Au terme d’une étape courte de 108 kilomètres, la montée finale vers la Rosière faisait figure de dernier épouvantail. Alejandro Valverde dans le Cormet de Roselend et Tom Dumoulin dans la descente de ce dernier ont tenté de devancer le peloton pour attaquer l’ascension finale avec une cinquantaine de secondes d’avance sur celui-ci. En vain, Valverde ne parvint pas à suivre le rythme soutenu de Dumoulin et craqua, ne faisant même que passer dans le groupe des favoris sans pouvoir le suivre. Après le travail acharné de Kwiatkowski, Geraint Thomas place une attaque à 5,5 kilomètres de l’arrivée, reprend Dumoulin avant de le déposer puis s’en va chercher le dernier rescapé de l’échappée, Mikel Nieve, crucifié à 200 mètres de la ligne. Dumoulin termine deuxième de l’étape devant Froome tandis que le reste des favoris, Nibali et Bardet en tête, ne peuvent que constater les dégâts : la Sky est beaucoup trop supérieure. Nairo Quintana, trop juste, a lâché assez tôt dans la montée, prouvant qu’il n’a pas les jambes cette année et ce, même s’il s’est rassuré dans l’Alpe d’Huez.
Les 21 lacets de l’Alpe justement où Thomas a une nouvelle fois fait la différence. Mais cette fois-ci, la bagarre a été plus âpre. Thomas, Froome, Dumoulin et Bardet ont offert un mano à mano spectaculaire, s’attaquant et se reprenant les uns après les autres dans le final de l’ascension. Au sprint, le gallois a assommé ses concurrents et a levé les bras en jaune. Encore une fois, les favoris n’ont pas laissé les échappés s’imposer. Quintana et Landa ont montré plus de consistance sur cette étape mais la grosse information n’était pas parmi le quatuor de tête ni chez la Movistar. Victime d’une chute à cause de l’appareil photo d’un spectateur, Nibali s’est fracturé une vertèbre, terminant avec courage l’étape non loin de ses concurrents mais abandonnant le soir même, amoindri et dépité par ce fait de course malchanceux. A la sortie des Alpes, la Sky contrôle plus que jamais la course, plaçant ses deux leaders en tête. Mais il n’y aura qu’un seul coureur en jaune sur les Champs et la question demeure encore : Froome prendra-t-il le pouvoir avant ?
Alaphilippe comme rayon de soleil tricolore
On l’attendait, il suffisait de patienter jusqu’à la montagne. Dans cette première étape alpestre qui arrivait au Grand-Bornand, Julian Alaphilippe, qui rêvait d’une victoire sur le Tour, s’est imposé en solitaire, la première victoire française sur cette 105ème Grande Boucle. Après avoir rejoint puis dépassé Rein Taaramäe dans le col de Romme, le français a abordé seul la Colombière, accentuant même son avance sur ses poursuivants. Après une descente rapide et parfaite comme il sait le faire, le vainqueur de la Flèche Wallonne a pu savourer cette victoire au Grand-Bornand tandis que les favoris se maîtrisaient dans le même temps. Il a du même coup pris le maillot de meilleur grimpeur à Warren Barguil, qu’il a su consolider durant toute la semaine.
Hier, pour la première étape pyrénéenne, le peloton abordait le Portet d’Aspet, Menté et le Portillon avant de plonger vers Bagnères-de-Luchon. Julian Alaphilippe, parti dans l’échappée, a signé une magnifique deuxième victoire et a consolidé son avance en tête du classement de meilleur grimpeur. Avec 122 points, il compte 49 points d’avance sur Warren Barguil, se rapprochant du maillot à pois sur les Champs. Après une attaque tranchante d’Adam Yates, qui est passé à côté de son Tour pour l’instant, dans le Portillon, Alaphilippe est sorti du groupe des poursuivants à un kilomètre du sommet, dépassant le britannique dans la descente, ce dernier chutant au pire des moments. Il a eu le temps, en solitaire, de célébrer ce deuxième bouquet, faisant de lui LE français de ce Tour 2018 pour l’instant.
Il pourra longtemps regretter l’étape de Mende où il termine deuxième, partant à contretemps à la poursuite d’Omar Fraile dans la montée de la côte de la Croix-Neuve. Ce retard lui coûte un troisième bouquet en une semaine, l’espagnol rattrapant et déposant Jasper Stuyven, auteur d’un solide raid en solitaire mais insuffisant pour lever les bras, et résistant à Alaphilippe à qui il manquait 200 mètres. Dans le peloton des favoris, Roglic se montre le plus fort et reprend du temps à tous ses concurrents, protégeant sa quatrième place tout en menaçant Tom Dumoulin. Romain Bardet, lui, perd une vingtaine de secondes, tandis que les deux Sky Thomas et Froome ne tremblent pas. L’équipe Astana récidive le lendemain, à Carcassonne, toujours en baroudeuse. Après Fraile, c’est Magnus Cort Nielsen qui lève les bras. Pourtant, longtemps, l’échappée a été disloquée par des attaques, celle de Lilian Calmejane en première à 125 kilomètres de la ligne, peut-être pas le bon choix pour le français qui manqua de jus à la fin. Rafal Majka sera le dernier à tenter sa chance dans le Pic de Nore mais sera rejoint par un petit groupe composé de deux Bahrain-Merida, deux Astana, deux Trek et Calmejane. A ce petit jeu, c’est Astana qui s’en sort le mieux. Sur une attaque d’Izagirre à six kilomètres de l’arrivée, Nielsen saute dans sa roue accompagné par Mollema. Bien plus rapide au sprint, il s’impose pour la première fois à Carcassonne sur les routes du Tour de France, offrant à Astana un week-end de rêve avec deux victoires en deux jours.
Sagan assuré du vert s’il rejoint les Champs
Avec une troisième victoire à Valence au terme d’un sprint où il a avalé Démare et maîtrisé Kristoff, Peter Sagan pouvait savourer un Tour déjà réussi. Mais après l’affront de l’année dernière, le slovaque veut rallier Paris et endosser un sixième maillot vert sur les Champs. Pour cela, la solution est simple, il doit rejoindre la capitale sain et sauf. Plus personne ne peut rejoindre le coureur de la Bora, solide leader du classement par points et qui s’est même permis le luxe de se glisser dans des échappées pour prendre les points du sprint intermédiaire et de prendre la quatrième place à Mende. Il faut dire que les sprinters ont connu une véritable hécatombe dans les Alpes où les étapes courtes assuraient de courts délais. Kittel, Cavendish et Renshaw ont par exemple raté le bon wagon à la Rosière tandis que le lendemain, beaucoup ont préféré mettre le pied à terre avant. Gaviria et Groenewegen, vainqueurs de deux étapes chacun, et Greipel ont arrêté en cours d’étape. Rein Taaramäe, lui, malgré ses qualités en montagne, a vécu un jour sans et a fini hors-délais. Les Pyrénées devraient mettre à mal les plus démunis également, l’étape d’aujourd’hui entre Bagnères-de-Luchon et Saint-Lary-Soulan ne faisant que 65 kilomètres mais avec trois ascensions. Arnaud Démare, en grande difficulté hier, devra faire attention.
Crédits photo à la une: Mathilde L’Azou