Le sponsor britannique a annoncé son futur retrait des pelotons à la fin de la saison 2019. Après 9 saisons de succès mais aussi de polémiques, ce retrait peut faire du bien à l’équipe, maintenant à la recherche d’un nouveau partenaire.
C’est donc la fin de la Team Sky, du moins sous cette appellation. Le groupe de médias a annoncé la fin de son engagement dans le cyclisme à venir pour la fin de la saison prochaine. Certains poussent déjà un ouf de soulagement devant ce qu’ils voient comme la mort programmée de l’équipe la plus performante, mais aussi la plus impopulaire du peloton. C’est pourtant loin d’être la fin de la structure de Dave Brailsford, véritable maître à bord de cette équipe qui domine le cyclisme, et notamment les Grands Tours, depuis plusieurs années. Celui-ci doit maintenant tenter de trouver un nouveau partenaire économique principal, prêt à racheter l’équipe (Sky en était propriétaire, et non pas actionneur). S’il sera en tout cas très difficile – voire impossible – de retrouver un sponsor prêt à investir autant, ce changement imprévu peut faire énormément de bien à l’équipe, voire même au vélo de manière générale. Explications.
Un retrait surprise
Cette annonce est tombée alors que peu de monde s’y attendait, membres de l’équipe compris. Des rumeurs avaient déjà couru sur le sujet, notamment à causes des nombreuses polémiques. Celles-ci se sont accentuées ces deux dernières années, entre le contrôle positif de Froome après la Vuelta (il a finalement été blanchi) et le rapport d’une commission d’enquête parlementaire britannique, qui dénonçait l’utilisation par l’équipe de médicaments pour améliorer les performances des coureurs. Après les traumatismes des affaires Festina et Armstrong, ces accusations ont fait beaucoup de mal à l’image de l’équipe et au cyclisme en général. Mais le groupe de médias britannique avait jusqu’ici montré son imperméabilité aux critiques. Le changement d’actionnaires aura au final eu raison de cet engagement, avec notamment, d’après Eurosport, le départ de James Murdoch (fils de Rupert), ancien membre du conseil d’administration très attaché au financement de l’équipe World Tour.
Il appartient maintenant à Dave Brailsford de trouver un repreneur acceptant d’associer son image à l’équipe et de financer son mode de fonctionnement. En effet la technique des marginal gains mise au point par l’équipe britannique est coûteuse, sans compter les salaires plus élevés que la moyenne qui sont accordés aux coureurs et au staff. Mais c’est ainsi que fonctionne le cyclisme, les sponsors vont et viennent, et le manager gallois a de sérieux arguments, surtout sportifs, pour convaincre les potentiels futurs acquéreurs. Ce changement pourrait en tout cas être une réelle occasion pour l’équipe de prendre un nouveau départ et de tourner la page d’une histoire, ô combien victorieuse mais mouvementée.
Il est temps de tourner la page
L’équipe britannique garde un effectif à même de poursuivre sa domination, au moins l’année prochaine, avec la même base que les années précédentes. La perspective de changer de propriétaire début 2020 lui offrira cependant une opportunité pour prendre un nouveau départ qu’elle aurait tort de ne pas saisir, pour redorer son image. Le nouveau nom aura le mérite d’en partie les séparer de la terne image de la période Sky, pour peu que de réels changements s’opèrent en interne. Le départ de Dave Brailsford sera pour cela essentiel. Si on peut aisément lui attribuer le mérite du succès de son équipe, l’omnipotent leader a eu une gestion désastreuse des dernières polémiques, d’une part en s’enfonçant dans les mensonges, d’autre part en faisant preuve d’une attitude déplorable avec les médias.
Lui, le visionnaire qui a amené le cyclisme britannique au sommet, est désormais devenu le symbole de la défiance qui entoure chaque succès de son équipe. L’affirmation de la Team Sky comme la formation la plus dominante de l’histoire ne serait certes jamais arrivée sans lui, mais sa capacité à laver sa réputation dépend maintenant de son départ. Il ne pourra de toute façon jamais bénéficier de la même liberté d’action et de décision avec un autre propriétaire. Sans lui, l’équipe pourra ainsi vraiment prendre un nouveau départ, rien qu’au niveau de l’image, et pourra travailler dans la sérénité, sans soupçons à chacune de ses performances. On pourrait aussi assister à un renouvellement de l’effectif. Les deux grands champions que sont Christopher Froome et Geraint Thomas auront respectivement 35 et 34 ans en 2020. Si cela est dur à dire pour Thomas qui vient de gagner son premier Tour de France, le « Kenyan blanc » ne semble pas dans une forme ascendante. Leur capacité à briller et gagner dans les Grands Tours n’est pas remise en question, mais de même que Brailsford Froome aura du mal à se défaire des doutes qui entourent chacune de ses performances.
Il sera donc peut-être temps de définitivement tourner cette page dorée en les laissant aller tenter un dernier challenge ailleurs, ou en leur donnant un rôle moindre dans l’équipe (mais il n’est pas dit qu’ils acceptent). L’équipe perdrait clairement et définitivement son identité de fleuron du cyclisme britannique, mais de toute façon est-il possible que cela dure après le retrait de Sky ? On peut en tout cas affirmer que Brailsford a bien préparé l’avenir avec le recrutement des espoirs Pavel Sivakov, Ivan Sosa et Egan Bernal, tous les trois 21 ans, qui incarnent le futur du cyclisme mondial. Le dernier a déjà montré des belles dispositions lors du Tour de France 2018 et présente déjà des garanties de futurs succès sur les courses à étape. Ils ont encore le temps de s’aguerrir auprès des nombreux coureurs expérimentés de l’équipe et, même si 2020 sera sûrement trop tôt, nul doute que le renouveau passera par eux. Assurer la continuité de la performance sportive tout en se renouvelant pour perdurer et laver sa réputation, voilà le beau challenge qui attend cette équipe lors des prochaines années si celle-ci trouve un repreneur.
Un grand bol d’air frais pour le cyclisme
Sans le considérer comme une bonne nouvelle, ce retrait a toutefois des allures de (futur) bol d’air frais pour le cyclisme. Il serait ridicule d’évoquer ici la domination des Sky, jugée mauvaise car vue comme coupant tout intérêt à ce sport (ce qui est une vision du cyclisme uniquement centrée sur les Grands Tours… comme s’il ne se résumait qu’à ces trois courses). Mais étant donné leur poids médiatique et celui de leurs victoires, les soupçons qui les entourent ont des conséquences négatives sur l’ensemble de ce sport. Celui-ci a trop souffert des affaires de dopage, qui en ont dégoûté certains du vélo et ont parfois totalement décrédibilisé les performances des coureurs. C’est sur l’ensemble du cyclisme que s’étend la méfiance envers les Sky, ce qui est encore plus dommage alors qu’une nouvelle génération a émergé loin de ces problématiques là. Même s’il ne suffira pas à le blanchir entièrement, ce retrait pourrait donc ramener un peu de calme et de tranquillité dans un peloton qui en a bien besoin.
Crédits photo à la Une: Mathilde L’Azou