Interviewé sur la question de l’américanisation du basket français, Thierry Chevrier donne un avis mesuré sur la question. Pour le directeur de Cholet Basket, l’équilibre entre joueurs locaux et joueurs étrangers pourrait être différent. Hors du terrain, l’américanisation se traduirait par un changement dans la façon de montrer les matchs. Entretien exclusif pour Au Stade.
Au Stade: L’américanisation du basket et de la Pro A vous inspire quel commentaire ?
Thierry Chevrier: Nous n’étions pas favorables à une augmentation des joueurs américains dans les équipes quand ils ont modifié la réglementation. Mais comme de nombreux clubs, nous sommes tombés dedans, et un grand nombre de joueurs américains sont venus, au fil des années, combler nos équipes. Avec une satisfaction puisqu’en 2010, quand nous avons été Champions de France; nous avions 4 joueurs américains qui ont été super ! Cholet a toujours été précurseur en la matière. Quand nous étions en régionale, nous avions déjà un coach américain; c’est une vraie valeur ajoutée.
Vous semblez avoir quelques réserves…
Ce que nous remettons en question, c’est le nombre de joueurs américains qu’il est possible d’engager. Car si certains sont là pour renforcer les équipes, d’autres n’apportent pas forcément plus que les jeunes joueurs français. De plus, cela peut être un frein à leur évolution, car il ont besoin de temps de jeu. Et la difficulté avec les Américains, c’est qu’il faut les fidéliser. Pour la plupart ils signent des contrats courts car ils ne sont là que pour valoriser leur carrière. Aujourd’hui, le championnat français est un des championnats où ils sont les plus nombreux. Mais attention, nous ne sommes pas contre, nous disons simplement que l’équilibre entre les joueurs étrangers et français pourrait être différent.
Actuellement, à Cholet, les gens viennent encore pour voir le match et boire une bière. Mais cela ne durera pas.
Thierry Chevrier
Quelles sont donc vos propositions ?
Nous pensons qu’il faut réduire le nombre de joueurs américains. Actuellement, il est possible d’en avoir jusqu’à 4. Cette année, nous en avons 3. Nous pensons que ce nombre devrait être réduit, que ce soit pour la Pro A ou pour la Pro B. Idéalement, au maximum 1 pour chaque équipe de Pro B, avec 2 bosman (arrêt Bosman: joueurs étrangers provenant de l’Union européenne, ndlr) ou cotonou (accord de Cotonou: joueurs étrangers originaires d’États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, ndlr) et 3 pour chaque équipe de Pro A, avec 2 bosman ou cotonou. Si une équipe de 10 joueurs professionnels prend 4 américains et 2 cotonous, ils ne reste que 4 places pour des JFL (joueurs formés localement, ndlr)… Notre motivation, c’est de donner de l’espace de jeu à nos jeunes joueurs. Car il semble que certains Américains ont leur statut par l’expérience, plus que par leur jeu.
Les joueurs français ne jouent pas assez ?
Ce que nous disons, c’est qu’on doit avoir la possibilité de mettre de jeunes joueurs sur le terrain. Certains dirigeants diront qu’ils sont plus chers que les joueurs étrangers, mais c’est faux. Et l’investissement qui est mis dans les centres de formation aurait de ce fait un vrai sens. Le basket français produit de très bons jeunes joueurs, il suffit de voir les clubs européens et américains même; ils y sont. Nous avons ce système de formation qui doit rester au centre de notre projet, car notre économie n’est pas celle qu’il peut y avoir dans les clubs en Russie, Espagne, ou Turquie. Beaucoup de nos clubs sont financés par les collectivités territoriales. Alors je trouve surprenant qu’on puisse faire jouer des joueurs étrangers quand nous sommes financés par de l’argent public.
L’américanisation du basket se retrouve-t-elle hors du terrain ?
Depuis 3 ou 4 ans le public change, il est connecté, surtout sur les réseaux sociaux. Et ces réseaux font évoluer l’approche du match. Il faut aujourd’hui créer du lien, de l’émotion, faire plus qu’avant. Actuellement, à Cholet, les gens viennent encore pour voir le match et boire une bière. Mais cela ne durera pas. Nous devons maintenant aller au-delà du match, pour séduire notre public et se donner les moyens d’aller chercher de nouveaux spectateurs. Ce que font les Américains en la matière, nous devons y aller, parce qu’à un moment donné, notre public va nous déserter.
Beaucoup de nos clubs sont financés par les collectivités territoriales. Alors je trouve surprenant qu’on puisse faire jouer des joueurs étrangers quand nous sommes financés par de l’argent public.
Thierry Chevrier
Aller vers quelles actions, concrètement ?
On dit souvent que nos salles sont pleines. Mais il faut regarder leurs capacités, d’environ 4 à 5000 places. Elles sont plus petites que les salles étrangères. Alors si l’on veut augmenter le nombre de spectateurs, il faut aller vers des animations, un show à l’américaine. Je pense à la création de vrais lieux de vie, à des espaces comme des fan zones, des restaurants, des musées, des boutiques… Tout cela pour que les gens puissent venir avant le match, en famille, se prendre en photo avec les joueurs. Mais pour cela, il nous faut des accroches, avec des joueurs français, voire étrangers, fidèles, pour que parallèlement, le public et les partenaires se reconnaissent à travers eux.
Crédits photo à la Une: Alexandre Couraud / CHOLET-BASKET.FR