Ah la caravane du Tour de France … C’est le moment où tous les annonceurs en quête de succès, se battent et s’arrache l’amour des spectateurs massés sur les bords des routes. Mais la caravane du tour c’est aussi une grande histoire d’amour qui dure depuis près de 85 ans !
La caravane accompagne le Tour depuis 1930, et ne cesse de s’agrandir
L’histoire de la caravane publicitaire du Tour de France, c’est une histoire débutée il y a 85 ans de cela, lors de la Grande boucle 1930. A cette époque-là, les organisateurs, emmenés par un certain Henri Desgrange, cherchent une solution pour concurrencer l’équipe Alcyon, au budget colossal, qui écrase la course depuis presque une décennie. L’idée leur vient alors de supprimer les équipes de marque et de diviser les coureurs en teams nationales, où chacun aura le même vélo, fourni par l’organisateur lui-même. Le projet est ambitieux mais couteux, et le financement de la réforme – ainsi que celui de la course – serait assuré par une caravane publicitaire, soit une horde de véhicules devançant les coureurs de quelques heures, et assurant le show en même temps que les bienfaits des grandes enseignes du pays représentées. C’est une révolution : les caisses du Tour se remplissent et la caravane était née, et avec elle une animation unique et quotidienne : désormais, les spectateurs ne viendront plus seulement pour voir passer les coureurs mais pour voir un spectacle. Depuis, son succès ne s’est jamais démenti, pire, elle est devenue incontournable, aussi importante que la course en elle-même ! A partir de là, les annonceurs se précipitent, trop content de pouvoir associer leur nom à un tel évènement populaire – rassemblant plusieurs millions de personnes – et le nombre de véhicules composant la caravane ne va cesser d’augmenter au fil des années : 25 marques en 1935, 107 en 1977, 155 en 1979, 200 en 2004, 219 en 2013 à son apogée. Depuis 2013, ASO, organisateur du Tour, a décidé de limiter le nombre de véhicules à 180 pour des raisons évidentes de sécurité sur la route. Aujourd’hui, chaque véhicule de la caravane est choisi selon un cahier des charges très strict, où il est précisé que chaque caravanier (personne debout sur les chars qui distribuent les cadeaux) se doit d’être harnaché tout au long de la journée.
Petits et grands, tous sous le charme
Si elle plait autant aux petits qu’aux grands, c’est parce que la caravane du Tour de France touche tout le monde, de 7 à 77 ans, passionné de vélo ou pas. En effet, la caravane, c’est plus qu’un cortège de chars colorés qui distribue des bobs Skoda ou des casquettes Cochonou : elle se situe au carrefour de la société de consommation occidentale et de la société du spectacle, celle du “show” à l’américaine. Un spectacle désormais bien rodé, destiné à faire patienter la foule massée le long des routes qui attend souvent des heures durant le passage des coureurs lors des chaudes journées de juillet. Si le passage des coureurs ne dure que de quelques secondes à quelques minutes (selon le profil et l’avancée de l’étape du jour), le passage de la caravane lui est de nature moins éphémère : il dure en moyenne 35 minutes : elle prend donc tout son temps pour faire sa pub. Alors que les petits sont émerveillés par la diversité des personnages XXL des chars dignes de Walt-Disney – chevaux, pandas, lions, bonbons, bouteille de jus de fruit – les plus grands préfèrent essayer de capter les sourires des hôtesses, alors que les plus vieux surveillent les plus petits ou observent en retrait ce bal coloré et musical, tranquillement installé sur leur chaise pliante, achetée à la hâte chez Décathlon. Selon une étude réalisée en 2012, 47% des personnes qui viennent voir passer le Tour de France sont là avant tout pour la caravane ! Avec une telle popularité, on comprend pourquoi la liste des cadeaux (appelés “goodies”) distribués s’allonge d’année en année : pochette, bob, peluches, porte-clés, lunettes géantes, sans oublier les grands vainqueurs du hit-parades, les objets dérivés des maillots distinctifs du Tour : casquette à pois, main verte géante et lion en peluche ou tee-shirt jaune. Si vous êtes agiles vous pourrez aussi attraper de de quoi grignoter en attendant les coureurs si vous avez oublié votre baluchon : sachets de bonbon, échantillon de sirop, madeleine, jus de fruit, eau, saucisson, gâteau apéros, etc. La plupart du temps, le public se jette avec un tel engouement sur les goodies – et oui, bien que chaque jour Skoda distribue par exemple 26 000 bobs, il n’y en a pas pour tout le monde ! – qu’on peut se demander parfois si ce ne sont pas des euros qui sont lancés par les caravaniers. Il n’en est rien, mais à voir défiler les sourires et les yeux qui brillent le long de la route, la caravane n’a pas de prix. Il faut comprendre que lorsque vous êtes sur le bord de la route, vous retombez instinctivement en enfance le temps de quelques heures, il ne faut donc pas s’étonner de voir les gens se disputer pour une madeleine, une casquette ou un (mini) sachet de saucisson. Souvent les gens sont en place depuis le matin sur le parcours (voire la veille ou plusieurs jours avant dans les endroits les plus prisés des étapes de montagne), et attendre le Tour c’est une histoire de famille, une histoire de copains : on sort les glacières, on déplie les chaises et les tables de pique-nique : le temps s’arrête et on profite du moment présent, les gens se parlent, échangent, racontent les anecdotes de leur région. Clic-clac quelques photos dans la boite pour se remémorer cette journée en attendant l’année prochaine. La France, la vraie, comme on l’aimerait plus souvent.
Caravanier, toujours une colonie pour adultes ?
Vous avez toujours rêvé de faire partie de la caravane du Tour mais vous ne savez pas comment faire ? Pour devenir caravanier, c’est assez simple : il suffit d’envoyer un CV et une lettre de motivation aux marques présentes sur le Tour où à leurs agences évènementielles, tout ceci avant le mois de…décembre de l’année précédente ! Mais attention, la caravane est un milieu assez “fermé” où il est difficile d’entrer : chaque année le taux de renouvèlement n’est que de 17% en moyenne. Pourquoi ? Car quand on y a gouté, on veut y revenir !
Mais attention, faire partie de la caravane, ce n’est pas pour les lève-tard ! En effet, lors d’une étape dite “classique” le réveil sonne à 6h30 du matin, et direction le parking de la caravane, tout en ayant préalablement pris le temps d’aller “pointer” au PPO (point de passage obligatoire) souvent assez éloigné de l’hôtel : en effet, les coureurs et les médias sont logés en priorité à proximité de la zone de départ, pour les autres, c’est parfois plus compliqué… Ensuite, chaque caravanier rejoint son char, disposé dans l’ordre établi par ASO – qui reste le même durant les 3 semaines de courses – pour un petit briefing et nettoyage matinal. Une fois les “paniers repas” récupérés, c’est parti pour une longue journée où il ne sera toléré qu’un seul arrêt, pour la traditionnelle “pause-pipi”. En général, la caravane décolle aux alentours de 10h30, pour rejoindre l’arrivée vers 16h30-17h, selon l’allure des coureurs : en effet, les véhicules de la caravane doivent arriver au plus tard 1h avant les premiers coureurs. Pour “caler” tout ce petit monde, un hélicoptère de l’organisation suit la caravane et calque la vitesse de celle-ci sur celle des coureurs à l’arrière. Une fois l’arrivée ralliée, la journée est loin d’être terminée pour les caravaniers : il faut rejoindre l’hôtel réservé par le sponsor et recharger les “goodies” pour l’étape du lendemain et nettoyer de fond en comble les véhicules ! Avant le repas, débriefing de la journée écoulée et préparation de celle du lendemain…Inutile de dire que le soir, les organismes sont souvent fatigués : le tout dure pendant un mois, avec seulement 2 journées en “off” lors des étapes de repos (à moins qu’il faille endurer un transfert vers une autre ville, auquel cas ce n’est pas de tout…repos). Si la plupart des caravaniers sont des étudiants, c’est aussi parce qu’ historiquement, l’ambiance y était connue pour être des plus festives : pendant de longues années, tout ce petit monde se retrouvait tous les soirs pour des fiestas d’anthologie, jusqu’à pas d’heure dans la nuit. Aujourd’hui, tout ceci est de plus en plus contrôlé par ASO, qui si elle ne veut pas tuer le mythe de la caravane festive, limite le nombre de soirées à 2 au cours des 3 semaines : la veille des deux étapes de montagne. Mieux, les caravaniers sont même désormais soumis à des contrôles inopinés d’alcool et de drogue le matin au départ : tolérance zéro, à 0.1g on ne prend pas le départ. Les organisateurs l’ont bien compris, avec le monde sur le bord de la route et notamment les centaines de milliers d’enfant, la responsabilité est énorme. La seule “grosse” fête est donc celle du dernier jour, à Paris, une fois tout ce petit monde arrivé sur les Champs. Pour autant, même sans fête quotidienne, la caravane c’est encore souvent l’occasion de rapprochements entre jeunes, une sorte de colonie pour adultes : pendant près d’un mois, c’est du non-stop : on fait chambre commune avec la même personne, et on s’en coltine aussi d’autres toute la journée, tous les jours, du matin au soir. Une expérience de vie unique en somme. Car si financièrement ce n’est pas le Pérou – les caravaniers sont payés au SMIC – ils ont d’autres avantages : ils sont nourris, logés, blanchis : tout leur est payé pendant un mois ! Au final donc ce n’est pas tant pour l’argent mais pour l’aventure humaines que chaque année ils ont des dizaines de millier à tenter leur chance pour intégrer la caravane : car durant plus d’un mois c’est une expérience humaine inoubliable, riche, intense, à un rythme endiablé qui s’offre à eux, qui à la fin du Tour, du jour au lendemain, s’arrête net. Il est alors temps de se faire la bise, ou plus, et de se dire à bientôt au mieux, à l’année prochaine, au pire.
Un business qui n’a jamais été aussi juteux
La caravane publicitaire, c’est un cortège de 180 véhicules – voitures et chars – transportant près de 600 caravaniers employés par 35 marques différentes et qui s’étale sur près de 20km de long. A cette lecture, on comprend mieux pourquoi elle constitue un business juteux pour les partenaires d’Amaury Sport Organisation (ASO). Le Tour est une formidable vitrine sans aucune équivalence en France, et même si pour y rentrer cela demande quand même de gros investissements, le retour sur investissement est énorme : pour la firme de bonbons Haribo par exemple, le résultat est “meilleur qu’une publicité de 30 secondes à la télévision sur une chaine nationale, car on touche 15 millions de personnes qui découvrent nos nouveautés et goûtent nos produits”. Rien que ça. Pour ceux qui en douteraient encore, voici quelques chiffres qui finissent de convaincre de la puissance de la caravane du Tour :
– 14 millions d’objets distribués en 21 jours de course
– 37 marques différentes représentées, avec dans l’ordre de position sur la route : 1) LCL partenaire officiel du maillot jaune, historiquement toujours en tête de la caravane, 2) Le Journal de Mickey 3) Skoda, 4) Fruit Shoot, 5) Yorkshire, 6) Krys, 7) Haribo, 8) Gendarmerie Nationale, 9) Courtepaille, 10) Arras Nord-Pas-de-Calais, 11) X-Tra, 12) P&O, 13) Senseo, 14) Police Nationale, 15) Cofidis, 16) CFTC, 17) Cochonou, 18) Ibis Budget, 19) Kleber, 20) ERDR, 21) La Nouvelle vie ouvrière, 22) Belin, 23) PMU, 24) Mécénat Chirurgie Cardiaque, 25) BIC, 26) Saint-Michel, 27) Carrefour, 28) RAGT Semences, 29) Banette, 30) Teisseres, 31) FO, 32) McCain, 33) Pompiers, 34) Vision Plus, 35) Utrecht, 36) Vittel, 37) Festina
– un budget global compris entre 12 et 14 millions d’euros : qui sert entre autre à financer les salaires, les déplacements, l’hébergement et la restauration des 600 caravaniers durant 3 semaines.
– entre 12 et 15 millions (selon les années et le parcours emprunté) de spectateur sur le bord des routes.
– 1 million d’euros : le budget dépensé par les plus gros partenaires pour leur présence sur la caravane, ainsi que sur le dispositif du village départ le matin de chaque étape.
– 350 000 euros : le budget moyen par partenaire pour avoir le droit de faire partie de la caravane, soit la création et l’exploitation de 6 véhicules/chars.
– 200 000 euros : le plus petit budget des partenaires d’ASO participant à la caravane du Tour.
– 600 employés “saisonniers” appelés caravaniers : 480 sur les chars et voitures, ainsi que 120 logisticiens et/ou techniciens qui sont là pour répondre au moindre petit souci.
– 600 contrôles en moyenne (!) de gendarmerie sur la caravane au cours des 3 semaines de course
– Entre 12 et 20km : la longueur de la caravane du Tour, selon la vitesse et le profil de l’étape
– 80 km/h : la vitesse maximale autorisée pour les véhicules de la caravanes. La vitesse moyenne elle se situe davantage aux alentours des 40km/h.
– 53 : le nombre de personnes qui entourent et surveillent de près quotidiennement la caravane (ASO en majorité) sans oublier les véhicules “ouvreurs” de la gendarmerie, les ambulances, la police, les pompiers et les indispensables…dépanneuses !
Plus d’excuse, vous voilà désormais incollable sur la caravane publicitaires du Tour, alors rendez-vous dans un peu plus de 15 jours pour découvrir la cuvée 2015. En attendant, filez vite achetez votre chaise pliante et faites le plein de glaçons, histoire d’être fin prêt pour le grand rendez-vous de juillet !