La Yougoslavie, ou l’usine à fabriquer des légendes sportives. Le monde du sport se souvient encore des sueurs froides qu’elle donnait aux ogres américains et soviétiques notamment sur la planète basket. Si le pays n’existe plus depuis l’éclatement de la République fédérale La Yougoslavie, ou l’usine à fabriquer des légendes. Le monde du sport se souvient encore des sueurs froides qu’elle donnait aux ogres américains et soviétiques. Si le pays n’existe plus, résultat des terribles guerres de Yougoslavie, son modèle sportif, lui, a perduré au sein des nouvelles nations que sont la Serbie, la Croatie, la Bosnie, la Slovénie et le Monténégro. Pour savoir où en est la diaspora yougoslave dans le monde du sport en 2016, nous avons pris comme base d’analyse quatre des sports rois : le tennis, le basket-ball, le handball et bien-sur le football. Voici à quoi ressemblerait ces « dream-team » lors des compétitions internationales et notamment les prochains JO de Rio. A vous de juger.
TENNIS : ÉQUIPE NATIONALE YOUGOSLAVE DE COUPE DAVIS
Novak Djokovic (Serbe – N°1 ATP). On ne présente plus le numéro 1 mondial incontesté et incontestable, véritable patron du circuit ATP. Le natif de Belgrade est l’ambassadeur n°1 de sa Serbie natale à travers le monde, du haut de ses 11 titres du Grand Chelem, série en cours…
Milos Raonic (Canadien – N°10 ATP). S’il défend les couleurs Canadienne, le grand Milos n’en est pas moins né à Podgorica au Monténégro – qui s’appelait encore Titograd et appartenait à la Yougoslavie en 1990, années de sa naissance – et aurait donc pu défendre les couleurs yougoslaves. Oui mais voila, ses parents d’origine monténégrine se sont installés au Canada avant ses 4 ans. Et si son frère et sa sœur ainsi que tout le reste de sa famille vivent encore aujourd’hui au Monténégro, Milos lui ne s’y rend qu’une à deux fois par an et la fibre Balkanique ne vibre pas au fond de lui.
Marin Cilic (Croate – N°11 ATP). S’il défend les couleurs de la Croatie, le vainqueur de l’US Open 2014 est lui né en Yougoslavie à Medugorje, dans l’actuelle Bosnie-Herzégovine, de parents…croates. Dans la lignée de son prédécesseur Goran Ivanisevic, il perpétue la lignée des grands serveurs croates vainque d’un tournoi du Grand Chelem.
Bernard Tomic (Australien – N°20 ATP). S’il défend les couleurs des Kangourous australiens, Tomic est né à Stuggart en Allemagne mais est surtout issu d’une famille originaire de Bosnie (sa mère) et de Croatie (son père) qui va émigrer vers l’ Australie alors que Bernard n’a que 3 ans et demi. Alors qu’il reste le seul joueur à avoir gagné le tournoi de l’Orange Bowl dans 3 catégories d’âge différentes et le plus jeune joueur de l’histoire titré dans un tournoi du Grand Chelem junior (16 ans !), il semblerait commencer à timidement confirmer les grands espoirs placés en lui depuis tant d’années, dans le sillage de son nouvel entraineur, la légende Leyton Hewitt.
Victor Troiki (Serbe – N°21 ATP). Natif de Belgrade comme Novak Djokovic, le second pilier de l’équipe Serbe de Coupe Davis a permis à sa jeune nation de remporter – à domicile dans une Arena de Belgrade en fusion – le saladier d’argent contre la France en 2010 avec une victoire lors du 5ème match décisif contre Mickaël LLodra.
Ivo Karlovic (Croate – N°33 ATP). La machine à aces, native de Zagreb. Le géant croate (2.11m) aura laissé sa trace dans l’histoire du tennis, à sa manière : en octobre Dernier, Karlovic a battu le record d’aces en carrière de son compatriote Goran Ivanisevic avec un total de 10.247 ! Depuis, les aces continuent de pleuvoir, même à 36 ans.
Borna Coric (Croate – N°46 ATP). L’avenir du tennis mondial, plus jeune membre du top 50 mondial (46ème) à 19 ans. Le 3ème croate à remporter un Grand Chelem ?
BASKET-BALL : ÉQUIPE NATIONALE YOUGOSLAVE POUR LES JO 2016
Elle pourrait se composer des 14 joueurs suivants, en provenance des nations “actuelles” suivantes :
Bosnie-Herzégovine : Mirza Teletovic (Brooklyn Nets, NBA) – Jusuf Nurkic (Denver Nuggets, NBA) – Ognjen Kumic(Golden State Warriors, NBA)
Croatie : Ante Tomic (FC Barcelona, ESP) – Dario Saric (Efes Istanbul, TUR) – Bojan Bogdovic (Brooklyn Nets, NBA) -Damjan Rudez (Indiana Pacers, NBA)
Serbie : Nemanja Nedovic (Golden State Warriors, NBA) – Bojan Marjanovic (San Antonio Spurs, NBA) – Milos Teodosic (CSKA Moscou, RUS) – Nemanja Bjelica (Minnesota Timberwolves, NBA)
Monténégro : Nikola Mirotic (qui joue pour l’équipe d’Espagne / Chicago Bulls, NBA) – Nikola Pekovic (Minnesota Timberwolves, NBA) – Nikola Vucevic (Orlando Magics)
De quoi récupérer la suprématie européenne aux Espagnols et concurrencer les USA sur le toit du monde ?
FOOTBALL – ÉQUIPE NATIONALE YOUGOSLAVE POUR L’EURO 2016
Elle pourrait se composer des 28 joueurs suivants, en provenance des nations “actuelles” suivantes :
Croatie : Luka MODRIC (Real Madrid, ESP) – Ivan RAKITIC (FC Barcelone, ESP) – Mario MANDZUKIC (Juventus Turin, ITA) – Mateo KOVACIC (Real Madrid, ESP) – Nikola KALINIC (Fiorentina, ITA) – Ivan PERISIC (Inter Milan, ITA) – Dario SRNA (Shaktar Donestk, UKR) – Halen HALILOVIC (FC Barcelone, en prêt au Sporting GIJON, ESP) – Marcelo BROZOVIC (Inter Milan, ITA)
Serbie : Aleksandar MITROVIC (Newcastle, ANG) – Lazar MARKOVIC (Fenerbahce, TUR) – Alexandar KOLAROV(Manchester City, ANG) – Nemanja MATIC (Chelsea, ANG) – Adem LJAJIC (AS Roma, ITA) – Branislav IVANOCIC(Chelsea, ANG) – Matija NASTASIC (Schalke 04, ALL)
Bosnie-Herzégovine : Vedad IBISEVIC (Hertha Berlin, ALL) – Edin DZEKO (AS Roma, ITA) – Miralem PJANIC (AS Roma, ITA) – Senad LULIC (Lazio Roma, ITA) – Emir SPAHIC (Hambourg SV) – Asmir BEGOVIC (Chelsea, ANG)
Monténégro : Stevan JOVETIC (Inter Milan, ITA) – Stefan SAVIC (Atletico Madrid, ESP)
Slovénie : Josip ILICIC (Fiorentina, ITA) – Samir HANDANOVIC (Inter Milan, ITA) – Kevin KAMPL (Bayer Leverkusen, ALL)
Suède : Zlatan Ibrahimovic (PSG, France)…Né d’un père bosnien et d’une mère croate, il aurait pu jouer pour l’une des deux nations, et donc évidemment pour la Yougoslavie de l’époque.
LES RAISONS D’UNE TELLE HOMOGÉNÉITÉ AU PLUS HAUT NIVEAU
L’importance du sport dans le système politique en Yougoslavie
Le sport était très important dans le système politique yougoslave. Comme dans la plupart des pays de la vieille Europe de l’Est, le sport était utilisé comme un outil pour prouver à l’extérieur la grandeur de l’idéologie communiste tout en créant dans le pays un sentiment de fierté et d’unité. La Yougoslavie de Tito était bâtie sur l’idée d’unité et de fraternité (“Jedinstvo i bratstvo“) entre les gens et l’idée que « yougoslave » était la seule nationalité légitime. Avec les lourdes restrictions sur les activités religieuses, le sport était sans doute le champ d’action le plus important pour gommer les identités serbe, croate, musulmane, slovène, etc. Chaque triomphe sportif était affiché comme un triomphe yougoslave dont les gens étaient très fiers. Le sport a ainsi servi politiquement pour créer un sentiment diffus, commun et très ancré d’identité yougoslave, d’où son extrême priorité.
Quel que soit le sport – basket, tennis ou football – les formateurs de l’ex-Yougoslavie représentaient une philosophie à part entière avec une réelle attention portée aux qualités techniques des joueurs qu’ils formaient. En football, ils ont formé des joueurs à l’image de ceux d’Amérique du Sud – d’où leur surnom de « Brésiliens de l’Europe » – alors qu’ailleurs, il y avait une plus grande attention portée aux qualités physiques. En Yougoslavie, c’était tout pour la technique et le développement des qualités tactiques. Le tout de manière assez stricte et disciplinée, ce qui a permis de combiner la culture de jeu de l’Amérique du Sud avec celle d’Europe de l’Est afin de créer une manière inédite et yougoslave de voir le jeu. Récemment, le CIES de Neuchâtel a sorti sa dernière étude sur les meilleurs clubs formateurs européens. Celle-ci tend à prouver que la qualité de formation « yougoslave » s’est perpétuée dans les républiques actuelles. C’est particulièrement le cas en Serbie et en Croatie. En effet les clubs du Partizan et de l’Étoile Rouge se placent respectivement 2è et 6è de ce classement au nombre de joueurs formés qui évoluent aujourd’hui en élite à travers l’Europe. La Croatie est aussi à l’honneur avec trois clubs représentés : Hadjuk Split (4è), Dinamo Zagreb (9è) et Osijek (15è). Ces résultats semblent démontrer que le savoir-faire yougoslave en termes de formation de joueurs de football professionnel est toujours d’actualité et on ne compte plus les jeunes espoirs du football européen issus d’ex-Yougoslavie (vous pouvez relire notre article pour vous en convaincre).
L’affirmation d’une stratégie claire de la part du gouvernement, consistant à accorder une très haute priorité au sport pendant ces années : pas seulement en termes de finances et d’institutions, mais également en termes de création d’une culture et d’un réel attrait pour le sport dans la population. Cette politique a laissé la Yougoslavie plus ou moins comme un grand terrain de jeu pour la pratique du football, du basket, du handball et d’autres sports. Les nations actuelles nées des guerres de Yougoslavie depuis 1992 ont conservé cette culture et cette tradition, vous verrez qu’elles perdurent également en Croatie, en Bosnie-Herzégovine, en Serbie, etc. bien souvent malgré le manque ou la qualité des infrastructures.
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