A 27 ans, Nairo Quintana est toujours considéré en Colombie comme l’élu devant gagner pour la première fois le Tour de France. Mais cette pression et ce statut ne semblent pas convenir au leader de la Movistar dont la saison 2017 est symptomatique de son début de carrière: un épanouissement certain mais seulement en dehors du cadre du Tour de France.
Le paradoxe Quintana
Il serait erroné de dire que la saison 2017 du colombien est ratée. Mais elle constitue un paradoxe interrogatif qui commence à devenir redondant pour celui qui a pourtant déjà remporté le Tour d’Italie (2014) et le Tour d’Espagne (2016). Il faut dire qu’avec un Tirreno-Adriatico enlevé avec brio en mars dernier dont un bouquet sur la quatrième étape, nous étions en mesure d’attendre un grand Quintana pour la saison à venir. Hélas, l’année 2017 est peut-être restée paradoxalement comme sa plus grande déception, ne réalisant que partiellement ses objectifs. Pour la première fois depuis 2014, le colombien était au départ du Giro. Malheureusement, s’il s’est sans doute montré comme le meilleur grimpeur de la centième édition du Tour d’Italie, il n’a pas été capable de dominer suffisamment Tom Dumoulin, très résistant en montagne et intraitable en contre-la-montre.
C’est d’ailleurs lors du chrono final que Quintana, maillot rose sur les épaules, a perdu le Giro, ne prenant qu’une deuxième place, certes significative, mais peut-être pas au goût du colombien qui visait inévitablement la victoire après avoir glané la Vuelta 2016. Et c’est ce paradoxe qui pose question, ce paradoxe entre un Quintana en forme dès les mois de février et de mars et qui se montre impuissant face à ses principaux concurrents lors des moments clés de sa saison. 2017 n’est en cela pas une première, les saisons précédentes ont déjà pu montrer une courbe de forme similaire. La question est donc de savoir si Nairo Quintana n’est pas en « surforme » trop tôt dans la saison, au point de remporter plusieurs classements généraux dans ses courses de préparation avant de flancher en deuxième partie de saison, la plus importante de son calendrier.
L’humiliation du Tour de France
C’est la première fois que Quintana doublait le Giro et le Tour de France, l’enchaînement le plus difficile qu’il existe en cyclisme, Thibaut Pinot peut en témoigner lui aussi. En 2014, le colombien avait fait l’impasse sur la Grande Boucle après avoir remporté le Giro, enchaînant par la Vuelta qu’il avait abandonnée lors de la onzième étape en chutant, maillot rouge sur les épaules, lors du contre-la-montre individuel, décidément pas un exercice qui lui porte chance. Cette année, sa douzième place sur le Tour de France ressemble plus à une humiliation. Le leader de la Movistar a traversé la 104e édition dans l’indifférence générale, en étant toujours à la peine en montagne, se faisant lâcher par les meilleurs grimpeurs, ses principaux concurrents en règle générale.
Souvent, son attitude très préventive, très attentiste fait débat et agace les suiveurs cyclistes qui connaissent bien évidemment son potentiel. Mais si le colombien n’a jamais réussi à devancer Christopher Froome au général, ne serait-ce pas justement à cause d’une préparation tronquée ? Là où Froome ne se prépare chaque année que pour un énorme objectif dans la saison, le Tour de France, Quintana semble être lui partagé entre les trois Grands Tours. Ainsi fut-il surprenant de le voir écraser le britannique lors de la Vuelta 2016. L’explication se trouverait peut-être dans le fait que Froome voyait sa courbe de forme descendre tandis que celle de son homologue de la Movistar atteignait un pic de forme, n’étant qu’en train de monter en puissance lors d’un Tour de France fini à la troisième place et lors duquel le leader de la Sky était en pic de forme. Finalement, si Quintana veut entrevoir le maillot jaune sur les Champs-Élysées, il faut qu’il fasse un choix et qu’il se concentre pleinement sur la Grande Boucle.
Quel avenir pour Quintana ?
Quintana vers la Sky ? Hors de question. Si la rumeur avait circulé au début de la période des transferts en août après que leader de la Movistar avait laissé plané le doute, le Colombien a confirmé plutôt rapidement qu’il allait rester dans l’équipe espagnole en 2018, équipe qui a enregistré l’arrivée de Mikel Landa en provenance de la Sky. Néanmoins, l’Espagnol devrait être le chef de file de l’équipe pour le Giro et la Vuelta, laissant à Quintana le leadership pour sa cinquième participation à la Grande Boucle dont le parcours a été annoncé ce mardi. Le Colombien ne s’en cache d’ailleurs pas: au moment d’annoncer qu’il restait chez Movistar, il en a profité pour annoncer que son principal objectif en 2018 serait le Tour, de quoi peut-être enfin voir une préparation digne de son objectif pour la saison prochaine.
Premier problème néanmoins et pas des moindres, le contre-la-montre par équipes de 35 kilomètres autour de Cholet qui favorisera le Team Sunweb, toute récente championne du monde de la spécialité à Bergen et qui tentera de placer en orbite Tom Dumoulin, véritable concurrent de Chris Froome et du Team Sky pour certains, le Team Sky qui est bien évidemment déjà l’un des grands favoris pour cette troisième étape du prochain Tour de France. Pour le reste, le contre-la-montre individuel de 31 kilomètres prévu la veille de l’arrivée à Paris entre Saint-Pée-sur-Nivelle et Espelette ne pourra que désavantager le natif de Tunja. Les six étapes de haute-montagne, que cela soit en plein cœur des Alpes ou dans les Pyrénées, devraient cependant laisser au Colombien le dénivelé nécessaire pour passer à l’offensif, et pourquoi pas marquer cette édition 2018 de son empreinte.
Crédits photo à la une: Maurizio Costanzo