Est-ce que le Tour de France est déjà terminé, alors que la montagne a seulement montré le bout de son nez ? Froome a-t-il un adversaire à sa hauteur capable d’enflammer la course au point de le faire craquer ? Qu’attendre des Alpes pour la troisième semaine si ce n’est une course pour les deuxième et troisième places ? Tentatives de réponses alors que la deuxième semaine touche à sa fin.
Il était annoncé que nous en saurions plus quant au dénouement de cette édition après l’enchaînement Mont Ventoux contre-la-montre ardéchois. Il est vrai que ces deux jours se sont montrés particulièrement riches en enseignements et que s’il y a encore beaucoup de candidats au podium, la victoire finale sera difficile à contester. Les Pyrénées nous avaient pourtant donné des prémices de réponse mais la plupart des observateurs refusaient d’y croire, comme pour se persuader que le Tour allait être disputé jusqu’à la veille de l’arrivée à Paris.
Froome à l’attaque partout
Si « Froomey » nous avait habitué à une stratégie de course bien huilée, sans grain de folie et avec une mécanique Sky réglée au millimètre, il a cette année montré un panache auquel on se s’attendait plus. Dans la classique étape Pau-Luchon, le Britannique a attaqué sur le sommet de Peyresourde pour plonger vers l’arrivée, tandis que ses adversaires l’ont regardé faire, plus préoccupés à se ravitailler et se regarder qu’à prendre en chasse le vainqueur sortant. Un coup d’éclat qui faisait dire à certains qu’il agissait de la sorte parce qu’il se sentait moins serein. Mais on avait encore rien vu. Si la montée vers Arcalis a accouché d’un souris, où seul Dan Martin a essayé d’attaquer le maillot jaune, l’étape arrivant à Montpellier a forcément convaincu tous les fans de vélo. Alors que des bordures ont animé les cent derniers kilomètres, tous les favoris et les sprinteurs sont tout de même présents dans le premier peloton. Sur une impulsion de Bodnar, son leader Sagan prend immédiatement sa roue suivi quelques secondes plus tard par le maillot jaune de Froome en personne et Geraint Thomas. Ces quatre formidables rouleurs vont alors prendre plus de vingt secondes d’avance, le temps que les équipes de sprinteurs arrivent à s’organiser. Mais il est trop tard et le champion du monde s’imposera devant le leader de la Sky. Une formidable offensive et une science de la course hors norme.
Le Ventoux et ses mystères
Parler de course hors norme est de fait dès lors que l’on gravit les pentes du Mont Ventoux. Bien des coureurs y ont laissé plus que des plumes et ce qu’il sait passé ce 14 juillet est tout bonnement incroyable. Le leader du Tour courait dans le dernier kilomètre menant au Chalet Reynard. Oui, il courait. L’arrivée ayant du être avancée en raison d’un vent trop important au sommet, une foule record s’est entassée dans les derniers hectomètres. La moto qui précédait Froome, Porte et Mollema a dû freiner brusquement et les trois coureurs se sont retrouvés à terre. Le Hollandais repart et l’Australien doit s’arrêter pour remettre sa chaîne. Le Britannique lui ne peut reprendre son vélo, écrasé par une moto suiveuse. Il va alors, sans trop réfléchir, se mettre à courir sans son vélo, tel un marathonien ! Son surnom de Kenyan Blanc n’aurait jamais semblé aussi bien lui coller à la peau. Arrivé près de deux minutes après ses adversaires, il est cependant repêché par le jury des commissaires. Une décision qui n’a pas fini de faire parler. Ceci restera à coup sûr comme l’image du Tour 2016.

Peter Sagan lors de sa victoire sur le Tour 2016. (Photo: Getty Images/Michael Steele)
Sagan le magnifique
Mais Froome n’est pas le seul à avoir animer cette deuxième semaine. Peter Sagan est en train de devenir le phénomène du cyclisme actuel. Il a tout d’abord une folie qui dénote par rapport aux codes de ce sport, mais tout simplement il est exceptionnel sur un vélo et certains spécialistes n’hésitent pas à parler de lui comme le plus grand coureur de ces vingt dernières années. Après avoir perdu son maillot vert au profit de Cavendish, il est allé le récupérer en baroudeur en direction de Revel puis s’est montré plein de classe pour profiter du final venteux vers Montpellier. Quelle fraîcheur pour le monde du vélo, il ose tout et n’a pas peur de l’échec. Certains devraient s’en inspirer, les candidats au podium par exemple…
Maintenant, les Alpes
Parce que dès demain c’est le retour de la montagne, avec une étape très difficile en direction de Culoz. Le Grand Colombier, escaladé pour la première fois en 2012, est un des cols les plus difficiles que la caravane du Tour ait eu l’occasion de franchir. Puis après une traversée de la Franche-Comté quatre étapes autour du Mont-Blanc rendront le verdict de cette 103ème édition. On attend logiquement des grand leaders qu’ils se battent pour autre chose que la deuxième place. Certes vaincre l’ogre Sky n’est pas une mince affaire mais nous sommes en droit de nous poser la question du manque de panache des adversaires de Froome. Contador et Pinot rentrés à la maison, Quintana en méforme, les surprises devraient être de mise sur la boîte à Paris. La France n’a d’espoir plus qu’en Romain Bardet, qui a limité la casse sur le chrono hier et devrait tenter une grande offensive à laquelle il nous a habitué par le passé. Et les surprenants Adam Yates et Bauke Mollema ne sont peut-être pas au bout de leur potentiel. Les derniers jours ne sont donc à louper sous aucun prétexte.
Crédits photo à la une: REUTERS / Jean-Paul Pelissier