Début septembre, alors que le Team Cannondale-Drapac allait disparaître du paysage cycliste à la suite de l’arrêt d’un sponsor principal, l’équipe de l’ancien coureur américain Jonathan Vaughters a lancé un appel au public pour un crowdfunding qui s’est révélé être un grand succès. Et le maintien de l’équipe pour 2018 n’est pas anodin.
Le crowdfunding de la dernière chance
Fin août c’est la stupeur. Le mercato cycliste a alors déjà commencé depuis presque un mois. Les équipes peaufinent leurs effectifs, ont recruté des coureurs pour combler leurs manques. Les contrats sont signés ou re-signés depuis longtemps. Ce 27 août 2017, Slipstream Sports annonce pourtant que la Cannondale-Drapac n’existera plus en 2018, faute de moyens suffisants, faute d’un sponsor qui a lâché l’affaire à la dernière minute. Ainsi, l’équipe libère tous ses coureurs qui doivent en urgence trouver une nouvelle équipe, pas un problème pour les leaders comme Uran (qui a laissé deux semaines à son équipe pour trouver un nouveau sponsor) ou Vanmarcke mais une terrible nouvelle pour les équipiers de l’ombre et le staff. Pierre Rolland avait alors indiqué avoir refusé plusieurs offres pour rester fidèle à son contrat. C’est alors que l’équipe de Jonathan Vaughters lance une opération sauvetage début septembre sous la forme d’un crowdfunding de la dernière chance qui se diffuse notamment à l’aide du #SaveArgyle sur les réseaux sociaux. Celui-ci s’avère plus qu’efficace. Si l’équipe n’amasse « que » 500 000 dollars sur les deux millions espérés, cet engouement de nombreux supporters tape dans l’œil d’un nouveau sponsor, Education First, spécialisé dans les échanges culturels et les formations linguistiques. Jonathan Vaughters a indiqué que le partenariat s’étendait sur plusieurs années, de quoi voir une belle relation se créer dans le cyclisme moderne.
Le cyclisme moderne justement prend une autre dimension. Le cas d’EF-Drapac est atypique et vient ouvrir de nouvelles perspectives pour un sport qui retrouve de plus en plus un public qui l’avait légèrement délaissé après les scandales des années 1990 et 2000. La communauté de soutien de l’équipe américaine a dépassé toutes les espérances, permettant de sauver Argyle car leur force de mobilisation a pesé dans la balance au moment où Education First s’est engagé. Avec un élargissement du cyclisme en Asie – Chine, Japon… -, le réseau devient plus grand, le nombre de supporters également, de quoi repenser le financement des équipes. La campagne #SaveArgyle n’est peut-être que le début d’une nouvelle ère qui appelle à une participation massive du public dans le soutien des équipes ne dépendant aujourd’hui que des sponsors. Mais il ne faut pas s’y tromper; le sauvetage de la Cannondale-Drapac est tout sauf anodin.
Slipstream Sports, ou une autre idée du cyclisme
La société de management sportif Slipstream Sports est arrivée en 2006 dans le monde du cyclisme pour soutenir la structure alors toute jeune du récent retraité Jonathan Vaughters, qui avait lancé une équipe d’espoirs et de juniors en 2003. Cette société, dont Vaughters en est aujourd’hui le PDG, n’a jamais quitté ce monde, portant sur ses épaules les exploits de la Garmin-Cervélo, de la Garmin-Sharp ou encore de la Cannondale. Et c’est encore elle qui va soutenir le Team Education First-Drapac en 2018. Depuis toujours, Slipstream Sports et Jonathan Vaughters, dont les plus grands succès restent la victoire de Ryder Hesjedal sur le Giro 2012 et celle de Dan Martin sur Liège-Bastogne-Liège 2013, s’engagent dans une politique anti-dopage qui marque une rupture avec le cyclisme américain représenté par Lance Armstrong qui a conduit à sérieusement détériorer l’image du cyclisme ainsi que celle des coureurs américains. Le but de l’équipe de Vaughters est donc de réussir à amener des coureurs, principalement américains à la base mais depuis quelques années pas seulement du Nouveau-Continent, à leur meilleur niveau de manière saine, dans le respect d’un cyclisme moderne aux valeurs nouvelles, essayant de tirer un trait sur un passé récent compliqué. Exit donc des coureurs ou des membres du staff au passé douteux, place à une vision renouvelée.
Le sauvetage de l’équipe n’est donc pas une surprise car elle participe à la valorisation d’un cyclisme qui se respecte et qui permet de ramener le public vers ce sport. Insufflant un esprit d’humilité, celui d’une équipe faisant avec ses moyens et sans tricherie, le désormais Team EF-Drapac bénéficie d’une bonne image et son dirigeant, Vaughters, a une parole au sein d’un cyclisme qu’il veut définitivement débarrasser des scandales, n’hésitant pas à critiquer l’UCI sous l’ère Cookson. Nul ne doute que David Lappartient et sa politique seront suivis d’un œil avisé par Vaughters.
Quelle stratégie pour 2018 ?
Tout pour le Tour ou presque. Après un Tour de France 2017 excellent avec une deuxième place et une victoire d’étape pour Rigoberto Uran, Slipstream Sports espère gagner en 2018 son deuxième grand tour après le Giro 2012 de Ryder Hesjedal. Uran a déjà annoncé que le Tour serait son grand objectif cette saison, sans doute épaulé par le français Pierre Rolland, qui avait ramené sur le Giro 2017 le premier bouquet de l’équipe sur un grand tour depuis deux ans et qui n’a jamais raté la Grande Boucle depuis sa première participation en 2009. Sep Vanmarcke, deuxième de Paris-Roubaix en 2013 derrière Fabian Cancellara et arrivé l’an passé, devrait encore une fois être en vue sur les classiques flandriennes du printemps, lui qui attend sa première grande victoire sur une classique, tandis que le recrutement de Sacha Modolo pourrait faire entrer EF-Drapac dans une nouvelle stratégie sur les sprints. Le sprinter italien devrait être l’un des fers de lance de l’équipe sur le 101e Giro en mai prochain. Ainsi, après être passée à deux doigts de la sortie, l’équipe propriété de Slipstream Sports aura de belles cartes à jouer en 2018, dont la saison WorldTour sera lancée ce mardi avec le départ de la vingtième édition du Tour Down Under en Australie.
Crédits photo à la Une: SLIPSTREAMSPORTS.COM