En NBA comme dans le sport en général, il arrive régulièrement qu’une équipe créée la surprise. Parmi ces belles histoires, la plus récente est celle des Toronto Raptors. Par des choix aussi risqués qu’audacieux, les Raptors sont parvenus à déjouer tous les pronostics la saison dernière en allant chercher le premier titre NBA de leur histoire, et ce malgré une étiquette de perdants qu’ils portaient depuis de nombreuses années. Retour sur les événements qui ont fait basculer le destin d’une franchise toute entière, pour la mener sur la voie du succès.
Juillet 2018: la saison NBA qui vient de s’achever a vu les Golden State Warriors remporter le titre en écrasant les Cleveland Cavaliers de LeBron James (4 victoires à 0). Au-delà du nouveau titre des Californiens, une chose peut être mise en évidence lorsque l’on fait le bilan de la saison: LeBron James a mené son équipe au sommet de la Conférence Est (et donc en finale du championnat) pour la 8e saison consécutive. Une série qui traduit la domination incroyable du « King » sur ses rivaux, mais qui pose aussi un certain nombre de question sur ceux-ci. Les Toronto Raptors sont sans aucun doute ceux qui ont le plus souffert de cette domination sans partage.
Toronto Raptors: des échecs répétés, une équipe à reconstruire
Présents en NBA depuis 1995, les Canadiens construisent petit à petit un effectif de qualité au début des années 2010. Et ils revoient logiquement leurs ambitions à la hausse. Dans un premier temps, les résultats s’améliorent et les Toronto Raptors enchaînent les très bonnes saisons régulières (classés dans le top 4 de la Conférence Est pendant 5 saisons d’affilée entre 2013 et 2018). Seulement, un problème majeur apparaît: ils ne parviennent pas à confirmer ces espoirs naissants en playoffs et les éliminations prématurées s’enchaînent (défaites au premier tour en 2014 et 2015, en demi-finale de Conférence en 2017 et en finale de Conférence en 2016).
Alors que les Toronto Raptors sont de plus en plus catégorisés comme une équipe de perdants, ces derniers réalisent une saison régulière splendide, conclue par une première place inédite pour la franchise. Malheureusement, l’histoire se répète: après un premier tour sérieux contre les Washington Wizards (4 victoires à 2), les Canadiens s’effondrent une nouvelle fois au tour suivant contre les Cleveland Cavaliers, encaissant 4 défaites sèches.
Toronto Raptors: avec Leonard, créer un électrochoc
Pour les dirigeants de Toronto, il est impossible de poursuivre ainsi. Il faut maintenant prendre des risques et créer un électrochoc, quitte à bouleverser l’organisation de la franchise et reconstruire un effectif qui a vu ses limites exposées au grand jour. C’est alors que le manager général de Toronto Masai Ujiri va tenter un pari fou: casser son effectif actuel pour récupérer Kawhi Leonard, joueur phare des San Antonio Spurs et qui a demandé à être transféré durant cette intersaison. L’établissement d’un échange pour récupérer le joueur apparaît très risqué.
Si Kawhi Leonard, MVP des finales et deux fois meilleur défenseur de la saison, a déjà prouvé qu’il pouvait mener une équipe au titre et qu’il est l’un des trois meilleurs joueurs du monde lorsqu’il est au top de sa forme, les inconnues sont nombreuses. Tout d’abord, cet échange implique de bouleverser et reconstruire l’effectif. Ensuite, Leonard sort d’une saison quasi blanche, à cause de problèmes physiques, mais aussi des relations compliquées avec sa franchise, et son état de forme est hypothétique. Enfin, le joueur avait auparavant affirmé vouloir rejoindre les Los Angeles Lakers et il sera libre de s’engager où bon lui semble au terme de la saison suivante.
Des choix audacieux, une ambition nouvelle
Malgré ces éléments, les dirigeants canadiens tentent le coup et l’échange est annoncé officiellement le 18 juillet 2018: le meilleur marqueur de l’histoire de Toronto DeMar DeRozan, mais aussi le jeune pivot Jacob Poeltl sont envoyés à San Antonio contre Kawhi Leonard et son coéquipier Danny Green.
La saison suivante démarre et la donne a changé à Toronto. Cette équipe, qui était au bord de l’implosion quelques mois plus tôt, déroule maintenant son basket avec aisance. Les Raptors enchaînent les bonnes performances en saison régulière, s’appuyant évidemment sur leur nouvelle star Leonard mais aussi sur le leadership d’un Kyle Lowry retrouvé et sur Pascal Siakam, l’une des révélations de la saison. Aussi, ce groupe caractérisé par la force de son collectif parvient à se hisser à la deuxième place de la Conférence Est à l’aube des playoffs.
Au premier tour, les Raptors affrontent le Magic d’Orlando, une équipe auteure d’une belle saison mais néanmoins à leur portée. Après un premier match perdu à la dernière seconde, les Canadiens vont immédiatement se remobiliser et faire respecter la logique du classement (4 victoires à 1). Ils passent au deuxième tour, lors duquel ils affronteront 76ers de Philadelphie.
Le déclic: une série dantesque contre Philadelphie
Cette confrontation qui s’annonçait intense tient toutes ses promesses. Alors qu’ils possèdent l’avantage du terrain sur cette série, les Toronto Raptors gagnent tranquillement le premier match (108-95) mais laissent les deux suivants leur échapper (89-94 puis 95-116). Dans une situation délicate, Les Toronto Raptors renversent pourtant la vapeur en allant chercher deux victoires (101-96, 125-89). Pourtant, contre toute attente, les Raptors perdent un match décisif face à des Sixers dos au mur (101-112): la série se jouera finalement lors d’un match 7 épique à Toronto.
Tout au long du match, les deux équipes vont se rendre coup pour coup, laissant planer un suspense insoutenable. Alors que l’on se dirige vers une prolongation, Kawhi Leonard devient le héros de toute une nation. Ne trouvant pas de solution alors qu’il ne reste que quelques secondes, l’ailier tente un dernier shoot improbable, en déséquilibre et malgré la bonne défense de Joel Embiid. Après plusieurs secondes de tension extrême et quatre rebonds sur le cercle, la balle rentre finalement. Le Air Canada Center explose suite à ce shoot légendaire, qui qualifie son équipe pour les finales de Conférence. Dans cette confrontation contre des Milwaukee Bucks premiers de la Conférence et logiquement favoris, les Raptors vont poursuivre sur leur lancée, déjouer les pronostics (série remportée 4 à 2) et (enfin) se qualifier pour une finale NBA.
Toronto Raptors, la consécration finale
Une dernière marche sépare les Raptors du Graal: les Golden State Warriors, qui dominent la NBA et ont glané 3 titres en 4 saisons. Même privés de Kevin Durant pour les premiers matchs, les Warriors restent intouchables aux yeux de bon nombre d’observateurs. La surprise commence dès le match 1 lorsque Toronto va chercher une première victoire en Californie (118-109). S’ils sont défaits au match 2 (109-105), les Raptors restent solides à domicile et remportent deux victoires supplémentaires (123-109, 105-92).
A ce moment, les Canadiens semblent destinés à la victoire cette année et les malheurs s’enchaînent pour les champions en titre: une grosse rechute au tendon d’Achille pour Kevin Durant malgré une seconde victoire à l’arrachée (105-106) et une rupture des ligaments croisés pour Klay Thompson au match suivant. Au terme de cette dernière rencontre serrée, c’est finalement Toronto qui décroche sa 4e victoire (114-110) et le premier titre de son histoire ! Quant à lui, Kawhi Leonard remporte ses deuxièmes titres de champion NBA et de MVP des finales.
Une dynamique positive qui se poursuit
Au-delà de ce sacre, les Canadiens ont aussi construit une dynamique positive durable, puisqu’elle s’est même poursuivie la saison dernière. Malgré les départs de Kawhi Leonard et Danny Green, les Raptors continuent de s’appuyer sur un gros collectif et sur un Pascal Siakam en progrès constant. Les Toronto Raptors occupaient d’ailleurs la deuxième place de la Conférence Est au moment de l’interruption de la saison.
Finalement, les Toronto Raptors sont sûrement la plus belle histoire de ces dernières années en NBA. Après des années d’échec, ils ont pris les risques nécessaires afin de changer de dimension, et sont parvenus à inscrire leur nom au prestigieux palmarès de la NBA. Si cette belle histoire semblait se poursuivre cette saison, reste à savoir s’ils sauront rééditer l’exploit avec un effectif moins fourni que la saison dernière, mais avec un collectif toujours plus fort et les certitudes nouvelles d’une équipe enfin victorieuse.
Crédits photo à la Une: Keith Allison