Alors que les championnats du monde de cyclisme sur route débutent aujourd’hui à Innsbruck, la France arrive avec une sélection très prometteuse qui vise la victoire. Cela ne sera pas simple malgré les absences de Chris Froome et Geraint Thomas, tant les purs grimpeurs ont rarement leurs chances avec l’arc-en-ciel.
Une sélection qui a fière allure
Avec une génération dorée emmenée par les Pinot et Bardet, il apparaît très clair que la France sera parmi les sélections qui dynamiteront la course en ligne dimanche prochain. Non seulement en fin de course lorsque les favoris se répondront, mais également pendant la course avec quelques coureurs qui auront sans doute un rôle d’électron libre. On pense bien évidemment à Julian Alaphilippe qui avait utilisé ce rôle d’attaquant à merveille sur le dernier Tour de France avec Etixx-Quick Step pour laquelle il avait ramené deux victoires d’étapes et le maillot à pois rouges. Néanmoins cette sélection devra composer avec un problème et une question : qui est son véritable leader ? Le choix se fera normalement entre Romain Bardet et Thibaut Pinot qui ont chacun deux coéquipiers habituels à leurs côtés. C’est Rudy Molard, porteur du maillot rouge sur la Vuelta, et Anthony Roux, troisième de la Clasica San Sebastian il y a deux mois, pour Pinot. Pour Romain Bardet, c’est Tony Gallopin, onzième et vainqueur d’une étape sur la Vuelta, et Alexandre Geniez, également vainqueur d’un bouquet sur le Tour d’Espagne, où une bonne partie de la sélection tricolore s’est montrée à son avantage. Si Thibaut Pinot a porté cette sélection sur la Vuelta avec une sixième place au général et surtout deux victoires prestigieuses, Romain Bardet a choisi la discrétion pour sa préparation, s’exilant en Italie où il y a disputé quatre courses dont le Tour de Toscane dernièrement.
De ce duel pour le leadership, Julian Alaphilippe pourrait tirer son épingle du jeu. Il est régulièrement inclus parmi les favoris et son goût pour l’offensive devrait s’allier à merveille avec le parcours exigeant de ces championnats du monde. Il ne devrait pas être seul à avoir carte blanche dimanche prochain. Alors que Pierre Rolland est malade, Cyrille Guimard a appelé Warren Barguil, dont on connaît également l’énergie débordante. Reste à savoir s’il sera physiquement à plus de 100%. Cette sélection arrivera ce jeudi en Autriche.
Les forces en présence sur ce parcours difficile
Innsbruck mettra à l’honneur les grimpeurs. C’est assez rare pour être signalé et c’est surtout une occasion unique pour eux de remporter le maillot arc-en-ciel au moins une fois dans leur carrière. Vincenzo Nibali avait été proche de réaliser cet exploit sur le parcours de Florence en 2013, plus punchy et moins compliqué que celui d’Innsbruck. C’était le portugais Rui Costa qui était venu cueillir Joaquim Rodriguez au sprint. Cyrille Guimard a même déclaré qu’il n’avait rien vu de plus difficile comme parcours pour les championnats du monde depuis Sallanches et la victoire de Bernard Hinault en 1980. Même le contre-la-montre individuel de mercredi sera exigeant avec 54 kilomètres et l’ascension du Gnadenwald (2,6 kilomètres à 10%) après trente kilomètres.
La course en ligne sera elle une étape de haute montagne de 265 kilomètres ! Pas de grands cols de quinze kilomètres mais plusieurs ascensions rapides et intenses tout au long du parcours, divisé en deux parties. Une première partie en ligne de 80 kilomètres avec le Gnadenwald à franchir puis une deuxième partie en circuit autour d’Innsbruck, longue et très difficile. Le fil rouge de la journée sera l’ascension d’Igls (7,9 kilomètres à 5,7%), empruntée sept fois consécutivement. La dernière ascension de la journée sera sans doute celle où se jouera le maillot arc-en-ciel. Après les sept ascensions d’Igls, le Gramartboden (2,8 kilomètres à 11,5%) sera une sorte de juge de paix avant une descente de onze kilomètres où des spécialistes comme Primoz Roglic, Vincenzo Nibali et Julian Alaphilippe pourraient avoir une grosse carte à jouer.
Roglic mènera donc la sélection slovène, Nibali, celle italienne. Côté espagnol, Alejandro Valverde, cinquième de la dernière Vuelta, tentera de prouver qu’il a encore les jambes sur une course d’un jour, lui qui a souffert physiquement à la fin du Tour d’Espagne. Il sera accompagné par la sensation de cette Vuelta, Enric Mas, deuxième au général et vainqueur de la 20ème étape. La Grande-Bretagne pourra compter sur les frères Yates, dont Simon a remporté récemment son premier Grand Tour. Néanmoins, les deux coureurs de Mitchelton-Scott devraient être un peu isolés avec une équipe moyenne. Les yeux seront surtout rivés sur la sélection colombienne qui offrira un plateau très relevé. Le trio Nairo Quintana-Rigoberto Uran-Miguel Angel Lopez mènera cette sélection incroyable qui comportera également Winner Anacona ou encore les frères Henao. Avec ce trio, la Colombie sera représentée par trois coureurs ayant fini dans le top 10 du Tour d’Espagne, dont Lopez, troisième.
A ne pas sous-estimer : Jakob Fuglsang (Danemark), Dan Martin (Irlande), Tom Dumoulin (Pays-Bas), Ilnur Zakarin (Russie), Sébastien Reichenbach (Suisse).
Un conflit entre l’UCI et les coureurs
Cette semaine des Mondiaux d’Innsbruck sera néanmoins aussi mouvementée sur les routes qu’en coulisses. Avec sa réforme, David Lappartient, en poste à la tête de l’Union cycliste internationale depuis près d’un an, a créé du grabuge chez les coureurs. Sa proposition de passer à six coureurs par équipes sur les Grands Tours a provoqué soit la colère soit l’ironie dans le peloton. Gianni Bugno, président de l’Association Internationale des Coureurs (CPA) qui tiendra sa prochaine élection le 28 septembre et lors de laquelle David Millar sera candidat, s’est catégoriquement opposé à cette proposition et a passé un « pacte » avec les coureurs pour défendre la position de son instance lors de la réunion de Madrid tenue le 12 septembre. L’autre proposition d’instaurer un plafond salarial dans les équipes pose également un problème pour Dan Martin qui juge que, plutôt que de vouloir diminuer les revenus dans le cyclisme, il serait préférable d’aider les petites équipes à attirer des sponsors, le cyclisme n’étant pas le sport où les revenus sont les plus élevés et où les investissements sont les plus importants.
Demain, l’UCI devrait annoncer ses plans, que l’AIGCP, qui regroupe de nombreuses équipes professionnelles, ne devrait pas accepter comme elle l’a indiqué par la voix de son vice-président, Richard Plugge, directeur de la Lotto NL-Jumbo. Le point de désaccord se situe notamment sur l’obligation pour les équipes WT de disputer toutes les courses du calendrier, ce qui nécessiterait des moyens supplémentaires pour les équipes WT mais également mettrait en danger les équipes des niveaux inférieurs. Si l’UCI a le soutien des organisateurs de courses et face auquel l’AIGCP ne peut rien faire dans le vote de la réforme, les équipes pourraient négocier directement auprès des organisateurs la saison prochaine et aller outre les décisions de l’UCI. Cette semaine sera donc importante pour toutes les instances du cyclisme professionnel.
Crédits photo à la Une: maartmeester