Alors que le Tour de France 2015 s’élance dans un mois, les coureurs français restent sur un cru 2014 exceptionnel avec pas moins de deux coureurs sur le podium final sur les Champs-Elysées (Jean-Christophe Péraud 2ème et Thibaut Pinot 3ème). Une première pour un coureur français depuis 1997 et un certain Richard Virenque. De quoi rêver de jaune et de victoire finale dès cette année pour Thibaut Pinot, le plus jeune et talentueux des deux ? Au vu du plateau exceptionnel de cette année (Froome, Quintana, Contador, Nibali) rien de moins sûr, mais une chose est sûre, l’espoir est revenu. Retour sur cette période de disette pour le cyclisme français, avec les 6 plus grandes promesses restées sans lendemain côté tricolore.
2015 : après le Pinot Blanc, le Pinot jaun
Thibaut Pinot
Le Tour de France 2014 restera un exercice exceptionnel pour le cyclisme français. Alors que l’on attendait un coureur français sur le podium final depuis 1997 (17 ans !) et la 2ème place de Richard Virenque derrière l’allemand Jan Ullrich, ce sont bien deux tricolores qui sont montés sur la boite sur les Champs-Elysées en juillet dernier, avec la deuxième place de JC Péraud et ses 38 ans, et la troisième de Thibaut Pinot, 24 ans. Mais cela est-il suffisant pour viser plus haut ? Alors, peut-on rêver de victoire finale pour un français dans les années à venir, alors que nous fêtons cette année le 30ème anniversaire de la victoire de Bernard Hinault, toujours dans l’attente d’un successeur ? Si l’on considère que Thibaut Pinot, 10ème en 2012 et 3ème en 2014, est en constante progression (notamment cette année en CLM), ajouté au fait que le français est à 25 ans le plus jeune des favoris de l’édition 2015 avec le Colombien Nairo Quintana (Froome et Nibali ont 30 ans, Contador 32) alors oui, le rêve est permis. En tout cas, l’espoir est revenu, et ça, ça n’a pas de prix.
Mais avant Thibaut Pinot, plusieurs français avaient déjà soulevé l’enthousiasme de la presse spécialisée ainsi que des centaines de milliers de personnes massées le long des routes en juillet. Petit tour d’honneur de ces français qui au cours des 20 dernières années se sont élancés dans la peau d’un candidat à la victoire finale sur la grande boucle, sans jamais y parvenir. Promesses sans lendemain, par manque de talents souvent, par manque de chance parfois.
2000-2006 : Le gaillard révélé sur le tard
Christophe Moreau
Le grand (1.86m) Christophe aura eu deux arrières. Une avant et une après l’affaire Festina. Au service de ses leaders Richard Virenque et Alex Zulle jusqu’en 1998, il va profiter de sa suspension de 6 mois (il reconnait comme la presque totalité de ses coéquipiers la pratique du dopage organisé au sein de l’équipe) pour prendre son envol. D’abord présenté uniquement comme une machine à rouler de par son gabarit, le Belfortain va se muer en coureur très complet, capable de briller sur les courses à étapes. Le Tour de France 2000 est une révélation pour Moreau qui termine 4ème du classement final – il échoue pour seulement 30 secondes pour la 3ème place face à son coéquipier basque de chez Festina Joseba Beloki -. Son profil, de gros rouleur capable de bien passer la montagne, est non sans rappeler un peu celui de Miguel Indurain, mais le français n’obtiendra pas un seul des 5 succès de l’espagnol. Entre la malchance (abandons en 2001 et 2002) et des places d’honneur insuffisantes (8ème en 2003, 12ème en 2004, 11ème en 2005, 7ème en 2006), Moreau ne montera même jamais sur le podium, incapable de rivaliser avec Armstrong et toute sa clique, destitué depuis de tous ses succès (sept) sur la grande boucle. Festina Wacherie.
1994-2000 : Richard Cœur de Lion
Richard Virenque
Entre Richard Virenque et le Tour, ce fut pendant longtemps une belle histoire d’amour. Longtemps roi des cimes sur les sommets français (maillot à pois en 1994, 1995, 1996 et 1997), il collectionne les victoires d’étape mais paye trop souvent ses limites dans l’exercice du CLM pour viser la victoire finale. 5ème en 1994 et 9ème en 1995 il ne peut lutter face à la bête à rouler Miguel Indurain. A la retraite de la légende de la Banesto, les cartes sont redistribuées et le français, fort de sa 3ème place en 1996 aborde le tour 1997 dans la peau d’un des grands favoris. Supérieur à Jan Ullrich dans la haute montagne, Virenque va avoir une occasion en or de gagner le Tour lors de cette édition : sur l’étape Colmar-Montbéliard, la Festina et ses boys (Rous, Stephens, Moreau, Zulle, Dufaux et Brochardn rien que ça !) lance une action de grande envergure pour faire flancher le jeune allemand de la Telekom. Relégué dans un deuxième groupe alors qu’il reste encore à escalader le Ballon d’Alsace, Ullrich est en perdition et proche de perdre le Tour. Sauf que Virenque, vexé de la non-collaboration de Pantani et Olano (3ème et 4ème du général) dans le groupe de tête, ordonne à ses hommes de ne plus rouler et envoie Didier Rous gagner l’étape. Derrière, Ullrich – seulement aidé par Bolts – n’en demandait pas tant et Virenque termine second de la grande boucle. Après l’affaire Festina l’année suivante, Virenque ne sera plus jamais (hasard ou coicidence ?) dans le coup pour la victoire finale, malgré une nouvelle moisson de maillots à pois. 18 ans plus tard, Virenque fait désormais profiter sa science légendaire de la course aux téléspectateurs d’Eurosport. Les petits veinards.
1995-2002 : La Jajamania
Laurent Jalabert
Meurtri dans sa chair de sprinteur depuis sa terrible chute d’Armentières lors du Tour 1994, le Jalabert nouveau de la saison 95 est transformé. De sprinteur (maillot vert lors du Tour 92), Jaja se transforme en coureur complet, véritable cannibale du bitume, capable de gagner sur tous les terrains, toute l’année. Que ce soit sur les classiques (Milan-San Remo, Paris-Nice) ou les courses à étapes (Paris-Nice), le mazamétain, leader de la ONCE, devient le meilleur coureur du monde. Il aborde le Tour 95 dans la peau de l’homme à abattre, capable de gagner partout (une saison à 30 victoires, 1er au classement UCI et vélo d’or mondial). Et s’il ne termine que 4ème du général, on voit du jaja partout pendant 3 semaines : maillot jaune, vainqueur d’étape le 14 juillet à Mende après une folle chevauchée et maillot vert sur les Champs-Elysées, cette fois la France en est persuadée « il gagnera le Tour un jour ou l’autre ». Impression renforcée par sa victoire quelques semaines plus tard lors du Tour d’Espagne, qu’il survole de sa classe pendant 3 semaines en remportant 5 étapes. Oui mais voilà, cette Vuelta restera le seul grand Tour de son palmarès car dès 1996 Jaja va découvrir ses limites dans la haute montagne : décroché dès le col de la Madeleine, le 1er col du Tour, il abandonne quelques jours plus tard et ne jouera plus jamais les premiers rôles au classement général. En fin de carrière, il se mue en baroudeur chasseur d’étapes et ramène 2 maillots à pois sur les champs en 2000 et 2001 ainsi que deux titres de super-combatif. « Jaja » laisse alors sa place au « panda », qui finit sa carrière réconcilié avec un public français qui l’a longtemps snobé au profit de Virenque.
1991-1996 : Lucho, ce Champion du Monde
Luc Leblanc
Dès 1991 alors qu’il n’a que 25 ans, Luc Leblanc fait vibrer la France du vélo pour sa deuxième participation au Tour. A la base équipier de luxe de Laurent Fignon (vainqueur en 1983 et 84) en perte de vitesse et plutôt sur le déclin (il terminera ce Tour à la 6ème place juste derrière son jeune coéquipier), il porte le maillot jaune durant une journée dans les Pyrénées avant qu’une fringale dans la montée d’Aspin viennent ruiner ses espoirs de victoire finale. Lucho, attaquant au grand cœur, ne parviendra jamais à passer le cap sur les grands Tours, et malgré 2 nouvelles places d’honneur (4ème en 1994 avec une victoire d’anthologie à Hautacam et 6ème en 1996) il restera l’homme d’un exploit : celui du 28 août 1994 où il devient en Sicile Champion du Monde au nez et à la barbe de Claudio Chiappucci. Le premier maillot arc-en-ciel d’un français depuis 1980 et un certain Bernard Hinault, encore lui.
1987-1991 : Charly et la chocolaterie
Charly Mottet
S’il est longtemps resté dans l’ombre des deux vainqueurs du Tour que sont Hinault et Fignon, le petit Charly possède pour autant l’un des plus beaux palmarès du cyclisme français. Aussi à l’aise sur les classiques (vice-champion du monde 1986 et vainqueur du Tour de Lombardie en 1988) que sur les courses à étapes (triple vainqueur du Dauphiné, vainqueur du Tour de Romandie) et même l’exercice solitaire (3 fois le Grand Prix des Nations), le natif de Valence a tout pour faire péter un grand Tour. Malheureusement, il ne goutera jamais aux joies du podium à Paris malgré un exercice 1987 exceptionnel où il porte le maillot jaune durant 6 jours, il ne termine qu’à la 4ème place, comme en 1991 (6ème en 1989). La plus grande déception restera certainement la saison 1990 où Charly marchait sur l’eau : après un Giro d’Italia flamboyant ponctué d’une deuxième place finale à Milan derrière Gianni Bugno, il arrive sur le Tour dans le costume de favori à la victoire finale, mais ses rêves s’envoleront rapidement, ne supportant pas la pression mise sur ses épaules, il est victime d’une défaillance spectaculaire sur l’Alpe d’Huez où il perd plus de 10min : il traversera alors le reste de la grande boucle dans l’anonymat du général (49ème), malgré une belle victoire d’étape. Pas la fin du monde, pour un coureur dont on oublie trop souvent le fait qu’il fut n°1 mondial deux fois dans sa carrière.
1987-1995 : Jeff, le petit blaireau
Jean-François Bernard
1987 : deux ans après la dernière victoire du Blaireau, la France du vélo vibre pour Mottet mais aussi pour Jean-François Bernard, alias Jeff. Présenté dès 1986 comme le successeur de Hinault, Jeff marche sur l’eau sur le Tour 87, et après avoir assommé le CLM du Mont-Ventoux, il enfile la tunique jaune et file vers sa première victoire sur le Tour, à seulement 25 ans. Oui mais voilà le destin va en décider autrement : lors de l’étape de montagne du lendemain, menant les coureurs vers Villard-de-Lans, il est victime d’une crevaison qui aura raison de ses chances de victoire finale. La mort dans l’âme il monte néanmoins sur la boîte à Paris, 3ème et 2min13s derrière le vainqueur l’irlandais Stephen Roche et l’espagnol Pedro Delgado. Alors qu’on le pensait promis à un avenir en jaune dans les années qui suivent, la chance de sa vie venait de passer. Entre blessures à répétition et manque de confiance en ses capacités de leader, Jeff va alors se mettre au service de Miguel Indurain duquel il va devenir le lieutenant n° 1 en montagne au sein de la Banesto. Quelque part, il aura lui aussi gagné 5 Tour de France, comme le Roi Miguel.
Crédits photo à la une: Ludovic Péron